Le 24 juin, la Cour suprême américaine a supprimé le droit constitutionnel à avorter. Résultat : une quinzaine d’États américains ont interdit l’avortement dont certains ne prévoient aucune exception, même en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère. Cette décision a fait l’effet d’une déflagration. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) déplore un « recul » de 50 ans et craint les répercussions dans d’autres pays.
Un effet boule de neige pourrait bien en effet toucher l’Europe – la Hongrie a durci les règles de l’avortement le 12 septembre dernier tandis que la situation italienne inquiète – les propositions de différentes classes politiques d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française ont afflué et reçu le soutien de la Première ministre, Élisabeth Borne. Si rien n’est encore fait, la France s’est démarquée au fil des années par des mesures fortes portées par la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 et ses feuilles de route 2018-2020 et 2021-2024. Un long chemin parcouru depuis l’autorisation à avorter en 1975 et le droit à l’IVG entériné dans le nouveau Code pénal en 1992, sans oublier l’allongement du recours possible à l’IVG chirurgicale de la 12e semaine d’aménorrhée à la 14e en 2001 et à la 16e depuis le 2 mars dernier.
Mission pérenne
À la même date, le délai pour l’IVG médicamenteuse est passé de 5 à 7 semaines de grossesse. Un allongement expérimenté dès avril 2020 en raison de la crise sanitaire. Dans ce cadre, les pharmaciens ont été appelés à de nouvelles missions qui, pour certaines, sont devenues pérennes. C’est le cas de la dispensation des médicaments à base de mifépristone et misoprostol, utilisés dans l’IVG médicamenteuse, qu’ils peuvent désormais remettre directement aux patientes munies d’une prescription. Le médecin doit mentionner sur l’ordonnance le nom de la pharmacie désignée par la patiente et un échange préalable entre le prescripteur et le dispensateur est nécessaire. La délivrance des médicaments est réalisée sans frais et de façon anonyme, la facturation à l’assurance-maladie doit donc être faite sur le même modèle que celui de la contraception d’urgence.
Un élargissement des missions du pharmacien qu'Agnès Firmin-Le Bodo, pharmacienne et ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, plébiscite : « Le pharmacien est la personne à laquelle on s’adresse en priorité. En tant que pharmacienne, j’ai déjà été confrontée dans mon exercice à ces cas de patientes, y compris un jour de garde, et j’aurais été heureuse d’avoir de tels dispositifs à ma disposition pour pouvoir mieux les accompagner. »
Accès à la contraception
Nouvelle preuve apportée à l’importance de la santé des femmes et à la santé sexuelle, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 fait la part belle au dépistage de toutes les infections sexuellement transmissibles (IST) chez les moins de 26 ans – et non plus seulement le VIH – sans prescription et intégralement pris en charge, et à l’élargissement de la gratuité de la contraception d’urgence à toutes les femmes, quel que soit leur âge. Deux mesures qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier après le vote de la loi.
« Une excellente nouvelle », selon Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui rappelle que jusqu’alors la contraception d’urgence était délivrée en pharmacie gratuitement, de manière anonyme et sans prescription, uniquement aux mineures. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) y voit une autre avancée pour la profession. « Le pharmacien pouvait déjà prescrire et délivrer la pilule du lendemain à toutes les femmes, la différence c’est que demain les plus et les moins de 18 ans bénéficieront de la même prise en charge à 100 % par l’assurance-maladie. J’espère que ce parcours patient en accès direct au médicament avec prise en charge par l’assurance-maladie servira d’exemple, notamment dans la cystite. »
Cette mesure fait écho à une disposition en vigueur depuis le 1er janvier dernier. La gratuité de la contraception, mise en place pour les 15-18 ans en 2013 puis étendue à toutes les mineures en août 2020, bénéficie désormais aux 18-25 ans. La prise en charge par l’assurance-maladie est même plus large puisqu’elle comprend également la consultation de prescription et tous les soins qui y sont liés, bilan biologique compris. Comme pour la contraception d’urgence, le but est d’éviter le renoncement pour des raisons financières et de réduire le recours à l’IVG.
Nouvelles missions
Deux nouvelles missions pour le pharmacien sont en lien direct avec la santé sexuelle. En premier lieu il s’agit de l’entretien de la femme enceinte. « C’est très nouveau car c’est un entretien court, voulu pour être fait au comptoir, qui peut être proposé par le pharmacien à tout moment de la grossesse et permettant de sensibiliser à la consommation de substances tératogènes ou foeto-toxiques. Cela repose sur des documents produits par la Haute Autorité de santé (HAS). C’est vraiment le conseil pharmaceutique protocolisé qui trouve ici sa première traduction », explique Philippe Besset. Cet entretien, rémunéré à l’acte (5 euros), pourra être réalisé à partir du 7 novembre.
En second lieu, l’élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens va leur donner la lourde charge d’améliorer la couverture vaccinale contre les papillomavirus humains (HPV) pour faire chuter les cancers induits, à savoir ceux « du col de l’utérus, de la vulve, du vagin, de l’anus et du pénis », indique l’infectiologue Philippe Brouqui. Soulignant les mauvais résultats en France – 28 % des jeunes filles de 16 ans ont reçu le vaccin en 2019 – qui a en plus tardé à inclure les garçons dans la population cible (effectif depuis le 1er janvier 2021), Philippe Brouqui reconnaît la difficulté à convaincre. « La vaccination est efficace surtout si on arrive à fabriquer des anticorps avant la contamination. C’est la raison pour laquelle il faut vacciner avant les premiers rapports sexuels. » Sujet délicat s’il en est à aborder avec les adolescents et leurs parents.
L’implication des pharmaciens pourrait bien encore s’étendre dans le cadre de la santé sexuelle. C’est en tout cas le souhait de Grégory Tempremant, président de l’Union régionale des professions de santé (URPS) pharmaciens des Hauts-de-France (voir ci-dessous), pour qui l’expérimentation de la vaccination contre la variole du singe en officine est un pied dans la porte pour la mise en place d’un futur entretien dédié.
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