Le Quotidien du pharmacien.- Ajourné en 2020, le projet de la réforme des retraites n’a pas été annulé, tant s’en faut. Comment envisagez-vous votre mandat dans ce contexte qui s’annonce mouvementé ?
Philippe Berthelot. - Nul ne sait quand elle se fera, ni par qui, mais une chose est sûre, il y aura une réforme des retraites. Je mobiliserai donc toute mon énergie pour défendre les droits acquis par les pharmaciens. La CAVP étant une institution de la profession, nous avons besoin d'une union de toutes ses instances pour défendre son autonomie de gestion. Parallèlement, nous pourrions nous rapprocher d’autres professions libérales. Cette alliance pourrait nous permettre de soumettre des propositions communes aux pouvoirs publics et aux autorités de tutelle afin de défendre notre modèle. Nous y travaillons actuellement.
La pérennité d’une Caisse de retraite n’est-elle pas aussi liée à des facteurs démographiques ? Quels en sont les enjeux actuels pour la CAVP ?
De fait, l’un des autres principaux axes de mon mandat consistera à consolider la CAVP, et si possible à améliorer la retraite des pharmaciens. Je ne peux concevoir cette mission sans l’appui des administrateurs. Leur nombre a certes été réduit à 20, mais ils n’en sont que plus impliqués dans de nombreuses instances et commissions de la caisse pour œuvrer en faveur de toutes les officines, celles qui se vendent bien et celles qui se vendent moins bien. Tous nos confrères doivent pouvoir bénéficier d’une retraite, une ressource sur laquelle ils pourront compter jusqu’à la fin de leur vie quels qu’en soient les aléas.
Ces garanties supposent donc que la CAVP puisse continuer à disposer d’un niveau de cotisations suffisant…
Oui, tout à fait, il est essentiel de cotiser pour un bon niveau de retraite. Notre profession a pour particularité qu'on y entre environ à 35 ans et qu'on en sorte en moyenne 30 ans après. Et les libéraux cotisent à un taux plus faible que les salariés, 17 % en moyenne contre 28 %. On ne peut, par conséquent, avoir le même niveau de pension.
Vous devez également tenir compte d'un autre facteur essentiel, la longévité qui ne cesse d’évoluer.
C’est le cas de la population générale et tout particulièrement de notre profession où l’espérance de vie est particulièrement élevée. Une consœur qui part à la retraite aujourd’hui à 62 ans une espérance de vie de plus de 31 ans et un confrère de près de 28 ans.
Le sujet est d’autant plus crucial que la démographie professionnelle diminue. Nous perdons en moyenne 300 cotisants par an. Aujourd'hui, nous avons passé le cap, nous avons davantage d'allocataires que de cotisants. Soit, au 30 juin 2021, 31 485 allocataires pour 29 662 cotisants.
Face à cette inversion de la pyramide des âges, la capitalisation est-elle la solution ?
Elle est un atout incontestable. Notre profession, qui est réglementée, ne peut croître de manière incontrôlée. Aussi, si nos aînés n'avaient pas eu la clairvoyance d’introduire une part de capitalisation dans notre régime complémentaire et si nous étions restés simplement dans un régime géré par répartition, cela nous aurait coûté un milliard d'euros en plus sur les 4,7 milliards d'euros qui ont été distribués en trente ans.
Contrairement à un régime par répartition, la soutenabilité d’un régime par capitalisation n’est pas directement dépendante de l’évolution démographique.
De plus, notre régime de capitalisation nous a permis de revaloriser le capital à un taux supérieur à celui des fonds en euros de l’assurance-vie. Ce que nous avons pu réaliser en 2020, (2 % de distribution), année du Covid, devrait être également envisageable cette année.
Par ailleurs, sur le plan économique, la capitalisation est vertueuse puisque les capitaux investis sur le long terme soutiennent les PME-ETI françaises.
Nous sommes convaincus que mixer capitalisation et répartition est un véritable atout dans le contexte démographique que nous connaissons.
Quel est aujourd'hui le niveau de vos réserves dans le volet géré par répartition ?
Dans le volet de notre régime complémentaire géré par répartition, nous avons constitué des réserves qui atteignent aujourd’hui 1,5 milliard d’euros pour absorber le choc démographique. C'est une obligation de le sécuriser, car notre régime de retraite, qui n'est pas un régime spécial mais un régime autonome, ne peut se permettre de faire des pertes. En aucun cas nous ne pouvons emprunter sur les marchés, cela nous est interdit.
D'où l'importance de nos réserves, constituées des cotisations et de nos revenus financiers, qui permettent aujourd’hui à notre régime de garantir le paiement des pensions jusqu'en 2040, selon nos estimations. Mais nous devons aller plus loin pour en assurer le paiement jusqu'en 2060.
Ce discours est-il entendu des pharmaciens ?
Je crois sincèrement que la profession et ses syndicats ont bien compris, grâce à notre communication, que cet argent cotisé, qui appartient aux pharmaciens, leur sera rendu intégralement. Pour rappel, alors que nous gérons 9,3 milliards d'euros d'actifs, notre budget de fonctionnement est de 10 millions d'euros seulement, avec des frais de gestion de 0,27 % pour le régime de capitalisation !
Un taux effectivement faible si on le compare à celui des compagnies d'assurances…
Le niveau des frais est en effet nettement supérieur dans les PER Assurance (plans d'épargne retraite). Notre régime n'est pas là pour réaliser des bénéfices, il est géré dans le cadre d’une structure professionnelle sous tutelle de l'État. Les provisions constituées appartiennent individuellement aux pharmaciens. La Cour des comptes le reconnaît d'ailleurs.
C’est pourquoi, nous veillons plus que jamais à préserver l'autonomie de gestion de notre caisse d’autant que les pharmaciens sont attachés à leur régime. Car, même si la réforme est aujourd'hui gelée au niveau politique, la réforme technique, elle, se poursuit. L'État n'a pas abandonné sa volonté d'interférer dans la gestion de notre caisse, notamment en voulant centraliser le recouvrement des cotisations auprès des URSSAF afin de baisser le budget de fonctionnement qui nous sera alloué. Ceci alors même que l'autonomie de gestion nous est garantie par la loi. Nous sommes donc en discussion constante avec nos autorités de tutelles. C'est un véritable sujet d'inquiétude. L'État nous fait-il réellement confiance ?
* 65 % d'obligations, 17 % d'actions, 13 % placements immobiliers.
Vers un nouveau rapport de force avec les laboratoires ?
DYNAMIS
PHARMACTIV
Les modèles coopératifs sont-ils l’avenir de la profession ?