La propharmacie est une pratique d’un autre temps. Celle d’une époque où il n’était pas possible aux habitants de certaines régions isolées de rallier rapidement la pharmacie la plus proche. C’est ce qu’estime le syndicat des pharmaciens d’Eure-et-Loir, bien décidé à pourfendre ce qu’il dénomme « un anachronisme », en tout cas dans son département. Deux praticiens y détiennent encore une dérogation pour délivrer exclusivement les médicaments qu’ils prescrivent, une disposition visant à garantir un égal accès au médicament à tous les citoyens (1).
L’un de ces médecins est une généraliste installée à Civry et qui a obtenu la prolongation de la dérogation accordée en 1977 à son prédécesseur. Sur une décision de l’ARS de 2014, cinq communes, soit 1 318 habitants dans un rayon de 6 kilomètres, sont ainsi desservies par la généraliste au motif que la pharmacie la plus proche est située à plus de 15 minutes en voiture.
Un temps médical compté
Ce trajet étalon est en effet retenu par les pouvoirs publics comme le seuil « au-delà duquel il est considéré qu’il n’y a pas de pharmacie localement accessible », rappelle le rapport de l’IGF-IGAS de 2016. Ce même rapport note que 1 667 communes sont concernées, ou encore 0,50 % des Français, tandis que 600 communes, soit 0,10 % de la population, sont à plus de 20 minutes d’une pharmacie.
« Le recours à la propharmacie peut se comprendre dans des zones très reculées, notamment dans des régions montagneuses, inaccessibles en hiver. Mais il ne se justifie plus sur notre territoire », remarque Sébastien Michel, titulaire à Saint-Georges-sur-Eure et vice-président du syndicat des pharmaciens d’Eure-et-Loir (FSPF) qui a contesté auprès du tribunal administratif d’Orléans le renouvellement de la dérogation de la généraliste.
Après avoir perdu en première instance, il y a tout juste deux ans, le syndicat a interjeté appel. La Cour d’appel de Nantes devrait se prononcer prochainement. Cependant, les pharmaciens d’Eure-et-Loir n’attendent pas cette décision pour faire valoir leurs arguments. Comme l’objecte Sébastien Michel, il est ainsi paradoxal que dans cette région où, plus qu’ailleurs, le temps médical est compté, certains médecins soient encore occupés à délivrer des médicaments. « N’ont-ils pas mieux à faire ? », s’interroge-t-il.
De fait, l’Eure-et-Loir compte, avec 264,6 médecins pour 100 000 habitants, parmi les dix départements les plus sous-dotés de France (2). De plus, avance le titulaire de Saint-Georges-sur-Eure, les huit officines de la zone desservie par la généraliste se sont engagées à assurer une livraison à domicile, 7 jours/7, auprès des habitants des cinq communes concernées.
(1) Article L.4211-3 du code de la santé publique.
(2) Moyenne nationale : 421,6 médecins pour 100 000 habitants. Sources : Conseil national de l’Ordre des médecins.
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