Un décret publié au « Journal officiel » entend renforcer la pertinence des prescriptions sur certaines classes de médicaments sensibles. Pour limiter les risques de mésusage, les praticiens seront obligés de justifier leurs prescriptions en renseignant certains éléments sur l’ordonnance ou sur un formulaire dédié. Si la liste des molécules concernées par cette mesure n’a pas encore été publiée, les analogues du GLP-1 seraient les premiers visés.
C’est une mesure qui était prévue dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2024 : conditionner « la prise en charge d'un produit de santé au renseignement par le prescripteur d'éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription ». Un décret daté du 30 octobre vient officialiser cette disposition et en définit les premiers contours. Ainsi, pour que certains produits de santé puissent toujours être pris en charge, le médecin devra s’assurer que sa prescription correspond bien aux indications thérapeutiques établies par la Haute Autorité de santé et l’assurance-maladie, en inscrivant certains éléments « sur l'ordonnance ou sur un document dédié, joint à l'ordonnance ». À ce jour, la liste des molécules concernées par cette mesure est encore en attente de publication. Comme le précise la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), c’est bien « la prise en charge des produits de santé à fort enjeu de santé publique » dont il est ici question. Une classe de médicaments est visée en priorité : les analogues du GLP-1 qui sont aujourd’hui remboursés (Trulicity, Ozempic). Contactée par « Le Quotidien du pharmacien », l’assurance-maladie précise aujourd’hui « être prête à mettre en œuvre (ce dispositif) avec des outils simples, qui seront testés, dans le champ prévu l’année dernière, dès que les arrêtés sortiront sur des molécules pour lesquelles le risque de mésusage est avéré ». Une liste sur laquelle la CNAM précise qu’elle n’est pas décisionnaire.
Si cette nouvelle procédure aura des conséquences sur l’exercice des prescripteurs, elle en aura aussi sur celle des pharmaciens. Selon la FSPF, les officinaux devront premièrement « s’assurer de la présence et la complétude de l’ordonnance et/ou du formulaire dédié avant de facturer les produits à l’assurance-maladie. À défaut de présenter ces éléments, les patients devront être réorientés vers le prescripteur ou devront s’acquitter du paiement des produits sans prise en charge de l’assurance-maladie ». Ensuite, le pharmacien aura la charge de « transmettre les éléments à la caisse d’assurance-maladie dont relève le patient, l’ordonnance et/ou le formulaire dédié (à l’exception des informations couvertes par le secret médical) ». Le syndicat a demandé à la CNAM de lui fournir l’ensemble des éléments à connaître pour appliquer ces consignes au comptoir, à commencer bien sûr par la liste des molécules. « Nous n’avons pas encore eu de réponse », précise Philippe Besset, au matin du 4 novembre. Le président de la FSPF juge plutôt sévèrement l’introduction de cette mesure, qui risque selon lui de rendre encore plus complexe un système qui l’est déjà suffisamment. « Ordonnances sécurisées, ordonnances d’exception, présence obligatoire ou non de la carte Vitale… Il faut remettre à plat l’ensemble des nouveautés réglementaires et administratives que l’on a autour de la prescription car il commence à y en avoir beaucoup. » Président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Pierre-Olivier Variot redoute lui aussi des tensions au comptoir, lorsqu’il faudra expliquer à un patient qu’il devra retourner voir son médecin s’il veut bénéficier d’une prise en charge. « Ce qui m’inquiète, c’est que les médecins ne soient pas au courant de ce qu’ils doivent faire et que cela nous retombe dessus. Cela susciterait de l’incompréhension chez les patients. »
Auditionné au Sénat jeudi 31 octobre, le directeur général de l’assurance-maladie, Thomas Fatôme, a confirmé la volonté de mieux sécuriser les prescriptions d’analogues du GLP-1. « Si nous ne surveillons pas les conditions dans lesquelles ils sont prescrits, je peux vous dire qu’on va avoir extrêmement rapidement des centaines de millions d'euros de dépenses », a-t-il déclaré en évoquant Ozempic ou Trulicity, antidiabétiques parfois détournés de leur indication première et prescrits comme traitements contre l’obésité. Pour Pierre-Olivier Variot, renforcer les règles autour de la prescription de ces médicaments semble néanmoins indispensable. « Je reçois plein de prescriptions hors AMM pour ces médicaments. Encore récemment pour une patiente qui n’est pas du tout diabétique… Cela pose un vrai souci et cela explique les tensions d’approvisionnement sur ces spécialités », regrette-t-il. Néanmoins, ce nouveau procédé pose un autre problème, selon lui. « Aujourd’hui, pour certains médicaments comme Praluent, il faut une demande d’entente préalable mais lorsque l’assurance-maladie ne répond pas dans les délais, la “non-réponse” vaut pour acceptation. Là, il faudra obligatoirement une réponse positive pour ouvrir la voie à une prise en charge. Or on ne peut pas avoir ces deux systèmes différents qui cohabitent », estime le président de l’USPO.
Devant les sénateurs, Thomas Fatôme a rappelé que cette procédure de vérification préalable de certaines prescriptions pourrait bientôt s’appliquer au transport de patient et aux analyses médicales, tel qu’évoqué dans le PLFSS pour 2025 bien que l'article en question (article 16) ait été supprimé lors de son examen par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. « Il faut que les professionnels acceptent qu'il y ait (au moment de la prescription de certains produits de santé) quelques démarches à faire très simples », a-t-il argumenté, rappelant que ces pratiques sont déjà suivies dans d’autres pays européens. Pas suffisant encore pour convaincre des médecins et pharmaciens réticents, à des degrés divers, sur cette évolution.
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