Le Quotidien du pharmacien.- Depuis lundi, titulaires et retraités soit près de 55 000 pharmaciens sont appelés à élire 10 administrateurs et leurs suppléants pour 6 ans dans les collèges des cotisants et des retraités (1). Quels sont les enjeux de ce scrutin ?
Philippe Berthelot.- Ce processus électoral conduit au renouvellement de la moitié de notre conseil d’administration (2), ce qui doit assurer une continuité essentielle dans la gestion des dossiers en cours. Mais au-delà, de nombreux chantiers doivent être mis en œuvre face aux défis, démographie de la profession, transmission des fonds et difficultés de l’économie officinale, que devra relever notre caisse dans les prochaines années.
Par ailleurs, ces élections revêtent aujourd’hui une importance toute particulière. À l’heure où nous notons des velléités de remise en cause de notre mode de gouvernance, alors que d’aucuns, dont l’appétit est aiguisé par nos 9 milliards d’euros d’actifs, souhaiteraient voir des administrateurs nommés plutôt qu’élus, ce scrutin doit donner le gage de la volonté et de la capacité de la profession à conserver des administrateurs pharmaciens élus au suffrage direct. J’invite donc tous les pharmaciens à manifester, par un fort taux de participation, leur attachement à leur caisse d’assurance vieillesse, à son autonomie de gestion et à sa gouvernance professionnelle.
Face aux nouveaux chantiers qui s’avèrent indispensables, pourquoi est-il plus que jamais primordial que la CAVP reste aux mains des pharmaciens ?
Les pharmaciens ont la chance d’avoir une caisse gouvernée par leurs pairs. Qui mieux qu’eux connaît la nécessité des réformes à entreprendre ? La prochaine mandature devra engager des réformes tant économiques que sociales. Je pense tout particulièrement aux pensions de réversion qui devraient être revalorisées. Des études actuarielles seront bien sûr nécessaires, et les administrateurs restent souverains dans leur décision, mais il devrait être néanmoins possible, moyennant une minoration de 8 points du niveau de cette pension, de racheter une pension de réversion à 100 %, contre 60 % actuellement dans le régime complémentaire par répartition. Cet élément de solidarité est l’un des exemples de ce que la profession peut décider dans ses propres intérêts, au sein d’une caisse confraternelle.
De même, je considère comme urgent, compte tenu du vieillissement de la population, de mettre en place un financement de l’autonomie et de la dépendance.
Sans compter que nous devons également entamer un chantier visant à la revalorisation des pensions. Là aussi, il faut que ce soient des pharmaciens qui s’emparent de ce dossier.
Comment aborder ces questions, nécessitant un apport de cotisations supplémentaires, alors même que l’économie officinale connaît des difficultés ?
C’est un fait que nous notons une tendance inquiétante de la hausse des fermetures d’officines. Ce phénomène résulte à la fois d’un problème démographique, de la financiarisation à laquelle notre profession n’échappe plus et de la réduction de la marge officinale, que nos syndicats craignent pour cette année. Il en découle qu’un certain nombre de pharmacies sont en péril et de plus en plus de titulaires ne parviennent plus à vendre leurs fonds. Il est clair désormais que certains confrères ne vendront pas leur outil de travail. Cette évolution doit nous alerter. Et face à la fracture de notre modèle professionnel, la constitution d’une retraite apparaît plus que jamais comme une impérieuse nécessité alors que jusqu’à présent les pharmaciens considéraient que la vente de leur officine pouvait améliorer leur retraite.
Il ne faut pas oublier qu’un titulaire cotise à hauteur de 60 % de la cotisation d’un cadre : 19 % environ au lieu de 28 %. D’une part, la durée de cotisation est plus courte : 35 ans pour une activité libérale en moyenne contre 43 ans de carrière pour les cadres. Cela amène à une pension de retraite mensuelle nettement plus faible : 1 862 euros net pour les officinaux, en moyenne (2 060 euros net pour les biologistes).
Sur quels paramètres pouvez-vous agir pour revaloriser ce niveau de pension qui apparaît désormais insuffisant ?
Sur le taux de cotisation qui est actuellement de près de 19 % pour un revenu moyen annuel de 90 000 euros et sur l’assiette ; la durée de cotisation pouvant peu évoluer en raison de l’âge de départ à la retraite (65 ans). Sans doute, l’une des pistes est de communiquer sur ce sujet, alors que la plupart des confrères installés en SEL font remonter leurs revenus en dividendes à la holding et minorent, ainsi, leur assiette sociale. Ce sera là l’un des prochains chantiers à entreprendre. Nous avons entamé des discussions avec la Direction de Sécurité sociale (DSS), notre autorité de tutelle, afin de faire valider les différentes pistes que nous avons émises. Notre objectif est qu’un pharmacien disposant d’un revenu moyen (environ 90 000 euros) cotise dans une classe de cotisation moyenne (classe 7).
Cette stratégie est-elle comprise des jeunes générations de titulaires plutôt préoccupées par le remboursement de l’emprunt ?
Tout le dilemme est là. Non seulement, on ne pense pas à la retraite quand on est jeune, mais en plus les plans de financement ne tiennent pas compte de l’évolution des cotisations retraite.
Mais ce qui préoccupe davantage les jeunes pharmaciens aujourd’hui, c’est la financiarisation croissante de la profession. Celle-ci répond à un excès de capitaux sur les marchés financiers, le secteur de la santé étant un marché porteur. Cependant, il n’est pas sûr que cette financiarisation se développe au profit des professionnels de santé, ce qui inquiète les jeunes diplômés. Au contraire, elle risque de limiter l’indépendance de nos jeunes confrères et de contribuer à leur « précarisation » en les privant d’une plus grande capacité contributive pour leur future retraite.
Dans ce contexte, j’estime qu’il est de notre rôle, à la CAVP, de défendre l’attractivité d’une profession libérale et indépendante. C’est en cela qu’il est également important que les administrateurs de la Caisse soient élus par leurs pairs.
Ces mêmes élus doivent cependant prendre des mesures pas toujours populaires, comme une augmentation des cotisations pour répondre à l’inflation…
Tout à fait. Il est légitime de réévaluer les pensions pour compenser l’inflation. Et c’est parce qu’ils sont ou ont été pharmaciens que nos administrateurs peuvent mieux appréhender les capacités contributives de leurs confrères. Ces décisions sont prises à la fois en fonction des indicateurs publiés par l’INSEE (indice des prix à la consommation hors tabac) et en fonction de la situation financière de notre régime. Ainsi, en décembre, nous avons décidé une hausse de 4 % pour la répartition et de 4 % pour la capitalisation. Avec le régime de base, les pensions composites ont ainsi augmenté de 4,2 %. Ce qui n’atteint pas tout à fait l’inflation, je le reconnais. Mais je demande à nos affiliés de nous faire confiance pendant deux ans. Jusqu’en 2021, sur un historique de dix ans, le rendement du régime de capitalisation a progressé deux fois plus que la hausse des prix. Nous sommes optimistes pour 2024, sauf événement économique ou géopolitique majeur. Selon les experts, l’inflation devrait s’infléchir à cette date et si les marchés financiers se portent bien, le niveau des pensions voté fin 2024 permettra alors d’être supérieur à l’inflation. Je le rappelle, notre vocation est d’améliorer constamment le niveau des pensions.
(1) Les 7 sous-collèges territoriaux du collège des cotisants officinaux et des cotisants volontaires (Nord-Ouest, Est, Sud-Ouest, Île-de-France et DOM, Massif central-Centre, Sud-Est, Ouest) élisent chacun 1 titulaire et son suppléant. Le collège des cotisants biologistes élit 1 titulaire et son suppléant. Le collège des retraités élit 2 titulaires et leurs suppléants.
(2) Le mandat des membres du conseil d’administration a une durée de six ans. Les administrateurs qui seront élus en mars 2024 siégeront donc jusqu’en mars 2030.
Les résultats seront proclamés le 4 mars 2024 et publiés le 5 mars 2024
“De nombreux chantiers doivent être mis en œuvre face aux défis de démographie, de transmission des fonds et d’économie que devra relever notre caisse dans les prochaines années”
“Les pharmaciens ont la chance d’avoir une caisse gouvernée par leurs pairs. Qui mieux qu’eux connaît la nécessité des réformes à entreprendre ? “
“Ce qui préoccupe davantage les jeunes pharmaciens aujourd’hui, c’est la financiarisation croissante de la profession. Cependant, il n’est pas sûr qu’elle se développe au profit des professionnels de santé, ce qui inquiète les jeunes diplômés”
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