Parcoursup, la plateforme d'orientation des futurs bacheliers, est ouverte aux inscriptions depuis le 18 janvier. Pourtant, pas davantage qu'en 2022, les études de pharmacie ne s'affichent en toutes lettres sur la page d'accueil. Par conséquent les lycéens ne peuvent pas accéder directement aux informations concernant cette filière. C'est toujours sous des L.AS (licence accès santé) ou des PASS (Parcours spécifique accès santé) que la pharmacie apparaît en bas de page sur ce site destiné à recueillir et à gérer les vœux d'affectation des futurs étudiants.
Selon Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP), il faudra patienter au moins jusqu'à 2024 pour que les études de pharmacie s'inscrivent en toutes lettres sur cette plateforme Web. Comme les autres représentants de la profession, la présidente du CNOP s'est émue de l'absence de visibilité de la filière pharma dans le portail d’accès à l'enseignement supérieur français. Un paradoxe à l'heure où les amphis peinent à se remplir et où les officines manquent de bras. Alors que l'Ordre et les syndicats se sont lancés dans une reconquête de notoriété via des campagnes d’image auprès des jeunes, le chemin à parcourir reste long pour réformer son corollaire : la réforme du cursus des études de pharmacie.
« Le système PASS/L.AS a massacré le recrutement »
Occultées depuis plus d'une décennie par la première année commune des études de santé (PACES) puis par les PASS/L.AS, les études de pharmacie devraient retrouver leur caractère originel, selon les vœux de certains représentants de la profession, comme Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Il faut revenir à un système de concours spécifique à la pharmacie, comme c'était le cas il y a plusieurs années. Il faut absolument améliorer le système de recrutement qui, aujourd'hui, n'est pas bon du tout. Le système PASS/L.AS a massacré le recrutement. Des jeunes partent faire leurs études à l'étranger… Il ne faut pas que l'on se réveille dans dix ans, l'État doit prendre conscience de l'ampleur du problème. » La Fédération des syndicats de pharmaciens d'officine (FSPF) émet l'idée d'une « L.AS-Pharma » ou d'un « PASS-Pharma ». « Peu importe le terme, ce que je veux c'est que dès la première année les études soient spécifiques à la pharmacie et que le choix de l'étudiant puisse se faire dès la terminale. Les étudiants ne doivent plus être mélangés avec des étudiants en médecine. Autre impératif, les reçus-collés doivent pouvoir poursuivre en deuxième année », expose Philippe Besset, son président. Il n'est toutefois pas opposé à ce que des étudiants provenant de PASS ou de L.AS, en biologie par exemple, soient intégrés par la suite. Un scenario également suggéré par les doyens (lire page 5).
L'Ordre juge encore prématuré de se prononcer sur l'une ou l'autre de ces options. Mais face à l'urgence de la situation, il est bien décidé à actionner tous les leviers. Car il ne suffit pas de multiplier les opérations de promotion des métiers de la pharmacie auprès des plus jeunes et des étudiants, encore faut-il que les études soient attractives pour ces potentiels candidats. L'Ordre et les syndicats, rejoints par les étudiants et différentes organisations professionnelles, multiplient par conséquent les rencontres avec les doyens de facultés. « L’objectif est de concevoir une meilleure organisation de la première année d’étude. Faut-il conserver le système actuel du PASS-L.AS, mais mieux l'accompagner, ou créer une L.AS-Pharma ? Les réflexions se poursuivent », expose Carine Wolf-Thal.
Ne pas se priver de l'interpro
Que ce soit sous la forme d'une « L.AS-Pharma » ou d'un « PASS-Pharma », une réforme des études de pharmacie verra-t-elle le jour dans les quelque 24 facultés du territoire ? Le PASS est-il destiné à disparaître alors même qu'aujourd'hui certaines universités en sont encore dépourvues ? Cette option n’est pas approuvée par Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Une filière spécifique dès la première année ne fait pas davantage l'unanimité chez les étudiants. Selon eux, une telle réforme ne ferait que déplacer la problématique de la sélection au niveau lycée. Avec les dérives possibles liées à l'hétérogénéité de la notation dans les établissements du secondaire, relève Maxime Delannoy, président de l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). « Instaurer une filière spécifique à la pharmacie dès la première année reviendrait à couper court à la diversification des profils voulue par la réforme actuelle », met-il par ailleurs en garde. Une position qui diverge de celle de la Conférence des doyens de pharmacie.
S'ils comprennent les difficultés éprouvées actuellement par les doyens pour appliquer la réforme, les étudiants sont dubitatifs sur la capacité d'une sélection au niveau du baccalauréat à régler la question de l'attractivité. « Il ne faut pas non plus négliger le fait que la réforme actuelle permet plus d'interprofessionnalité en première année. Elle avait contribué à améliorer les relations entre professionnels de santé. Supprimer cette année commune, reviendrait à faire machine arrière à l'heure où l'on prêche pour plus d'interprofessionnalité », objecte le président de l'ANEPF.
Parallèlement, une réforme du 3e cycle des études de pharmacie s’impose afin de permettre plus de perméabilité entre les cursus. « Des systèmes de passerelles doivent mettre fin à l'hyperspécialisation entre les différentes filières du diplôme, et par conséquent entre les différents métiers de la pharmacie. Il faut simplifier les modalités de reconversions professionnelles car, par ce manque de mobilité, on se prive d'un facteur d'attractivité », reconnaît Carine Wolf-Thal, qui indique par ailleurs s'inspirer de la commission des nouveaux inscrits, récemment créée par l'Ordre.
Calibrer les besoins futurs
Tous ces efforts ne viendront cependant pas à bout d'un phénomène ancien : l'évaporation des diplômes que la présidente de l'Ordre estime à 25 %. « Cette aspiration des diplômés par d'autres métiers doit être mise en valeur puisqu'elle prouve que nos études ouvrent la porte vers d'autres secteurs d'activité, dans l'agronomie ou l'environnement », juge Carine Wolf-Thal. Si ce n'était la pénurie que crée cette fuite des diplômes dans les métiers de la pharmacie, tout particulièrement de l'officine, on pourrait en effet s'en féliciter.
Autre piste pour combler le déficit croissant de personnels, la profession milite pour une simplification de la reconnaissance en France des pharmaciens diplômés étrangers. « Faute d'autorisation du CNG* dont les services sont engorgés, nous devons actuellement refuser des inscriptions, et par là même nous priver de ressources », déplore la présidente de l'Ordre. De même, le projet de loi immigration prévoit la création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie ». Pour l'heure, cependant, rien n'indique que ce dispositif sera ouvert à la médecine et à la pharmacie de ville.
Une autre inconnue demeure cependant, qui conditionnera l'emploi en officine pour les prochains mois, voire les prochaines années. La profession est en effet bien en peine actuellement de calibrer les besoins en personnels de la pharmacie post-Covid. Selon Philippe Besset, il faudra attendre la décrue des actes liés à la gestion de l'épidémie (tests antigéniques et vaccination) pour faire un bilan chiffré. Certes, rappelle-t-il, les officines ont réalisé 55 millions de TAG, 10 millions de vaccins Covid et 5 millions de vaccins grippe en 2022, soit un total de 70 millions d'actes ou de 7 000 équivalents temps plein. « Cet afflux d'activité a provoqué fatigues et dépression, mais a aussi contribué à accroître les besoins. Mais il est difficile de dire aujourd'hui si dans quelques mois il nous faudra encore 15 000 postes supplémentaires, évalués à 7 000 adjoints et 8 000 préparateurs, et ce de manière durable. » Afin d'affiner cette approche, le CNOP a lancé un appel d'offres auprès de sociétés spécialisées dans la modélisation. « Ce travail permettra d'établir sur la base des chiffres dont nous disposons les besoins en personnels en fonction des paramètres que nous introduirons », décrit Carine Wolf-Thal. Les résultats seront connus en fin d'année.
* Centre national de gestion chargé des procédures d'autorisation d'exercice.
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