En amont de la dernière séance de négociation entre l’assurance-maladie et les médecins libéraux, la CNAM a publié le 9 mai son projet de convention médicale. Plusieurs mesures portent sur la pertinence des prescriptions, dont une consultation de déprescription qui s’appuie sur les bilans partagés de médication réalisés en pharmacie.
Dans le projet de convention médicale qu’elle a envoyé aux médecins à quelques jours de la dernière séance de négociation, la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM) propose plusieurs mesures pour une « juste prescription » et crée une consultation de déprescription.
Concrètement, l’assurance-maladie a établi une liste de 15 programmes de pertinence de prescription qui « s’appuient sur des référentiels scientifiques », et pour lesquels les médecins s’engageront sur trois points : prescrire selon les recommandations scientifiques, respecter le principe de sobriété des prescriptions (ou, selon l’assurance-maladie : « prescrire moins à chaque fois que cela est possible, à pertinence et qualité des soins équivalente ») et prescrire systématiquement via l’ordonnance numérique. En échange, l’assurance-maladie s’engage à accompagner les prescripteurs, à fournir les outils adaptés, et peut négocier un intéressement.
Parmi les 15 programmes arrêtés, plusieurs visent la déprescription médicamenteuse. L’assurance-maladie en fait d’ailleurs un levier pour lutter contre la polymédication (plus de 5 molécules délivrées au moins trois fois dans l’année), et vise une diminution de 10 % des patients de 65 ans et plus polymédiqués dès 2027. Elle enjoint les médecins à prescrire des bilans de médications en pharmacie et à « collaborer avec les pharmaciens à la suite des bilans de médication pour déprescrire certains médicaments dans le cadre d’une consultation longue dédiée ». La convention médicale introduit ainsi une consultation longue du médecin traitant pour les patients de plus de 80 ans hyperpolymédiqués (au moins 10 lignes de traitement médicamenteux) et ayant bénéficié d’un bilan de médication réalisé par le pharmacien. L’assurance-maladie propose un tarif de 60 euros.
Autres molécules visées par la déprescription : les antibiotiques, pour lutter contre l’antibiorésistance. L’assurance-maladie veut diminuer les volumes prescrits de 10 % dès 2025, puis 25 % en 2027, et engage pour cela les médecins à « avoir à disposition dans les cabinets et utiliser des TROD angine et des bandelettes urinaires avant de prescrire des antibiotiques lorsque l’examen clinique seul ne permet pas de caractériser avec certitude la nature bactérienne de l’angine ou de la douleur mictionnelle ; à défaut, utiliser les ordonnances conditionnelles ».
Dans le viseur également, les analgésiques de palier 2 pour lesquels l’assurance-maladie veut une diminution de 10 % des volumes remboursés dès 2025. Dans le projet de convention médicale, la CNAM prévoit « un entretien pharmaceutique dédié pour les renouvellements, à partir de la 2e délivrance » et le « déroulement d’entretiens courts (rappel règles de bon usage, mémo, questionnaire, aide au sevrage, alerte prescripteur) », ainsi que le « déploiement d’une ordonnance sécurisée pour les prescriptions de tramadol seul ou en association ».
Dans sa liste, l’assurance-maladie prévoit aussi de diminuer de 20 % chez l’adulte les prescriptions d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et de les limiter chez l’enfant aux seules indications recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS). Le dispositif entrerait en vigueur le 1er janvier 2025, pour 3 ans. « L’intéressement à la déprescription prévoit le partage, entre les médecins concernés et l’assurance-maladie, des économies générées par la mise en conformité des prescriptions d’IPP avec les indications médicales et les référentiels de bon usage pour cette classe thérapeutique », explique la CNAM.
Elle vise aussi une diminution de 5 % des volumes remboursés de compléments nutritionnels oraux (d’ici à 2027) et de pansements techniques prescrits en postopératoire (dès 2025), et veut faire respecter le seuil réglementaire de 200 bandelettes/ans pour les patients diabétiques éligibles. Elle veut aussi accélérer l’interchangeabilité des biosimilaires par les médecins (étanercept, adalimumab, follitropine alpha, énoxaparine, insuline asparte et ranibizumab) et atteindre un taux de pénétration de 80 % (qui est estimé à 32 % en 2023).
Enfin, pour des prescriptions plus « pertinentes », l’assurance-maladie part à la chasse aux prescriptions hors AMM ou recommande « à défaut, (d’)utiliser la mention “ NR “ en informant bien le patient » et demande, ici aussi, de « coopérer avec le pharmacien qui s’interrogerait sur le caractère remboursable d’une prescription au moment de la dispensation ».
Ce projet de convention médicale, qui contient d’autres mesures dont la revalorisation du tarif de la consultation, sera débattu avec les syndicats de médecins le 16 mai.
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