À la différence des antibiotiques, le DP, lui, est automatique. Un principe ancré par le décret du 3 avril 2023 qui introduit plus de souplesse d'utilisation pour le pharmacien et pour le patient. Mais encore faut-il leur en exposer les avantages. Deux ordinaux, titulaires ayant expérimenté cette nouvelle version, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2024, en exposent les grandes lignes.
Premier changement, annonce Bruno Maleine, président du conseil central A de l'Ordre des pharmaciens (CNOP), la visibilité sur les médicaments dispensés est élargie. « Les pharmaciens auront accès à un historique de douze mois contre quatre aujourd'hui et, pour chaque ligne de médicament, la pharmacie dispensatrice sera notifiée. » Cette fonctionnalité pourrait être étendue aux produits OTC ainsi qu'aux médicaments délivrés en rétrocession avec, dans ce cas, l'inscription de la PUI (700 établissements ont aujourd'hui accès au DP). « Cet historique n'a pas pour objectif de suivre le patient à la trace mais bien de détecter les usages détournés », précise Bruno Maleine. Pour les DP déjà créés, une réactualisation manuelle depuis la fiche patient peut s'avérer nécessaire. « Cette précaution peut être vertueuse. Si l'on songe aux rappels de lots, mieux vaut transmettre l'information au bon interlocuteur », ajoute Jean-François Guillerm, président du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens (CROP) de Bretagne, également expérimentateur.
Le DP aux mains de l'Ordre
Toutefois, avant toute manipulation, il est nécessaire de qualifier le patient via son INS. « Cette saisie est rendue obligatoire par le Ségur. Comme pour tous les autres services qui impliquent un partage d'informations, il est impératif d'identifier de manière forte la personne », explique Denis Supplisson, directeur général d'Equasens. « De plus, il est intéressant d'identifier un patient, même sans ordonnance », renchérit Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), en allusion à la délivrance d'OTC. Il évoque également la possibilité de notifier les interventions pharmaceutiques (IP). « Le DP peut-il être alimenté par les IP, dans le cas d'allergie au médicament, par exemple ? La délivrance partielle effectuée par les confrères est-elle renseignée ? » Cette fonctionnalité ne figure pas au DP, il n'est pas prévu d'y tracer les IP, confirme Carine Wolf-Thal, présidente de l'Ordre, n'écartant cependant pas une évolution future.
Autre modification qui interviendra l'an prochain, il reviendra désormais à l'Ordre des pharmaciens de centraliser les ouvertures du DP. Il suffit au pharmacien de renseigner dans le pop-up qui s'affichera automatiquement l'adresse électronique du patient. Celui-ci sera par ailleurs informé qu'il recevra un mail du CNOP auquel il devra répondre dans les six semaines. L'absence de réponse vaudra consentement à l'ouverture du DP. Par ailleurs, le patient sera libre à tout moment d'intervenir auprès du CNOP pour clôturer son DP. Dans cette version revisitée du dossier pharmaceutique, le patient devient acteur et peut gérer ses droits à tout moment (lire en page 5). Ainsi, s'il dispose déjà d'un DP à l'instar de 50 millions d'assurés, le patient peut se rendre sur le portail de gestion des droits, consulter son statut, voire clôturer son DP.
Un million de DMP alimentés par les pharmaciens
Pour l'heure, le DP se contente de mettre des informations à disposition des pharmaciens. Hormis les services hospitaliers d'urgence, aucun autre professionnel de santé n'a accès aux traitements des patients. L'articulation du DP avec le dossier médical partagé (DMP), prévue depuis une dizaine d'années, n'est toujours pas formalisée. Et ce en dépit de la montée en puissance de l'espace numérique propre à chaque assuré, « Mon espace santé », dont il constitue le point d'entrée pour les professionnels de santé. Cette absence de jonction s'explique – entre autres - par la nature fondamentalement différente de ces deux canaux d'informations. Alors que le DP est alimenté par le pharmacien sur la base des dispensations, le DMP est approvisionné en données résultant des remboursements effectués par l'assurance-maladie. Carine Wolf-Thal pointe ainsi la quasi-instantanéité de l'information renseignée sur le DP à la différence des informations figurant sur le DMP qui apparaissent uniquement après le remboursement.
De plus, pour que les traitements prescrits et dispensés d'un côté par la ville et de l'autre par l'hôpital soient consultables par les uns et les autres, il faut que la base de données reconnaisse l'ensemble des produits et gère deux nomenclatures. D'après Denis Supplisson, il pourrait être envisageable d'agréger à terme les informations des deux bases de données, DP et DMP, même si elles ne sont pas de même nature, ni de même niveau. Le DMP consistant à « un entrepôt de données sans que l'on sache pour l'heure comment les utiliser ». Mais ajoute-t-il, d'ici quelques années le DMP aura gagné en maturité. Pour l'heure, celui-ci marque des points grâce aux pharmaciens. En octobre, ceux-ci ont alimenté plus d'un million de DMP en renseignant des vaccinations via leur logiciel Ségur. « La révolution est en route », se félicite Philippe Besset.
D'après les Amphis de l'officine - Spécial dossier pharmaceutique - « Nouvel usage du DP en lien avec l'espace santé », organisés à Paris, le 7 novembre, par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
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