L’amoxicilline, seule ou en association à l’acide clavulanique, fait depuis plus d'un mois l’objet de fortes tensions d'approvisionnement en France. Pas de chance, les formes de ces antibiotiques les plus impactées sont principalement les suspensions buvables en flacon, qui sont justement les plus prescrites en ville chez les enfants… Ces aléas de stock sont ainsi devenus le casse-tête quotidien des officinaux soucieux d'honorer les prescriptions (lire aussi ci-dessous). Et la situation n'est pas près de s'arranger.
Les causes de cette pénurie surprise ? L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) explique le phénomène par une très forte hausse de la demande au niveau mondial qui devrait durer, selon ses estimations, jusqu’en mars 2023. Ainsi, après deux années de ralentissement des besoins en amoxicilline, la consommation de janvier à octobre 2022 a atteint les 40 millions de boîtes contre 30 millions les années précédentes sur la même période. Les industriels n'ayant pas anticipé le rebond, plusieurs lignes de production « n’ont pas retrouvé leur capacité de production d’avant la pandémie de Covid-19 », précise l’ANSM qui sollicite des laboratoires un effort de production et étudie les pistes d’importation de ces antibiotiques depuis l’étranger.
Respecter les recommandations
Pour remédier à cette situation aussi pénalisante pour les patients que pour les professionnels, l'ANSM a émis de nouvelles recommandations. Et de rappeler avant tout « que les antibiotiques n’ont aucune efficacité contre les infections virales ». Autre façon de dire : « Les antibiotiques, c'est pas automatique ! ». Côté prescription, et toujours dans le but d'en limiter la consommation, l'agence déroule ainsi la liste des indications qui ne justifient pas la prescription d'amoxicilline, telles que les rhinopharyngites, laryngites, otites congestives et séreuses, bronchiolites, angines aiguës chez l’adulte (sauf si un TROD streptocoque bêta-hémolytique du groupe A réalisé affiche un résultat positif), grippe et autre Covid-19.
Côté pharmacie, l'ANSM a décidé d'instaurer une distribution contingentée à 50 % en ville auprès des grossistes-répartiteurs ainsi que le blocage du canal de vente directe aux officines. Concernant spécifiquement la prise en charge des angines aiguës, l'ANSM recommande aux pharmaciens en présence d'une prescription d’amoxicilline, de vérifier la présence du résultat du TROD. « En cas de doute, ajoute l'agence, contactez le médecin ; vous pouvez si nécessaire effectuer vous-même le TROD (à partir de 10 ans) ; si un patient se présente à vous avec les symptômes d’une angine et sans consultation médicale préalable, effectuez un TROD angine. »
Dernière recommandation à l'intention des pharmaciens, l'ANSM conseille de dispenser autant que possible ces antibiotiques dans des conditionnements adaptés à une durée de traitement de 5 jours, posologie habituellement prescrite dans la plupart des pathologies infectieuses courantes (angines bactériennes, otites, pneumonies…). Enfin, dès que cela est possible, et encore par « souci d'économie », la dispensation à l’unité des spécialités est à prioriser.
Vers une crise majeure de santé publique ?
L'ensemble de ce dispositif, complété par une interdiction pour les grossistes-répartiteurs de vendre et d'exporter ces médicaments, vise, selon les propres termes de l'agence, à « sécuriser au mieux la situation et garantir la couverture des besoins des patients ». Pas sûr toutefois qu'il suffise à résoudre le casse-tête officinal. Quant aux prescripteurs, ils tirent clairement le signal d'alarme. Dans un communiqué en date du 22 novembre, les pédiatres et infectiologues estiment même que « toutes les conditions sont réunies pour une crise majeure de santé publique en pédiatrie, et ce à très brève échéance (quelques jours). Cette crise pourrait représenter, en termes de morbi-mortalité, un risque supérieur à celui de l’épidémie de bronchiolite ». Pour ces professionnels « la mise en place d’une cellule de crise ou d’un conseil scientifique auprès du ministère de la Santé et de la Prévention dans les plus brefs délais paraît indispensable ».
A la Une
Des kits de détection de soumission chimique remboursés à titre expérimental
Prise en charge de la douleur
Tramadol et codéine sur ordonnance sécurisée, une mesure qui inquiète
Dispensation du médicament
Tramadol et codéine sur ordonnance sécurisée : mesure reportée !
Formation continue
Transmission automatique des actions de DPC : les démarches à faire avant le 30 novembre