MANIFESTATIONS, pétitions, c’est dans la rue et la clameur populaire que Vieux Condé (Nord) déplore la lenteur de la justice administrative. Quitte à laisser le débat s’envenimer. L’origine de cet imbroglio juridique remonte à 2002, quand Laurent Salingue se voit, dans un premier temps, refuser une demande de création d’officine, licence ensuite accordée lui permettant d’ouvrir en mars 2004. Un premier recours contre l’autorisation préfectorale échoue au tribunal administratif, mais aboutit en cour d’appel… en 2007. Entre-temps, le pharmacien a exercé et trouvé sa clientèle. La cour d’appel argue du fait que l’autorisation n’aurait pas précisé si la création correspondait à un besoin de la population.
Vieux Condé est une ville du Valenciennois, comptant alors 10 600 habitants, trois pharmacies libérales, et une pharmacie minière, mais qui n’entre pas dans le quota. Celui-ci était alors de 2 500 habitants, et Laurent Salingue dépose une deuxième demande de création, en février 2007, accordée en avril de la même année. L’autorisation précise cette fois le besoin de la population.
Des deux confrères qui avaient intenté le premier recours, l’un ne poursuit pas, le second a vendu à Vincent Merlin, qui intente un second recours. Le tribunal administratif statue en février… 2011 et notifie en mars, donnant raison à Vincent Merlin. Laurent Salingue interjette appel et demande un sursis à exécuter, qui lui est refusé le 8 novembre dernier. L’appel n’est pas attendu avant mi 2012. Le 26 septembre, le pharmacien, radié de l’Ordre, ferme son officine. Au prononcé du refus de sursis, il a licencié ses trois salariés (son dernier chiffre d’affaires était de 1 million d’euros).
Pétition, tracts, manifestation.
« Un recours après quatre ans, le second après huit ans, c’est regrettable », déplore Dominique Gaudet, président du syndicat départemental. La clientèle de l’officine ne comprend pas non plus. Une pétition de soutien recueille 1 250 signatures, assure Laurent Salingue, des tracts sont diffusés en ville, une manifestation réunissant plusieurs centaines de personnes défile dans la ville le 22 octobre.
« Je suis le premier surpris par cet élan, assure Laurent Salingue. Beaucoup de mes clients sont des personnes âgées, qui ont de la peine à se déplacer. Ma porte résonne sans arrêt de gens qui viennent dire bonjour. Comment affirmer que la pharmacie ne répond pas à un besoin de la population ? »
Vincent Merlin avait repris, en septembre 2006, une officine alors à 500 m de celle de Laurent Salingue, qu’il a ensuite transférée, aujourd’hui à 100 m de son confrère. « Sur le fond de cette affaire, estime-t-il, il me semble que la justice a examiné l’esprit des lois plus que les textes eux-mêmes. Le cœur de la ville est plutôt au sud, où se trouvaient déjà deux pharmacies. Autoriser une troisième mettait les autres en danger. Je pense avoir été dans mon droit en contestant, en 2007, ce qui était une création. »
« C’est une affaire malheureuse, regrette Jean Arnoult, président du conseil régional de l’Ordre. En ouvrant une officine, un pharmacien sait s’exposer à un recours. Mais il est d’autant plus regrettable que les deux jugements aient été aussi longs à intervenir que cette création n’a pas été dérogatoire : l’autorisation a été donnée par la voie normale, la population étant suffisante. Le seul espoir aujourd’hui de Laurent Salingue est que la cour de Douai juge différemment puisque la modification du numerus clausus a rendu impossible toute création sur Vieux Condé. » Le pharmacien actuellement interdit avait, de fait, doublement justifié sa création : par son chiffre d’affaires, et par les soutiens qu’il reçoit aujourd’hui.
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