L’étude ComCor de l’Institut Pasteur, dans ses résultats intermédiaires du 1er mars dernier, indique que 45 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 savent qui les a contaminées et que dans 42 % des cas, cette contamination vient d’une « source intra-domiciliaire ». Les enfants scolarisés représentent, pour les adultes du foyer, un sur-risque d’infection : + 39 % pour les petits gardés par une assistante maternelle, + 27 % pour ceux qui vont au collège et + 29 % pour les lycéens. Seule exception : les enfants scolarisés en primaire ne sont pas associés à un sur-risque d’infection. En effet, l’étude s’oriente vers une contagiosité moins importante (de l’ordre de 30 % de moins) pour les enfants de moins de 10 ans, certainement parce qu’ils font davantage des formes asymptomatiques du Covid-19. En revanche, les contacts étroits caractéristiques avec les tout-petits augmentent le risque d’infection pour les adultes.
Ces résultats pourraient néanmoins être remis en cause par les variants. En effet, des épidémies ont été rapportées en Europe dans des crèches, écoles maternelles et primaires alors que ce n’était pas le cas auparavant. À ce stade, les experts ne peuvent dire si cela est dû à une meilleure surveillance dans les établissements, à une circulation du virus plus visible puisque les écoles restent souvent les derniers lieux encore ouverts, ou à une augmentation de la susceptibilité à l’infection des enfants face aux variants.
Une réponse immunitaire différente
Toujours est-il que la question de la fermeture des écoles reste posée, non pas tant « pour les enfants, qui font plutôt des formes asymptomatiques, ou pour les enseignants, chez lesquels on ne voit pas de sur-risque par rapport à d’autres catégories professionnelles, explique Arnaud Fontanet, responsable de l'unité Épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur, mais quant au fait de rapporter le virus à la maison où les gestes barrières ne sont pas appliqués ». C’est pourquoi il salue le dépistage systématique des élèves mis en place en Autriche et en Grande-Bretagne. Et espère que la vaccination des enfants deviendra réalité à la rentrée prochaine, « pour pouvoir miser sur l’immunité collective ».
Car la difficulté vient aussi du fait que les enfants font majoritairement des Covid asymptomatiques ou avec peu de symptômes. Isabelle Sermet-Gaudelus, pédiatre à l’hôpital Necker-Enfants malades, a mené une étude dès mars 2020 avec l’Institut Pasteur sur 800 enfants qui venaient à l’AP-HP pour des bilans systématiques. « Nous avons découvert que 10 % d’entre eux avaient des anticorps contre le SARS-CoV-2, dont 70 % d’entre eux sans aucun symptôme. Les 30 % restants ont eu des céphalées banales et des pharyngites. » Une autre étude, en cours d’analyse, cherche à comprendre « comment se comporte la réponse immunitaire des enfants » face au SARS-CoV-2, par le biais de prélèvements pour mesurer la charge virale dans le nasopharynx, la salive et les selles. « La réponse immunitaire semble différente chez les enfants, en tout cas en termes de quantité et de qualité de réponse par les lymphocytes T », note Isabelle Sermet-Gaudelus. Les recherches ont déjà permis de conclure qu’il n’existait pas d’immunité croisée conférée par les coronavirus saisonniers face au Covid-19.
Troubles socio-émotionnels
Une autre étude, baptisée SAPRIS (Santé, perception, pratiques, relations et inégalités sociales en population générale pendant la crise COVID-19), a mesuré la prévalence de la maladie chez les enfants de 9 ans pendant le premier confinement. Lors de la première phase, 660 familles ont participé et des sérologies positives ont été retrouvées chez 6,9 % des enfants dans le Grand Est, 3,3 % en Île-de-France et 0,1 % en Nouvelle-Aquitaine (région témoin puisque le virus y circulait très peu). Sur l’ensemble de la France (1 840 familles incluses), la prévalence de l’infection chez l’enfant était de 2,8 %. Là encore, les formes asymptomatiques ont été les plus courantes puisque seuls 27 % des enfants testés positifs ont présenté des symptômes, les plus souvent rapportés étant des maux de tête, de ventre, de gorge et le nez qui coule.
En croisant les tests réalisés sur les familles, les chercheurs soulignent que lorsqu’un enfant est infecté, les adultes du foyer le sont aussi dans 53 % des cas. En revanche, lorsqu’un adulte est infecté, les enfants du foyer sont testés positifs dans seulement 14 % des cas. « La sérologie positive est quatre fois plus fréquente chez les parents que chez les enfants d’une même famille », précise Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste, directrice de recherche à l'INSERM, responsable d'équipe au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations et directrice de l'Unité mixte INED-INSERM ELFE (Étude longitudinale française depuis l'enfance).
Quant aux effets de la pandémie sur la santé mentale des enfants, l’étude présentée par Xavier Thierry, directeur adjoint de l'Unité mixte INED-INSERM ELFE, a identifié des troubles socio-émotionnels chez 13 % des enfants. Il s’agit plus souvent de garçons, vivant en famille monoparentale, plutôt en appartement qu’en maison, et dont les revenus familiaux sont peu élevés ou en baisse. Un focus sur le sommeil a révélé que 22 % des enfants étaient concernés par des troubles, en particulier les filles. « On remarque une détérioration du sommeil d’environ 50 % dans les groupes socio-économiques les moins favorisés. L’impact à plus long terme de la pandémie sur les enfants devra être mesuré. »
D’après un point presse organisé par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes.
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