Face au mésusage de la cyproheptadine (Périactine 4 mg) en tant qu’orexigène à des fins esthétiques, la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) appelle au retrait de son autorisation de mise sur le marché (AMM), ou a minima à son inscription sur une liste de médicaments à prescription obligatoire.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait déjà tiré la sonnette d’alarme en janvier 2022, en collaboration avec le laboratoire fabricant de Périactine 4 mg (cyproheptadine), Teofarma. Cet antihistaminique, disponible sans ordonnance, avait fait l’objet de signalements quant à une utilisation « non conforme et potentiellement dangereuse » comme orexigène pour induire une prise de poids à des fins esthétiques. L’ANSM recommandait donc aux pharmaciens de rappeler, lors de toute délivrance, les risques liés à son utilisation et son indication approuvée.
Mais plus d’un an plus tard, la SFPT s’inquiète de la persistance des mésusages dont des cas ont été signalés aux centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) en 2023. Dans un avis publié le 28 mars sur son site, la société savante souligne que la cyproheptadine « n’a plus de place dans la stratégie thérapeutique comme antihistaminique » et considère que son utilisation détournée ainsi que les nombreux effets indésirables qui peuvent en découler, justifient une réévaluation du rapport bénéfices-risques de ce médicament en vue du retrait de son AMM « ou au minimum son inscription sur la liste à prescription obligatoire ».
Pour étayer son avis, la SFPT rappelle que « l’histoire de la pharmacovigilance montre que les médicaments agissant sur le poids – anorexigènes ou orexigènes – ont été systématiquement associés à des problèmes liés à leur profil de risque », et n’hésite pas à les lister : Pondéral (fenfluramine), Isoméride (dexfenfluramine), Mediator (benfluorex), Acomplia (rimonabant) et Ozempic (sémaglutide).
L'utilisation de la cyproheptadine pour grossir n’est pas récente, il s’agissait même de l’une de ses indications lors de sa commercialisation dans les années 1970 avant que celle-ci ne soit retirée en 1994. Son usage comme orexigène s’est néanmoins poursuivi à bas bruit avant de prendre de l’ampleur ces dernières années « dans certains pays du continent africain », puis en France. Un mésusage relayé sur les réseaux sociaux, « avec des vidéos de transformations physiques impressionnantes, faisant la promotion de ce médicament à des fins esthétiques pour ressembler à certains mannequins ou influenceurs » et notamment par une pharmacienne, selon la SFPT.
L’association dénonce cette promotion sauvage associée à des offres de vente directe de cyproheptadine en comprimés ou en sirop sur les réseaux sociaux, ainsi que la facilité d’accès à ce médicament à prescription médicale facultative en pharmacie. Car les effets indésirables potentiels sont nombreux en raison de ses propriétés sédatives, atropiniques, adrénolytiques et antisérotoninergiques : somnolence, baisse de vigilance, vertiges, hallucinations, anxiété, mydriase, atteintes hépatiques (cholestase notamment), rétention urinaire, troubles du rythme cardiaque et plus rarement anémie et agranulocytose.
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