Le nouvel accord conventionnel interprofessionnel (ACI) relatif à l’exercice coordonné et aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) répond parfaitement aux attentes des pharmaciens. Pour l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), les 7 séances de négociations entre l’assurance-maladie et 35 syndicats de professionnels de santé du 16 janvier au 18 avril dernier ont porté leurs fruits. « Le conseil d’administration de l’USPO estime que cet accord équilibré permet de répondre aux enjeux du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques, mais également de renforcer la prévention, l’efficience et la qualité de la prise en charge des patients, de faciliter l’articulation entre les établissements de santé et l’ambulatoire et d’améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé », détaille son président Gilles Bonnefond. Une vision partagée par Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui insiste sur l’importance de l’exercice coordonné et sur l’architecture hors les murs des CPTS idéale pour les pharmaciens. Tous deux viennent d’obtenir le mandat de leur conseil d’administration pour signer le nouvel ACI.
Côté médecins, en revanche, l’enthousiasme est plus limité. Tout comme la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), MG France regrette le peu de moyens financiers mis en regard des missions à relever, quand le Syndicat des médecins libéraux (SML) craint que l’adhésion à une CPTS soit une obligation pour bénéficier de certaines rémunérations négociées par convention avec la CNAM ou de certaines aides comme les assistants médicaux. Si les objectifs poursuivis font l’unanimité, la signature est loin d’être acquise. « Les médecins pourraient refuser de signer s’ils sont poignardés par ailleurs », note Philippe Besset, par exemple si la liberté d’installation est remise en cause. Or, tout le monde s’accorde pour dire que sans les médecins, les CPTS perdent tout leur sens. « C’est pourquoi je lance un appel aux médecins », ajoute Philippe Besset.
Missions socles
Interrogé par « Le Quotidien du médecin », le président de la CNAM Nicolas Revel insiste lui aussi sur l’importance de leur adhésion. « En raison même des missions des CPTS sur l’accès aux soins et la prise en charge des soins non programmés, je ne vois pas comment cet accord pourrait aboutir sans les médecins. On a besoin de toutes les professions de santé pour développer la coordination des soins mais on a évidemment besoin des médecins au premier chef. » La réponse de l’ensemble des partenaires est attendue courant juin. Pour être valable, l’ACI doit être signé par au moins trois professions sur la quinzaine qui a participé aux négociations, et au sein des professions par au moins un syndicat représentatif. « Beaucoup m’ont déjà fait savoir leur intention de le faire », précise Nicolas Revel.
Le texte soumis par l’assurance-maladie confirme les trois missions socles évoquées lors des négociations. « La première est l’accès aux soins et doit permettre à la fois un accès à un médecin traitant aux patients qui n’en ont pas et l’organisation des soins non programmés, dans un délai de 6 à 12 mois après la création de la CPTS. La deuxième concerne l’organisation des parcours patients, qui doit être mise en place dans les 12 à 18 mois. Enfin la troisième touche à la promotion des actes territoriaux de prévention. Ces trois missions socles doivent être réalisées dans les deux ans », explique Sophie Sergent, présidente de la commission pharmacie clinique et exercice coordonné de la FSPF. Deux missions complémentaires peuvent également être mises en place sur la qualité et la pertinence des soins et sur l’accompagnement. En outre, de nouvelles missions pourraient voir le jour ou/et être financées uniquement dans le cadre d'une CPTS, comme la télémédecine ou la dispensation protocolisée.
« Il faut que ce soit les professionnels de santé sur le terrain qui soient à l’origine de la CPTS, sur un territoire, avec un projet de santé cohérent et pluriprofessionnel. Une fois le projet validé par l’agence régionale de santé (ARS), nous passons un contrat tripartite CNAM-ARS-CPTS individualisé pour prendre en compte les réalités de terrain. Très vite, nous mettons à disposition les sommes nécessaires à la coordination pour que la CPTS puisse s’organiser. Ces financements seront complétés en fonction des missions développées », précise Annelore Coury, directrice déléguée de la CNAM chargée de l’offre de soins.
Pionniers
Une vision confirmée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn devant la commission des affaires sociales du Sénat le 14 mai : « Pour construire le système de santé de demain, nous misons sur les initiatives de santé des territoires, le décloisonnement, la coopération… Il n’y aura pas de décisions imposées d’en haut (…) Nous essayons de pousser à la coopération soit dans les maisons de santé ou centres de santé, c’est-à-dire un exercice regroupé sur un site, soit dans le cadre de réseaux que l’on appelle parfois pôles de santé, soit dans le cadre des CPTS qui sont une forme de réseau avec une responsabilité territoriale (…) Les CPTS sont vraiment un maillon essentiel d’organisation du territoire ».
Les financements sont attribués en fonction des missions et de l’atteinte d’objectifs selon un calendrier et en fonction de la taille de la CPTS. Quatre tailles ont en effet été définies selon le bassin de vie couvert : inférieur à 40 000 habitants, de 40 000 à 80 000 habitants, de 80 000 à 175 000 habitants et supérieur à 175 000. « Le montant qu’on peut obtenir pour une année pleine ne sera pas versé dès la première année puisque la mise en place des missions va monter en charge progressivement, à l’exception notable de CPTS déjà homologuées et actives qui répondent aux critères de l’ACI. Dans ce cas, elles pourront même bénéficier d’un versement rétroactif », précise Sophie Sergent. Une bonne nouvelle pour celle qui fait partie des pionniers.
61 CPTS actives
« La dynamique de création des CPTS peut être animée par les ARS, mais sans être trop incitative pour que l’initiative et l’organisation correspondent aux souhaits des professionnels sur le terrain. Il n’est pas question qu’une ARS plaque un modèle sur un territoire. Cependant, les ARS ont un droit de véto quand le projet de CPTS est clairement hors du format attendu, par exemple quand deux CPTS veulent s’installer sur le même territoire ou lorsqu’une CPTS souhaite être monoprofessionnelle », décrit la ministre de la Santé.
D’après la mission sur l’organisation territoriale de la santé menée par les sénateurs et qui a rendu ses conclusions le 15 mai, « 61 CPTS fonctionnent de manière mature et 224 projets au total ont été identifiés par les ARS ». Selon les trois rapporteurs Yves Daudigny, Catherine Deroche et Véronique Guillotin, les CPTS actives ont une réelle utilité pour « la prise en charge des patients complexes, pour lesquels doivent être mobilisées des ressources à la fois médicales et sociales ». Et de citer le cas de la CPTS de Paris 13 qui a « permis de réorganiser des visites à domicile pour les patients qui ne peuvent faire autrement » et d’une autre dans la région de Beaune qui a mis en place « des actions de prévention et d’éducation thérapeutique, ainsi qu’un accueil de jeunes professionnels de santé ». Des projets réussis grâce à la « volonté et la ténacité de leurs instigateurs », remarque la mission sénatoriale. Elle recommande que les ARS mettent à disposition « un recueil de bonnes pratiques recensant le mode opératoire des CPTS qui fonctionnent aujourd’hui avec succès ».
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