Le Quotidien du pharmacien. - Comment décririez-vous l'impact actuel de l'inflation sur l'industrie pharmaceutique et les pharmacies en particulier ?
Laurent Filoche.- Son impact est conséquent et se fait de plus en plus ressentir, en particulier sur les volumes de ventes. Même si le chiffre d'affaires augmente, cette hausse est en trompe-l’œil. En moyenne, nous estimons que les volumes de ventes ont baissé de 10 % en raison de l'inflation. La cause de cette baisse est assez évidente : les clients patients font maintenant beaucoup plus attention à ce qu'ils achètent. Désormais, ils privilégient les marques et les produits les moins chers. En outre, si la crise a touché tous les secteurs, ceux de la cosmétique et de la parapharmacie sont de loin les plus impactés, car moins prioritaires pour les patients en ces temps de perturbation économique.
Quelles stratégies les groupements peuvent-ils mettre en œuvre pour maintenir la rentabilité des pharmacies ?
Pour les groupements, c'est l'occasion de mettre en avant les marques de distributeurs (MDD). Dans le futur, il sera pertinent, voire indispensable d'en disposer, notamment parce que leurs prix peuvent être maîtrisés. Avec ces marques, les groupements peuvent proposer des alternatives équivalentes en termes d'efficacité, et moins chères que leurs produits de référence. En temps de crise, les patients vont naturellement se rabattre sur ces produits, ce qui augmente la rentabilité de la pharmacie. Il faut par conséquent étoffer les MDD et aller vers des segments encore peu explorés, comme les médicaments. Aujourd'hui, la majorité des MDD déclinent en effet des gammes de parapharmacie. Bien entendu, il s'agit d'un gros chantier, avec beaucoup de contraintes réglementaires à gérer, ce qui suppose que le groupement dispose du personnel suffisant, aussi bien en nombre qu'en qualification.
Aujourd'hui, quasiment tous les groupements sont dotés de centrales de référencement et d'achat. C'est à elles que revient la responsabilité de mieux négocier avec les laboratoires pour permettre aux adhérents de bénéficier de prix d'achat plus intéressants. Or, la taille d'un groupement impacte directement sa capacité à peser dans les négociations. C'est un paramètre qui va devenir de plus en plus important dans les années à venir, d'où le phénomène de concentration que l'on observe, avec le rapprochement de plusieurs groupements. Si ce mouvement a commencé depuis quelques années, il est clairement en phase d'accélération.
Comment l'« effet inflation » jouera-t-il à l'avenir sur l'offre commerciale des laboratoires ?
L'inflation de ces deux dernières années est complètement surévaluée par les laboratoires, en réalité, elle ne dépasse pas 1 à 2 %. Il s'agit purement et simplement d'une stratégie pour augmenter leurs marges, afin de maintenir les mêmes résultats alors que leurs volumes s'effondrent. Ce n'est pas tenable sur le long terme, et il faudra qu'ils ajustent leur politique tarifaire s'ils veulent que les Français continuent de consommer leurs produits, car la capacité d'adaptation de ces derniers n'est pas infinie.
*Président du groupement Pharmacorp et de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO)
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