À Auch, préfecture du Gers, un conflit interminable oppose une officine du réseau Lafayette à plusieurs autres pharmaciens de la ville. Une querelle qui naît en 2015 lorsque la pharmacie Lafayette Occitane obtient l'autorisation de l'ARS de transférer son établissement sur la rive droite du Gers, la rivière qui court du sud au nord de la capitale gasconne. Une décision attaquée par quatre officinaux auscitains qui portent l'affaire devant la justice. Les plaignants vont obtenir gain de cause, le tribunal administratif de Pau déclarant finalement illégal le transfert de l'officine en 2018, sentence confirmée ensuite par la cour administrative d'appel.
Après 6 ans passés avenue de l'Yser, la pharmacie Lafayette Occitane est contrainte de retourner sur la rive gauche du Gers, son secteur d'origine. Les deux titulaires, Hélène Guinaudy et Denis Milleret, trouvent un local à une petite centaine de mètres de celui qu'ils occupaient avant leur transfert, ce dernier n'étant plus disponible aujourd'hui. Radiés du tableau de l'Ordre fin 2020 après que le Conseil d'État a confirmé définitivement l'annulation du transfert de leur officine, ils ont de nouveau le droit de vendre des médicaments sur ordonnance depuis le mois d'avril. « Nous ne pourrons en vendre que lorsque nous serons installés dans nos nouveaux locaux », précise néanmoins Hélène Guinaudy qui attend avec impatience le 1er juillet, date à laquelle la titulaire doit commencer à travailler dans son nouvel établissement. Depuis plus de 6 mois, elle ne peut donc plus délivrer de médicaments, n'a pu vacciner ses patients contre le Covid, ni réaliser de tests antigéniques. « On fait le maximum pour sauver l'entreprise, aujourd'hui seules quatre personnes sont à temps complet, le reste des salariés est en chômage partiel. », résume-t-elle. Après avoir fait le deuil de son transfert, même si elle ne comprend toujours pas comment ni pourquoi la décision initiale de l'ARS a fini par être invalidée, Hélène Guinaudy voulait se tourner vers l'avenir et espérait en avoir enfin fini avec le marathon judiciaire dans lequel elle est embourbée. Malheureusement pour elle, le feuilleton n'est pas terminé…
Un nouveau transfert qui ne plaît pas à tout le monde
Les titulaires des pharmacies Fieux et Cahuzac, deux des quatre plaignants qui ont réussi à faire annuler le transfert, contestent en effet aujourd'hui… le retour de cette officine dans la rue où elle était installée avant 2015. « Selon les règles en matière de transfert, la pharmacie aurait dû revenir dans son local d'origine, ce qui ne va pas être le cas vu qu'ils seront à une centaine de mètres. On va regrouper 3 pharmacies, soit 30 % des officines de la ville, à environ 200 mètres de distance. De plus, ce nouveau transfert n'améliore pas le service ni la desserte de la population », se justifie Bertrand Dardenne, titulaire de l'une de deux pharmacies qui a saisi le tribunal administratif de Pau. Il redoute également que les emplois de ses salariés ne soient menacés par le nouveau transfert de la pharmacie d'Hélène Guinaudy.
« Avant le transfert, la présence de la pharmacie dans ce secteur n'a jamais posé de problème », s'étonne la titulaire de la pharmacie Lafayette Occitane. Cette nouvelle plainte, basée sur des préoccupations « uniquement d'ordre économique » est totalement incompréhensible pour Hélène Guinaudy. « Le fait qu'on appartienne au réseau Lafayette (depuis 2013) les dérange sûrement. Quand ils ont obtenu l'annulation du transfert, je pense qu'ils espéraient qu'on disparaîtrait. Ils imaginaient que nous n'arriverions pas à trouver un nouveau local dans notre secteur d'origine. Sauf que nous y sommes parvenus. » L'officinale estime que ses adversaires n'ont que très peu de chances d'obtenir gain de cause de coup-ci, mais « tout peut arriver », admet-elle néanmoins. « Nous avons demandé une autorisation de transfert à l'ARS (en 2015) elle a été validée. Six ans plus tard, on nous demande de retourner là où nous étions. Nous obtempérons et nous sommes punis de cette façon, est-ce que c'est normal ? interroge-t-elle. Ce sont les décisions de l'ARS qui sont attaquées et c'est nous qui en subissons les conséquences. Cela fait six mois que nous nous battons pour ne pas couler, alors que je ne suis coupable d'aucune faute professionnelle. Si j'avais mal fait mon métier, cela n'aurait pas été pire… »
Lassée par ces années de combat judiciaire, Hélène Guinaudy voudrait que la situation s'apaise, enfin. Chez ses adversaires, la fatigue se fait aussi sentir. « Nous sommes attaqués sur les réseaux sociaux et dans la presse locale, pour nous aussi c'est très compliqué », fait remarquer Bertrand Dardenne, l'un des plaignants. « Ce que j'aimerais c'est que l'on réunisse toutes les parties autour d'une table, en présence du Conseil de l'Ordre, et que l'on puisse discuter », propose Hélène Guinaudy. « Discuter ? Oui, pourquoi pas mais nos points de vue sont tellement opposés que cela me semble compliqué », juge toutefois Bertrand Dardenne, qui attend surtout que la justice se prononce sur le nouvel emplacement de la pharmacie Lafayette Occitane.
Sur les rives du Gers, la paix entre pharmaciens n'est pas encore pour demain.
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