Seule voix discordante dans le concert de louanges à l’arrivée des outils du numérique en santé aux mains des professionnels de santé et des patients, l’UDGPO assume. Et explique. Il faut dire que l’organisation a l’habitude d’affronter seule l’adversité, n’hésitant pas à s’attaquer à la grande distribution comme aux magasins de vente de matériel médical ou aux e-pharmacies étrangères qui contreviendraient aux règles françaises et menaceraient la profession. Fort de cette expérience, Laurent Filoche, président de l’UDGPO, tire la sonnette d’alarme.
« À chaque fois qu’il y a de nouvelles frontières qui sont atteintes, il y a aussi de nouveaux dangers qui nous guettent. Et ils sont multiples », prévient-il. Il y a tout juste un an, il s’inquiétait du non-respect de la législation française par des pharmacies en ligne néerlandaises. Avec raison. « On se croyait protégé mais on ne l’est pas du tout. La preuve, c’est que le problème perdure. Si vous allez sur leur site, elles continuent à proposer une promotion de 10 % sur le Doliprane pour toute première commande, ce qui est formellement interdit. Mais personne ne les empêche, alors… »
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir prévenu, rappelle l’UDGPO, qui avait attaqué en justice et presque obtenu gain de cause auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, en octobre 2020. Celle-ci avait en effet jugé qu’un État européen pouvait imposer certaines règles à un autre État dès lors qu’elles sont bien notifiées auprès dudit État et de la Commission européenne. Ce que la France n’a pas pris soin de faire. Résultat, un an plus tard la cour d’appel de Paris ne pouvait que débouter l’UDGPO et laisser la liberté aux pharmacies européennes de ne pas respecter le droit français. Bien que la France se soit finalement décidée à envoyer les notifications nécessaires, en novembre 2021, force est de constater que le droit national n’est toujours pas respecté.
Danger majeur
Mais la situation pourrait encore empirer. « Avec toute la chaîne qui est en train de se mettre en place, on pourrait arriver à ce que les Anglo-Saxons appellent "a perfect storm", un orage parfait, avec des plateformes de téléconsultation à l’étranger, aux mains d’actionnaires détenant aussi des parts dans des e-pharmacies ou des pharmacies traditionnelles au positionnement disruptif… Si on y ajoute certaines applications spécialisées en préparation de doses à administrer (PDA) qui shunte les pharmaciens et coupe ainsi le patient de son pharmacien, et si en plus ces applis sont référencées dans l’espace numérique en santé… Le danger est majeur pour la profession. » La crainte : un tout numérique sans rapport humain.
Pourtant, Laurent Filoche en est persuadé, ce n’est pas le but recherché par le gouvernement avec le déploiement du numérique en santé. C’est pourquoi il l’appelle à s’assurer d’avoir « un cadre réglementaire qui s’adapte à ces évolutions » et surtout à faire en sorte « qu’il soit respecté ». Car, pour ce qui est du non-respect signalé quant aux e-pharmacies néerlandaises, « l’UDGPO a bougé, a perdu, et ça nous a coûté de l’argent ». Parce que l’organisation « ne peut pas aller au casse-pipe à chaque fois », Laurent Filoche appelle toute la profession « à s’emparer du sujet ».
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