Plaque tournante du trafic aérien, maritime et commercial de la région, la métropole de 7 millions d’habitants, avec un âge médian de 43 ans et une densité de population de 6 870 habitants/km2, semblait être la victime parfaite pour le coronavirus. Mais des restrictions draconiennes ont pendant longtemps évité le pire : aujourd’hui encore, plus de deux ans après le début de l’épidémie, le pays ne compte que 2 000 morts du coronavirus. Petit problème toutefois : la quasi-totalité de ces morts… datent de la semaine dernière. Depuis, les cadavres s’accumulent dans les hôpitaux, faute de place dans les morgues, et l'hypothèse du confinement est dans tous les esprits.
Le variant Omicron a pris tout le monde de court
Ces deux dernières semaines, la politique restrictive de la ville a été rattrapée par le variant Omicron, passant de quelques cas quotidiens à plusieurs dizaines de milliers. Un bouleversement qui a pris tout le monde de court. La stratégie « Zéro Covid » hongkongaise, qui consiste à hospitaliser tous les cas positifs, même asymptomatiques, quitte à isoler tout un quartier dès qu’un cas y est repéré, avec quarantaine obligatoire, serait-elle fautive ?
Pour Catherine Hill, épidémiologiste à l'institut Gustave-Roussy, le débat est ailleurs. « Face à un agent infectieux, nous avons deux outils : le premier est l'isolement des personnes contagieuses avant l'apparition des symptômes, et le deuxième est la vaccination. En vérité, il y a surtout deux autres questions à se poser : quelle est la part de la population vaccinée et quelle est l’efficacité du vaccin ? », reprend-elle.
La vaccination, faiblesse de la métropole
Et c’est ici que le bât blesse. « À Hong Kong, la vaccination des personnes âgées est très faible, de l’ordre de 50 % avec une seule dose de vaccin (Sinovac) sous-optimal », pointe l'épidémiologiste Antoine Flahault. « La Chine, La Nouvelle-Zélande et Singapour ont bien mieux protégé les populations à risque, ce qui explique que, s’ils connaissent une grosse vague de cas actuellement, ils comptent comparativement très peu de décès. »
Cette combinaison de faible vaccination et faible exposition au virus expliquerait la situation hongkongaise dont seulement 0,3 % des habitants ont été testés positifs. Soit 100 fois moins qu’en France, qui, avec une forte vaccination et une immunité naturelle issue des infections des précédentes vagues, n’a pas payé de trop lourd tribut face à Omicron. « Une population vierge d’exposition antérieure est plus à risque d’être victime de formes sévères », confirme Antoine Flahault.
Éviter les extrêmes
Car si la stratégie « Zéro Covid » peut se révéler payante pour ralentir l’épidémie et éviter de déborder le système de santé, elle n’est pas miraculeuse « À un moment donné, face à un virus qui va persister et au taux de reproduction très élevé, une grande partie de la population va devoir présenter des anticorps contre ce dernier, qui ne s’obtiennent qu’après infection, ou vaccination. La logique du « Zéro Covid » ne marche qu’à partir du moment où l’on est certain d’immuniser efficacement l’ensemble de la population qui a été épargnée par l’infection », explique le virologue Bruno Lina, membre du Conseil scientifique.
L’erreur de Hong Kong a été de trop se reposer sur ses mesures liberticides (confinement, isolation, quarantaine pour les voyageurs, fermeture des frontières) sans profiter du répit offert par ces dernières pour vacciner sa population fragile. « Dans les pays qui ont fait le choix du « Zéro Covid », il est essentiel de développer une couverture vaccinale étendue et de qualité dès lors que l'on ne peut pas compter sur une immunité collective », précise Vincent Maréchal, professeur de virologie à la Sorbonne et cofondateur du réseau Obépine. Une erreur que n'a pas commise la Chine.
Que nous réserve le futur ?
Certaines voix au sein de l'Empire du Milieu expriment toutefois quelque inquiétude quant à la gestion de l’après-pandémie. Ainsi, Zeng Guang, ancien expert en chef du Centre national de contrôle et de prévention des maladies de Chine, affirmait la semaine dernière que l'absence de circulation du virus et le taux d'infection naturelle relativement bas de la population chinoise risquent de poser de graves problèmes d’immunités dans les années à venir, si le Covid devient endémique. Une inquiétude qu’Antoine Flahault juge précipitée : « C’est une question compliquée, car nous n’avons pas encore l’expérience de population peu exposée et vaccinée victime d’une plus grande intensité de la pandémie. »
En France en tout cas, si tout danger n’est pas définitivement écarté, le fort taux de vaccination (80 %, dont 50 % avec trois doses) ainsi que d’immunité naturelle (un tiers de la population a contracté le Covid) laisse supposer que le pire est derrière nous. Pas de quoi pavoiser toutefois, selon Catherine Hill, qui affirme que « jamais ils ne rattraperont notre nombre de morts ».
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