Une querelle de clocher risque de coûter l'existence de la seule pharmacie de la vallée du Queyras.
À rebours de ce que connaissent de nombreux territoires, la vallée du Queyras dispose de trois médecins et d’un panel suffisant de paramédicaux. Mais cet écosystème risque de chanceler si son unique pharmacie ne peut être transférée vers la commune la plus centrale, à Château-Ville-Vieille (Hautes-Alpes) dans des locaux plus spacieux, dotés d’un parking et d’une accessibilité pour personnes à mobilité réduite (PMR).
Un paradoxe que l’on doit, selon les deux titulaires de la pharmacie d'Aiguilles, non pas à l’ARS, prête à accorder une dérogation pour un transfert alors que la population à l’année atteint 2 200 habitants, mais bien à la commune d’Aiguilles (Hautes-Alpes), située en amont de la vallée, qui se bat bec et ongles pour conserver sa pharmacie. Il n’est pas question de la voir transférée à Château-Vieille-Ville, à 3 kilomètres de là, se défend en substance dans les médias, la maire d’Aiguilles (200 habitants) qui n’a pas donné suite aux sollicitations du « Quotidien du pharmacien ». L’ARS, redoutant que la commune mette à exécution sa menace de recours auprès du tribunal administratif si la dérogation était accordée, a gelé le dossier, toujours selon les pharmaciens. Contactée, l'ARS n'a pas souhaité pour l'heure commenter.
Cela fait par conséquent plus d’un an que la situation est bloquée, mettant en péril l’avenir du système de santé de 2 200 habitants. En effet, Catherine Denonfoux-Blanchard et son époux, Damien Denonfoux, tous deux titulaires de la pharmacie d’Aiguilles (Hautes-Alpes) sont fatigués d’attendre leur transfert. À tel point qu’ils songent à rendre leur licence. « Personne ne voudra racheter notre officine de 80 m2 dont la surface de vente atteint à peine 15 m2 », se résigne la pharmacienne. Le couple, dont le chiffre d’affaires annuel avoisine un million d’euros, est à bout de souffle. « Les perspectives pour la pharmacie en 2024 ne sont pas bonnes et nous nous inquiétons d’autant plus que nous ne pourrons pas, par manque d’espace, mettre en place les nouvelles missions », déclare Damien Denonfoux.
Les deux titulaires comprennent d’autant moins la fronde de la municipalité que Château-Vieille-Ville est devenue depuis les années cinquante le centre névralgique de la vallée. La boulangerie, la coopérative d’artisans ainsi que l’office du tourisme y sont implantés. « Nous avons établi notre projet de transfert en tenant compte de l’accessibilité par la route départementale et nous avons réfléchi en bassin de vie », se désespère Catherine Denonfoux-Blanchard. « Si notre pharmacie venait à disparaître, la population serait obligée de parcourir trente kilomètres jusqu’à Guillestre. On imagine en hiver combien cela impraticable pour beaucoup de personnes. » Ce que confirme Marion Mordacq. Artisane d’art, elle a décidé de lancer une pétition en faveur du transfert de la pharmacie. « Nous avons déjà recueilli 900 signatures. L’objectif est d'autoriser notre pharmacie à s'installer librement dans la vallée du Queyras afin de la sauvegarder pour ne pas devoir descendre à Guillestre pour une boîte de Doliprane, alors qu’il y a 20 cm de neige et des roches qui tombent fréquemment sur la route », argumente-t-elle.
Celle qui est également l’épouse de l’un des médecins déplore cette querelle alors que la vallée dispose de trois praticiens qui peuvent intervenir en traumatologie, effectuant des radios et des échographies… « Un luxe que nous risquons de perdre : si nous n’avons plus de pharmacie, les habitants seront alors obligés de descendre pour consulter un médecin. »
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