En deux ans de pandémie, les lignes ont sensiblement bougé. Les missions allouées à chaque profession ont évolué, se sont ajoutées et parfois même chevauchées… au risque de générer quelques conflits de territoire. Les pharmaciens, notamment, se sont vus confier de nouvelles tâches, bien au-delà de leurs prérogatives habituelles. L'enquête menée par les trois titres du groupe GPS a permis de cerner ce qui a changé, et pour combien de temps, dans les relations interprofessionnelles.
Notre enquête montre d'abord que les professionnels savent travailler ensemble, et globalement, se respectent. Mais on le sait, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour… Et c'est là que ça se gâte. Ainsi lorsqu'on les questionne sur l'opportunité des délégations de tâches intervenues ces dernières années, les professionnels perdent vite leur sourire consensuel. Ainsi, comme on pouvait s'y attendre, le « glissement » de certaines tâches médicales vers les non-médecins, recueille moins l'assentiment des médecins que celui des pharmaciens ou des infirmiers. Si les officinaux accueillent avec enthousiasme certaines missions telles les vaccinations, la substitution générique, la réalisation de TROD angine ou la dispensation adaptée, les infirmiers apprécient modérément que les pharmaciens manipulent la seringue.
Les mêmes réserves s'observent côté médecins et, dans une moindre mesure, à l'égard de la vaccination à l'officine (seulement 39 % l'approuvent). Mais c'est surtout face à la dispensation adaptée à l'officine, la possibilité de délivrer des médicaments soumis à prescription, les cabines de téléconsultations ou le statut de pharmacien correspondant que les prescripteurs grimacent. Bref, chaque fois qu'ils se sentent menacés sur le pré carré de la prescription…
L'interpro plombée par ses outils ?
En dépit de ces dissensions, l'interprofessionnalité continue d'avancer, notamment par le biais des structures de soins qui en sont le squelette. Comment le développement des CPTS, MSP et autres équipes de soins primaires est-il perçu par les pharmaciens ? C'est une « bonne évolution », plébiscitent les potards (77,7 %). Et si l'accueil est un peu plus tiède côté médecins (56,1 %), l'engagement effectif dans ces structures de coopération interprofessionnelles s'avère aussi modeste de part et d'autre (34,9 % des pharmaciens y exercent et 30 % des médecins). De l'intention à l'action, il y a donc un pas que franchissent encore timidement les professionnels. C'est ce que nous analyserons lors de la conférence organisée par « leQuotidien » le 13 mars à PharmagoraPlus*
Au total, si l'exercice quotidien semble rapprocher « naturellement » les professionnels, les intentions louables d'aller plus loin ne suffisent pas. La défiance à l'égard des structures d'interpro, mais surtout la crainte des prescripteurs de se voir tailler des croupières, freine encore le processus. Mais tout n'est pas perdu. Car, transcendant les querelles de clocher, la crise sanitaire a installé dans la population de nouvelles habitudes de soins qui feront peut-être un jour le lit d'une nouvelle interprofessionnalité.
* Le 13 mars de 11h 00 à 12 h 30 - Forum de la Profession.
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