Depuis 2001, année du fameux slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique », la France multiplie les plans nationaux pour lutter contre l’antibiorésistance. Les plans Ecoantibio 1 (2012-2017) et 2 (2018-2022), intégrant la santé animale, puis environnementale, ont efficacement pris le relais.
En santé humaine, la consommation d’antibiotiques délivrés en ville (90 % des dispensations) a connu une baisse régulière depuis 2011 : -2,4 % par an en nombre de prescriptions et -0,9 % en nombre de doses. Une baisse fortement accentuée en 2020 – certainement liée aux mesures barrières et aux périodes de confinement dues à la crise du Covid – suivi d’une légère reprise en 2021, mais la consommation reste inférieure à 2019, démontrant une tendance à la baisse qui se poursuit. En établissement de santé, la consommation globale recule également, notamment en termes de macrolides et de fluoroquinolones. En revanche, elle progresse en 2021 sur d’autres familles à large spectre telles que les céphalosporines de 3e génération (C3G), les carbapénèmes et les antibiotiques actifs contre les staphylocoques résistants à la méticilline.
4e plus gros consommateur européen
Côté prescription, le taux de traitements par antibiotiques chez les 16-65 ans sans affection de longue durée (ALD) continue de diminuer en 2021 et la part des antibiotiques particulièrement générateurs d’antibiorésistance (amoxicilline + acide clavulanique, C3G et C4G, fluoroquinolones) reste stable. Il est cependant passé de 43,2 % en 2016 à 34,4 % en 2021. À noter la baisse importante de la part des C3G et C4G, sur cette même période, dans le traitement des enfants de moins de 4 ans (passé de 34 % à 20,5 %) et de 4 ans et plus (de 22,8 % à 14,6 %). Santé publique France souligne, en outre, qu’en médecine de ville, la part des antibiotiques à usage restreint consommée dans l’Hexagone est passée de 46 % en 2011 à 36 % en 2021. En 2020 tout comme en 2021, la France reste le 4e pays européen le plus consommateur en antibiotiques.
La surveillance de l’antibiorésistance repose essentiellement sur deux indicateurs : la résistance des souches d’Escherichia coli (E. coli) aux C3G, fluctuante depuis 2011, et aux fluoroquinolones, en baisse « plus ou moins marquée depuis 2013 » mais en hausse en 2021. Bien que les objectifs fixés par la stratégie nationale 2022-2025 ne soient pas atteints, la France se situe au 8e rang des pays européens avec la plus faible proportion de résistance aux fluoroquinolones et au 7e rang quant à la résistance aux C3G.
Une plus forte médicalisation
En santé animale, plus de 90 % des volumes d’antibiotiques sont vendus à l’intention des animaux de rente. Entre 2011 et 2021, l’exposition des animaux à ces médicaments a diminué de 47 %. Une baisse continue année après année et qui concerne toutes les espèces. Ainsi, l’an dernier, le volume annuel des ventes a reculé de 10,7 % et l’exposition des animaux aux antibiotiques de 3,2 %. On note cependant une hausse de l’exposition pour les animaux de compagnie (+9,1 %) qui pourrait s’expliquer par une plus forte médicalisation.
Le taux de bactéries résistances chute pour la plupart des antibiotiques, à l’exception de l’amoxicilline et de l’association amoxicilline-acide clavulanique. En revanche, après les très fortes baisses enregistrées en 2016, l’exposition et la résistance aux antibiotiques critiques sont désormais stables. In fine, depuis 2013, l’exposition des animaux aux fluoroquinolones a chuté de 87,7 % et de 93,4 % pour les céphalosporines de dernière génération. Celle à la colistine a, pour sa part, diminué de 66,6 % depuis 2014. Depuis 2017, sous l’effet conjugué des contraintes réglementaires et de l’engagement des vétérinaires et des éleveurs, « la fréquence des traitements avec des antibiotiques d’importance critique est devenue très faible, autour de 1 % », selon les chiffres publiés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).
Des recommandations en 2023
Celle-ci appelle à ne pas baisser la garde pour autant. Elle se félicite d’ailleurs de l’entrée en vigueur, le 28 janvier dernier, du nouveau règlement européen sur les médicaments vétérinaires visant notamment à limiter et surveiller l’utilisation des antibiotiques. Par ailleurs, elle formule des recommandations simples telles que le lavage des mains systématique après avoir touché un animal qui sort d’hospitalisation ou qui est sous traitement antibiotique. En effet, une étude que l’ANSES a menée avec l’École vétérinaire d’Alfort, parue en octobre dernier dans le « Journal or Antimicrobial Chemotherapy » et réalisée sur 125 chiens sortant d’hospitalisation, montre qu’ils sont porteurs de davantage de bactéries résistantes aux céphalosporines et aux carbapénèmes à leur sortie (24,8 % d’entre eux) que lors de leur admission (4,8 %). Des bactéries ou des gènes identiques ont été retrouvés chez des chiens n’ayant aucun contact direct, ainsi que dans les locaux. Or les chiens porteurs de ces bactéries résistantes pourraient les transmettre à leurs propriétaires…
Santé publique France et l’ANSES ont cartographié l’ensemble des dispositifs de surveillance de l’antibiorésistance, analysé les freins et les motivations, et identifié « des pistes d’amélioration dans une perspective de surveillance intégrée » selon l’approche « One Health » (une seule santé) promue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans ce cadre, les deux agences publieront une douzaine de recommandations courant 2023.
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