Difficiles à repérer dans les bilans comptables, la rentabilité des missions nouvelles et anciennes mises en place à l’officine est pourtant objectivable. Philippe Besset en veut pour preuve les chiffres livrés en juin dernier par l’observatoire de l’économie officinale, « un outil particulièrement performant, mis en place par l’assurance-maladie, qui nous sert à regarder l’ensemble des composants de la rémunération ». Selon cet observatoire, l’ensemble des missions hors Covid, dont la délivrance du médicament, est rémunéré 7 milliards d’euros. « Vous divisez 7 milliards par 600 millions d’ordonnances dispensées par an, vous arrivez à 11 euros à peu près, c’est le tarif moyen d’un acte pharmaceutique de délivrance. » À comparer avec les missions relevant du Covid : « Un milliard d’euros par an pour environ 60 millions d’actes, c’est-à-dire à peu près 16 euros l’acte. » Pour autant, note le président de la FSPF, « pour un grand nombre de nouvelles missions, les honoraires conventionnels que nous avons négociés sont inférieurs à 11 euros ».
Surtout, ce que souhaite démontrer Philippe Besset, c’est que ces missions peuvent mener à d’autres actes. « Prenons le cas du TROD angine. Après avoir suivi le protocole de la Haute Autorité de santé (HAS), si le test est positif, nous pourrons délivrer l’antibiotique adéquat. Mais dans huit cas sur dix le test sera négatif. Nous allons bien sûr négocier une rémunération conventionnelle pour réaliser le protocole, nous demanderons 25 euros. Mais au-delà, que propose-t-on aux personnes dont le test est négatif ? Du paracétamol ? Un collutoire ? Un pastillage ? Donc des médicaments conseil non remboursables. » C’est la même logique qui conduira certainement le pharmacien, après l’entretien de prévention qui commence par la tranche d’âge 45-50 ans, à proposer la vaccination manquante. « Cela veut dire une rémunération de 30 euros pour l’entretien, puis de 9,60 euros pour la prescription et l’administration du vaccin. » Chaque mission devient ainsi la porte d’entrée vers de nouveaux actes, parfois remboursables comme la vaccination, parfois hors remboursement avec des médicaments conseil, « ce que le directeur de l’assurance-maladie appelle le secteur 2 pharmaceutique ».
Pas de secteur 2 pharmaceutique
Une appellation à laquelle Gilles Bonnefond, ancien président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) à la CNAM, s’oppose vivement. « Le secteur 2 c’est quand un médecin fait le même acte et qu’il prend des dépassements. Quand on conseille un patient parce qu’il vient pour un mal de gorge ou un autre problème, c’est un acte avec un patient nouveau, ça ne correspond pas à un secteur 2. » Et de rappeler avoir dû combattre l’idée de Marisol Touraine, ministre de la Santé de 2012 à 2017, d’intégrer dans les négociations conventionnelles l’ensemble des activités de l’officine. « Non ! Il faut négocier avec l’assurance-maladie ce qui relève de l’assurance-maladie et non pas d’une activité qui, d’ailleurs, lui fait faire des économies. Parce que quand on conseille un patient et que ce n’est pas remboursé ça lui fait faire des économies. » Appelant les deux syndicats à se battre contre la notion de secteur 2 pharmaceutique, Gilles Bonnefond prévient : « Quand le mot est mal employé et qu’il reste, ça devient catastrophique. » Un message parfaitement reçu par Philippe Besset. « La sémantique a toujours son importance et son intérêt. Reste qu’il y a toujours le remboursable et le non remboursable. Et le non pris en charge. »
Interpellé par Alain Neddam, président du groupe GMG, sur sa vision de l’officine de demain, entre dispensation du médicament et nouvelles missions, Philippe Besset complète son argumentaire par le besoin d’évaluer le temps moyen passé à la dispensation d’une ordonnance ou à réaliser un entretien de prévention. « Nos confrères canadiens ont beaucoup travaillé sur le sujet pour parvenir à améliorer la qualité de la dispensation, qui est notre acte principal, et à optimiser le temps nécessaire à cette dispensation. » Cette meilleure organisation des soins passe par une structuration à laquelle les groupements de pharmacies doivent participer. « Les process doivent être construits et déployés par des groupes. C’est un défi que nous ne pourrons gagner que si nous conservons la règle principale, à savoir que le professionnel de santé est responsable de son lieu d’exercice, de la dispensation, mais il doit être aidé par des structures regroupées qui vont l’appuyer dans ces process. Il n’y a pas que les groupements, les travaux que nous menons dans le cadre de la démarche qualité à l’officine avec l’Ordre sont également un signe de cette mise en œuvre de process qui vont permettre, en les déployant, à la fois la qualité et l’optimisation du temps. »
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