Le Quotidien du pharmacien.- Que pensez-vous des traitements de la sénescence ?
Pr Claude Jeandel.- Aucune molécule testée n’a suffisamment fait ses preuves et d’ailleurs, aucune n’a d’indication dans ce domaine. En revanche, aujourd’hui, on peut lutter efficacement contre les effets du vieillissement : en agissant sur les facteurs de risques dont la prévalence augmente avec l’âge : HTA, diabète, hypercholestérolémie, fibrillation atriale. Avec des traitements, on peut retarder l’apparition de ces pathologies et leurs complications dans le domaine cardiovasculaire, mais aussi neurologique. En effet, on sait, par exemple, que dans la maladie d’Alzheimer, un meilleur contrôle de l’HTA et du diabète retarde l’expression de la maladie.
La lutte contre les effets du vieillissement passe aussi par un bon équilibre alimentaire, par une activité physique adaptée et le maintien de liens sociaux. C’est en tout cas ce qui permet de suivre la meilleure trajectoire possible de vieillissement.
Quelles sont les différentes trajectoires de vieillissement ?
Il y en a très schématiquement trois. Tout d’abord, le vieillissement à haut niveau de fonction : les individus avancent en âge sans que le temps n’impacte leurs capacités fonctionnelles. Ces personnes atteignent 80 ou 90 ans, tandis que leurs capacités fonctionnelles demeurent efficientes.
La deuxième modalité résulte du fait que l'âge représente le principal facteur de risque de la plupart des comorbidités : dans ce cas, les sujets développent des pathologies qui vont impacter leurs capacités fonctionnelles, leur appareil locomoteur, leur système nerveux central, etc. On est dans un modèle d’avancée en âge avec perte de l’efficience des fonctions organiques, qui génère de la dépendance.
Entre ces deux trajectoires, il y a l’avancée en âge avec fragilisation : les personnes ne sont plus sur la première trajectoire mais pas encore sur la deuxième. Elles voient leurs fonctions s’amoindrir et risquent de basculer vers le vieillissement avec comorbidités. Il faut identifier ces personnes au plus tôt, car on peut éviter ce changement de trajectoire dans la mesure où ce phénotype "fragilisation" est accessible aux mesures de prévention car réversible.
Que pensez-vous des entretiens de prévention destinés aux tranches d’âge de 18-25 ans, 45-50 ans, 60-65 ans, 70-75 ans ?
Ils sont fondamentaux et c’est à partir du bilan de 45-50 ans qu’il faut identifier les facteurs de risque au moment où ils apparaissent, ainsi que les changements de trajectoire. Attention : une fois le bilan réalisé, il devra se traduire par un plan de prévention, qui pourra comprendre la prise de médicaments pour mieux contrôler les facteurs de risque, des conseils diététiques ou une orientation vers une activité physique… Mais encore faudra-t-il que la personne accepte de respecter ce plan. Et c’est là un tout autre problème : celui de l’observance.
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