Ces derniers mois ont été propices à la prise de parole sur la substitution biosimilaire et plus largement sur la façon d’augmenter le taux de pénétration de ces médicaments. De nettes avancées sont observées à l’hôpital (69 % de pénétration) grâce à des mesures incitatives fortes, mais en ville, le marché reste confidentiel (23 %). Pourtant, la stratégie nationale de santé fixée en 2018 par le président de la République visait un taux de pénétration de 80 % à l’horizon 2022. Car le potentiel d’économies grâce au développement du biosimilaire est « monstrueux », rappelle Stéphane Joly, président du GEMME. A minima de 600 millions d’euros par an. Une aubaine au moment où le déficit de l’assurance-maladie s’est creusé de façon abyssale après deux années de crise sanitaire. La suppression du droit de substitution biosimilaire dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020, sans qu’il n’ait jamais pu être mis en œuvre depuis son inscription dans la loi en 2014, était d’autant moins compréhensible pour les pharmaciens.
Concertation
Les pouvoirs publics n’ont pas pour autant enterré l’idée. Retardée par la crise du Covid-19, une concertation des différentes parties prenantes a permis de faire évoluer sensiblement les positions. Suffisamment pour que le droit de substitution biosimilaire renaisse de ses cendres dans le PLFSS 2022. Un motif de satisfaction pour les syndicats même s’ils vont veiller sur la suite qui sera donnée et en particulier à la composition de la liste de molécules substituables qui fera l’objet d’un arrêté après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Car c’est bien ce que prévoit le PLFSS à ce stade. Un droit de substitution possible en initiation de traitement, si le prescripteur ne s’y est pas opposé et que le patient est d’accord, pour une liste limitée de molécules qui n’en compterait actuellement que deux. Et qui ne pourrait pas se chevaucher avec la liste de molécules interchangeables prévue à l’avenant conventionnel n° 9 signé l’été dernier entre les médecins et l’assurance-maladie, à savoir : étanercept, adalimumab, tériparatide, follitropine alpha, énoxaparine et insuline asparte.
S'appuyer sur la profession
« La montagne a accouché d’une souris ! », tonne Alain Grollaud, président de FEDERGY, la chambre syndicale des groupements et enseignes. « Un droit de substitution limitée à deux molécules pour les pharmaciens quand les médecins vont pouvoir interchanger avec six, avec au bout une carotte… Je n’ai rien contre les médecins mais c’est toujours pareil, on commence par leur donner de nouvelles missions, comme on l’a fait pour développer le générique ou la vaccination et comme ce n’est pas toujours une réussite, au final on fait appel au pharmacien. » Toujours est-il qu’il regrette que des molécules très matures, telles l’énoxaparine, bien connues des pharmaciens, ne soient pas dans la liste des médicaments biologiques substituables. Rappelant l’engagement sans faille de la profession dans la crise du Covid-19, Alain Grollaud déplore que « les pharmaciens ne soient pas très bien traités vu tout ce qu’ils ont fait pendant 18 mois ».
Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) s’étonne pour sa part que l’assurance-maladie ne s’appuie pas davantage sur la substitution par le pharmacien : « La substitution des médicaments hybrides et des biomédicaments peut permettre d’économiser, en année pleine, plus d’un milliard d’euros, soit exactement ce que l’assurance-maladie souhaite économiser par les baisses de prix sur les produits de santé. » Il ajoute que la dispensation du médicament est le « cœur de métier du pharmacien », à la portée de tout le réseau sans exception puisque, « il n’y a pas un pharmacien en France qui ne substitue pas ». Et que les confrères sont prêts à accompagner les patients lors d’un changement de traitement biologique, à consacrer le temps nécessaire qui manque cruellement aux médecins pour que la transition se passe au mieux.
Allonger la liste des substituables
Même le GEMME, l’association des fabricants de génériques et biosimilaires, par la voix de son président Stéphane Joly, trouve l’encadrement proposé dans le PLFSS et surtout la liste de molécules substituables trop stricts. L’association a pourtant eu du mal à dégager un consensus de ses membres en faveur de la substitution biosimilaire par le pharmacien. Cela n’empêche pas Stéphane Joly d’affirmer : « Nous allons tout faire avec les syndicats de pharmaciens et de groupements pour que les listes médecins et pharmaciens, d’une part se superposent, et d’autre part s’élargissent au plus vite. »
Pour sortir de l’opposition entre les molécules interchangeables par le médecin et celles substituables par le médecin, Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) propose que le pharmacien soit rémunéré pour le suivi du patient et non sur l’économie réalisée par la substitution. « Les pouvoirs publics veulent deux listes bien distinctes pour pouvoir aisément flécher qui est à l’origine de l’économie générée. Le médecin peut être rémunéré à l’économie comme prévu dans sa convention avec l’assurance-maladie, mais le pharmacien pourrait être rémunéré pour la prise en charge du patient. Cela permettrait de ne pas monter les professionnels de santé les uns contre les autres », souligne-t-il, à l’heure où l’exercice coordonné est sur toutes les lèvres.
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