La commission d’enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments a présenté 36 recommandations, qu’elle compte défendre rapidement devant les ministres de la Santé et de l’Industrie.
Après cinq mois de travail, l’enquête sénatoriale sur les pénuries de médicaments présente aujourd’hui un rapport de 400 pages détaillant les problématiques, les causes, les conséquences et les solutions à mettre en œuvre. La présidente de la commission, Sonia de la Provôté, et la rapporteure, Laurence Cohen, ont déjà demandé un rendez-vous avec les ministres de la Santé et de l’Industrie pour défendre les 36 recommandations de ce rapport qui ont fait consensus dans tous les groupes politiques du Sénat.
Si « toutes les recommandations sont importantes car elles prennent en compte toute la chaîne du médicament » et permettent de répondre aux causes multifactorielles des pénuries, Laurence Cohen met l’accent sur certaines d’entre elles. D’abord conditionner les aides publiques, en particulier le crédit impôt recherche (CIR) dont le secteur pharmaceutique est le second bénéficiaire pour un montant annuel de 710 millions d’euros, à des engagements tels que la pérennité de la présence industrielle, la localisation de la propriété intellectuelle et l’approvisionnement du marché français. À ce jour, « l’effort colossal que représente le CIR pour les finances publiques n’a pas empêché les délocalisations et n’a pas non plus réussi à ancrer la production en France de médicaments innovants développés grâce au crédit d’impôt ». Pire, annonce-t-elle, ce sont près de 700 médicaments, dont certains essentiels, qui risquent d’être abandonnés par les laboratoires dans les années à venir. « C’est une information qui nous a été donnée par les industriels. »
Concernant les nouvelles obligations des laboratoires titulaires de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), la commission d’enquête pointe l’insuffisance des moyens alloués à l’agence du médicament pour réaliser des contrôles réguliers sur la réalité des stocks exigés et le contenu des plans de gestion des pénuries (PGP). Les sénateurs s’alarment, par exemple, que « le PGP du Sabril, antiépileptique vital et fréquemment en tension, ne comporte aucune analyse des risques de rupture », alors même que l’équilibre d’un traitement par antiépileptique est délicat. La commission d’enquête regrette également que « les sanctions infligées sont rares et peu dissuasives à ce jour ».
Le rapport estime, par ailleurs, qu’il y a urgence à « mettre en œuvre une fabrication publique de certains médicaments sous le contrôle de la pharmacie centrale de l’AP-HP ». Et qu’il y a lieu de favoriser le recours à des solutions d’urgence alternatives, notamment en réformant le statut juridique des préparations officinales « dont on a mesuré toute l’importance » lors des tensions d’approvisionnement de l’hiver dernier.
Autre item crucial : la révision de la fixation des prix des médicaments où l’innovation est financée par les baisses de prix des médicaments matures dans une enveloppe contrainte (ONDAM) qui n’est pas corrélée aux besoins thérapeutiques. La commission propose une meilleure valorisation des médicaments matures essentiels selon leur intérêt thérapeutique et l’implantation de leurs sites de production, avec la possibilité d’augmenter leur prix en échange d’une sécurisation de l’approvisionnement.
Certaines des solutions envisagées touchent de près ou de loin l’officine. C’est le cas par exemple de la recommandation de « mieux réguler et encadrer le court-circuitage des grossistes-répartiteurs par la vente directe des laboratoires vers les pharmacies » qui « privilégie certaines officines géantes réalisant un chiffre d’affaires élevé au détriment d’un traitement égal de l’ensemble des pharmacies ». Ou la préconisation d’un meilleur pilotage des mesures de contingentement « en portant une attention particulière aux officines situées en zone peu denses ». Ou encore l’appel à la généralisation du recours aux TROD. Enfin, déçue que personne ne soit en capacité d’évaluer ce que coûtent les pénuries de médicaments, la Commission a insisté sur « tout le temps passé par les pharmaciens » à trouver des solutions à leurs patients.
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