Les constats sont les mêmes au sortir de cette réunion, que ce soit du côté des industriels, des patients ou des pharmaciens : aucune décision nouvelle n’a été prise, le groupe de travail mis en stand-by par le Covid n’a pas repris ses activités, les stratégies choisies n’ont que peu amélioré le taux de pénétration des biosimilaires. Sur cette trame, les syndicats de pharmaciens sont revenus à la charge quant à leur souhait d’une substitution biosimilaire élargie et en commençant par une molécule « évidente » : l’énoxaparine (Lovenox).
Dès parution de la liste des molécules biologiques substituables par le pharmacien en avril 2022, le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Pierre-Olivier Variot, avait déploré l’absence de l’énoxaparine, « alors que c’est le médicament biologique le plus aisément substituable en pharmacie ». Les autorités avaient préféré l’intégrer, avec cinq autres molécules, à une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) des médecins et indiquaient alors que l’énoxaparine ne pouvait être à la fois un objectif d’interchangeabilité des médecins et une molécule substituable par le pharmacien.
Hors traitement chronique
« L’interchangeabilité par les médecins n’ayant permis qu’un gain de 4 points du taux de pénétration de l’énoxaparine entre 2021 et 2022 et cette ROSP médecin ayant un cycle de trois ans qui se termine en juillet 2024, nous proposons à cette date de donner la main aux pharmaciens par le biais de la substitution », indique Julien Chauvin, président de la Commission étude et stratégie économiques de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Une proposition qui ne contreviendrait pas au souhait des associations de patients en faveur d’une substitution qui serait proposée au patient et non obligatoire, envisagée au cas par cas selon le médicament, et hors traitement chronique. « L’énoxaparine est indiquée pour des traitements aigus, souvent administrée par un infirmier libéral qui sait parfaitement utiliser les différents dispositifs existants, et si ce n’est pas le cas, les pharmaciens peuvent former le patient à l’utilisation du biosimilaire délivré », ajoute Julien Chauvin. D’autant que les pharmaciens ont déjà démontré leur efficacité en termes de substitution de l’énoxaparine. Fin 2019, en deux mois et demi, 78 pharmaciens du groupement Totum sont parvenus à multiplier par 8 le taux de pénétration de l’énoxaparine.
« Pour les médicaments biologiques chroniques associés à un dispositif dont la manipulation change selon la marque, on peut entendre le risque que la substitution perturbe le bon usage par le patient et donc l’efficacité du traitement », ajoute Julien Chauvin. Pour autant, rappelle-t-il, il n’est pas envisageable de rester dans le statu quo actuel, avec une substitution limitée à deux molécules – filgrastim et pegfilgrastim – dont les taux de pénétration sont déjà élevés. « On parle de centaines de millions d’euros d’économies potentielles pour l’assurance-maladie. Un jour viendra où il faudra que ces économies soient utilisées pour financer l’innovation thérapeutique. » Reste néanmoins un point économique à régler à l’officine : la marge biosimilaire doit égaler la marge princeps et la création d’une rémunération spécifique.
Fausse bonne idée ?
Ces pistes trouvent peu d’écho auprès du think tank Biosimilaires, constitué de plusieurs fabricants (Accord, Amgen, Biogen et Sandoz) et associations de patients. Dans un communiqué du 14 juin, il émet trois propositions : inciter à la prescription et à l’interchangeabilité des médicaments biologiques prescrits par des médecins spécialistes ; subordonner la prescription et la dispensation d’un biosimilaire à la réalisation d’une action rémunérée ; en cas de substitution, qui ne pourrait alors concerner qu’un médicament prescrit par un médecin généraliste hors traitement chronique, celle-ci doit « s’établir dans un cadre strict, avec des critères clairs, lisibles et prévisibles, déterminés en accord avec les associations de patients et les sociétés savantes ». Cette dernière proposition n’a pas la faveur du think tank. Car, il en est convaincu, « la substitution des médicaments biosimilaires est une fausse bonne idée, qu’elle soit réalisée en initiation ou en cours de traitement ».
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