Après le gouvernement, qui a présenté il y a quelques jours sa feuille de route, des députés ont également voulu s’emparer du sujet des pénuries de médicaments. Alors que le phénomène ne cesse d’empirer (près de 5 000 signalements de ruptures de stocks et de risques de rupture en 2023 selon les chiffres de l’ANSM, soit une hausse de plus de 30 % par rapport à 2022), l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la proposition de loi défendue par ces élus socialistes.
Ce texte vise principalement à « renforcer les obligations » faites aux industriels de constituer des stocks, à la fois en inscrivant des planchers dans la loi et en alourdissant les sanctions. « Ne pas pouvoir accéder aux médicaments dont on a besoin constitue une angoisse indescriptible (...) pour les parents, pour les patients », a tenu à rappeler la députée PS Valérie Rabault, auteure du texte. « Le nombre de médicaments en pénurie a été multiplié par dix en dix ans », insiste-t-elle.
Si l’élue du Tarn-et-Garonne dit « avoir conscience que le cœur du sujet reste la production », et appelle justement à « une stratégie industrielle de moyen et long terme », sa proposition de loi met l’accent sur les stocks constitués par les industriels. La version du texte adoptée le 29 février prévoit en effet d'inscrire dans la loi des stocks planchers qui ne sont prévus aujourd'hui que dans un décret. Ils seraient compris entre une semaine et quatre mois pour l’ensemble des médicaments. Une autre fourchette est retenue pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), avec des planchers et plafonds de stocks qui passeraient à deux mois minimum et quatre mois maximum. Dans certains cas fixés par décret, le directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) aurait la possibilité d’imposer des stocks moins importants. L’ANSM pourrait par ailleurs se voir conférer des pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place.
Le projet de loi, qui a été largement amendé par rapport à sa version initiale entend par ailleurs étendre les missions du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). « Grâce au DP-Ruptures, le CNOP pourra renseigner l’ANSM sur l’état des stocks détenus par les pharmacies françaises, explique le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, très favorable à cette mesure. On pourra savoir combien d’officines sont en rupture et l’ANSM pourra ainsi prendre des décisions efficaces. C’est innovant, on sera assez en pointe en Europe si l’on arrive à mettre cela en place. » La volonté des députés de s’appuyer sur le DP-Ruptures va en tout cas dans le sens de ce que préconisait également la feuille de route sur les pénuries du gouvernement.
Enfin, le texte prévoit d'alourdir les sanctions déjà prévues par la loi. Ces pénalités pourraient désormais aller jusqu'à 50 % du chiffre d’affaires du dernier exercice portant sur le médicament en question, avec un plafond porté à 5 millions d'euros (contre 30 % et 1 million d'euros actuellement). Après son adoption à l’Assemblée nationale, la proposition de loi des députés socialistes sera prochainement examinée par le Sénat.
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