Le Quotidien du pharmacien. — En quoi l'affaire des cadeaux accordés à ses clients par Urgo est-elle significative des liens entre industriels et pharmaciens ?
Évelyne Friedel.- Il s'agit d'un exemple emblématique puisqu'il relève à la fois des règles régissant les négociations commerciales entre laboratoires et officines régies par le code du commerce, et du dispositif anti-cadeaux du code de la santé publique qui régit les relations entre les industries de santé et les professionnels de santé, y compris les pharmaciens. Urgo n'est pas le seul laboratoire à être poursuivi pour violation de ce dispositif. D'autres laboratoires avant lui, notamment dans le secteur dentaire, ont déjà été sanctionnés.
L'affaire Urgo rappelle que la France dispose de règles plus strictes que celles retenues au niveau européen. Cette sévérité étonne toujours les entreprises étrangères. On doit à la loi Bertrand de décembre 2011 cette application très stricte. Au-delà du dispositif anti-cadeaux renforcé, cette loi a aussi introduit le « Sunshine Act », exigeant une transparence absolue. En 2020, le dispositif anti-cadeaux a encore été durci *. Par ce nouveau tour de vis, les rares dérogations et exceptions à l’interdiction de recevoir des avantages ont été précisées et des montants seuils pour les consultants et les congrès ont été fixés : 150 euros pour une nuitée, 50 euros pour un repas, 2 000 euros de rémunération pour un médecin consultant… Naturellement, aucun avantage ne doit jamais être accordé aux conjoints ou aux enfants.
Ces pharmaciens ayant reçu des cadeaux d'Urgo vont faire l'objet de contrôle de la part de la DGCCRF…
Nombre de pharmaciens ont sans doute l'impression de ne pas avoir reçu énormément, d'autant que ces pratiques se sont étalées sur le temps. Il faut cependant rappeler qu'à l'origine, l'objectif des autorités était de s'adresser aux professionnels de santé en leur demandant d'être éthiques. Mais parce que cette demande n'a pas été suivie, les contrôles ont été dirigés sur les industriels. Les professionnels de santé continuent d'ailleurs de penser – à tort - que l'entreprise qui les sollicite est seule responsable.
Certaines pratiques commerciales en vigueur, tels les « gratuits », sont-elles susceptibles d'être, elles aussi, dans le viseur des contrôleurs ?
Il faut bien distinguer les cadeaux accordés par les laboratoires des « gratuits ». En effet, ces « gratuits » sous forme de « 13 à la douzaine », s'inscrivent dans les négociations commerciales, et relèvent par conséquent du code du commerce. Ils sont d'ailleurs destinés à la revente et constituent une forme de réduction de prix. Seule contrainte, ils doivent apparaître sur les factures. Mais ils ne sont pas assimilables à des échantillons qui, rappelons-le, ne peuvent être vendus. Ou encore au casque audio qui serait offert par un laboratoire au fils du pharmacien !
* Décret 2020-730 du 15 juin 2020, arrêtés du 7 août 2020 et circulaire du 11 septembre 2020 relative au dispositif « encadrement des avantages ».
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