La suppression de l’aide médicale d’État (AME) par le Sénat, qui serait remplacée par une version allégée dite aide médicale d’urgence (AMU), provoque une vive opposition. Alors qu’une plainte a été déposée devant l’Ordre des médecins à l’encontre des sénateurs médecins qui ont voté pour la suppression de l’AME, quelque 3 500 médecins libéraux comme hospitaliers ont lancé samedi un appel à la désobéissance « conformément au serment d’Hippocrate ». Un appel soutenu par le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau.
La disparition de l’AME, remplacée par un dispositif allégé, continue de cristalliser les tensions. La disposition, introduite par un amendement en commission, a été votée le 7 novembre par 200 voix contre 136, tandis que la loi immigration largement remaniée doit être votée par le Sénat ce 14 novembre. Les nombreuses prises de parole dans les rangs de la gauche, tout comme la tribune signée par 26 députés du Modem dans le journal « La Croix » ne sont pas parvenus à faire infléchir la droite sénatoriale.
Les professionnels de santé donnent aussi de la voix. Dès le lendemain du vote, la Fédération hospitalière de France (FHF) et la Fédération des hôpitaux privés (FHP) dénonçaient « une hérésie humanitaire, sanitaire et financière » qui va « affaiblir notre système de santé », tandis que la Mutualité française pointait « une erreur politique et sanitaire ». Tous mettent en avant le « dilemme éthique et déontologique inacceptable » que vivraient les soignants si la suppression de l’AME était actée.
C’est sur cette base que 3 000 professionnels de santé ont signé une tribune dans « Le Monde » le 2 novembre, et que 3 500 médecins, salariés comme libéraux, ont appelé ce week-end leurs confrères à signer, comme eux, une « déclaration de désobéissance » qui débute ainsi : « Moi, médecin, déclare que je continuerai à soigner gratuitement les patients sans papiers selon leurs besoins, conformément au serment d’Hippocrate que j'ai prononcé. » Et se termine par : « Patients d’ici et d’ailleurs, ma porte vous est ouverte. Et le restera. »
À l’origine de ce texte, les deux psychiatres chefs de service de l'hôpital Henri Mondor et du CHI de Créteil, Antoine Pelissolo et Jean-Marc Baleyte, se réjouissent en particulier des signatures nombreuses de médecins libéraux, généralistes et spécialistes : « S'ils reçoivent un patient non couvert, ils ne seront pas payés. C'est une prise de position très forte. » Interpellé sur le sujet hier sur « France Info », le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a dit comprendre la position des médecins. « Le gouvernement se battra pour qu’ils n’aient pas à exercer de désobéissance civile (…) L’AME est un dispositif de santé publique avant tout. Si on renvoie tout sur l’hôpital on va faire une erreur énorme. » Alors même que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’était dit personnellement favorable à la réforme, celui-ci a affirmé, le 9 novembre, qu’il ne souhaite pas la voir dans le texte final sur lequel doit se pencher l’Assemblée nationale à partir du 11 décembre. Le ministre de la Santé s’est montré confiant hier en ajoutant : « On ne basculera jamais dans un dispositif du type aide médicale d’urgence. »
Vendredi dernier, deux médecins, le psychiatre Georges Yoram Federmann (Strasbourg), et le généraliste Jean Doubovetzky, (Albi) ont déposé une plainte ordinale pour violation du code la santé publique à l’encontre de deux sénateurs également médecins ayant voté pour la suppression de l’AME. « Nous dénonçons, avec de nombreuses associations et professionnels de santé, la complicité de Mme Marie Mercier, sénatrice, et de M. Jean-François Rapin, sénateur, membres d'une assemblée dont les décisions portent atteinte, directement, à la santé physique et psychique d'une population connue pour être particulièrement vulnérable. »
L’intersyndicale des Libéraux de santé (LDS), qui regroupe les 10 principaux syndicats représentatifs des professionnels de santé libéraux, a, elle aussi, dénoncé la suppression de l’AME vendredi dernier. Considérant que sa remplaçante, l’AMU, constitue « une grave menace pour la santé publique dans notre pays », les LDS appellent les députés à « faire preuve d’unité pour retirer l’amendement de suppression de l’AME ». Pourtant, à contre-courant de ces prises de position, une enquête en ligne du « Journal international de médecine » (JIM), assure que 71 % des 305 votants sont favorables à la suppression de l’AME : 71 % chez les infirmières, 70 % chez les médecins et même 77 % chez les pharmaciens.
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