La situation économique et géographique, l’évolution démographique, l’environnement médical et concurrentiel sont des paramètres à considérer pour juger de la pertinence d’une telle opération.
Fabrice Camaioni, président de la commission métier pharmacien à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), exerce dans les Ardennes. Il a opéré un regroupement il y a quelques années avec une consœur dont l’officine était située à 150 mètres de la sienne. Une baisse de la population régulière depuis des années, une situation économique également compliquée pour la commune de 7 000 habitants… « Nous ne pouvions pas rester chacun de notre côté, voir la situation se dégrader au niveau de la ville, et par répercussion sur nos affaires. Nous nous sommes rencontrés, nous partagions le même constat, la même envie de bouger, de faire quelque chose. Nous avions le même comptable, il connaissait les chiffres des deux officines, il a rapidement pu faire des projections. Il nous a réunis pour nous faire part de ce que donnerait une éventuelle fusion. » C’est ainsi que l’aventure a commencé.
La mise en œuvre d’un regroupement se détermine donc au cas par cas : la situation économique de l’officine, ses perspectives, une génération qui vise une association dans une pharmacie de grande taille, la volonté de rompre avec la solitude, d'assurer pleinement les nouvelles missions. « Quand la confraternité existe, il faut discuter. Au niveau de l’officine, au niveau personnel, se lancer dans un exercice de regroupement n’est pas un chemin sans embûches mais c’est une bonne solution, je pense, pour assainir le réseau et aussi pour améliorer son exercice quotidien, parer à d’éventuelles dégradations d’activités. »
Bien préparer le regroupement : les points clés
Les conditions sont posées par le code de la santé publique qu’il faut bien analyser au préalable afin de purger toutes les incertitudes qui pourraient exister. Les démarches sont encadrées par l’agence régionale de santé (article L.5125-15). Pour obtenir une autorisation de regroupement, la demande doit répondre à plusieurs objectifs, parmi lesquels l’approvisionnement en médicaments, maintenir le maillage territorial, pérenniser une offre de soins. C’est le directeur général de l’agence régionale de santé qui délivre les autorisations.
Pour Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie chez Fiducial, « le regroupement est une opération complexe car elle nécessite des conditions juridiques et un cursus de mise en place long, voire très long. Cela refroidit souvent les candidats. Pendant longtemps, l’autre frein fut la barrière psychologique qui empêchait deux concurrents mais confrères de rassembler leurs moyens humains et financiers, même si cela faisait sens de le faire ».
La fusion des officines se réalise à l’emplacement d’une des officines ou dans un nouveau lieu. Dans le cas de Fabrice Camaioni, le regroupement s’est effectué dans sa pharmacie (il était propriétaire), plus grande et plus visible que celle de sa consœur. Mais des travaux se sont néanmoins avérés nécessaires car il fallait agrandir l’officine. « C’est un poste non négligeable d’un budget, très important à intégrer car il a un coût certain et c’est le navire dans lequel nous allons travailler. Quand on passe de 5 à 10 personnes, il faut de la place. Il faut penser aux équipes, repenser l’organisation du travail. » Les deux titulaires font le choix de parler aux équipes avant le regroupement, de les écouter, d’échanger.
Quelle forme juridique et quelle organisation fiscale privilégier
« Dans la quasi-totalité des cas, nous conseillons d’utiliser la SEL comme véhicule juridique (Selarl ou Selas) car cela permet ensuite une revente ultérieure des titres plus facile à une ou plusieurs holding (SPFPL). La Selas permet de créer des statuts sur mesure pour la gouvernance », explique Philippe Becker. Portez une attention particulière dans la rédaction du règlement intérieur. Il en va de même pour le pacte d’associés, pour les entrées et les sorties au sein de la société. Fabrice Camaioni et sa consœur ont fait le regroupement avec l’aide d’un cabinet d’avocats et ont créé une société d’exercice libérale.
Concernant la fiscalité « dans le cas de la SEL, le régime fiscal sera celui de l’impôt sur les sociétés. C’est un réel avantage car cela créera un effet de levier fiscal et financier qui aidera au remboursement des emprunts qui seront sollicités pour la réalisation de l’opération », rappelle Philippe Becker. Sachez qu’avec l’impôt sur les sociétés, les bénéfices de la société issue du regroupement seront taxés à 15 % jusqu’à 38 120 euros et à 25 % au-delà (à compter des exercices comptables ouverts au 1er janvier 2022).
Faire du regroupement une stratégie gagnante
Les études des fusions doivent être scrupuleusement analysées par l’expert-comptable et l’avocat pour éviter les mauvaises surprises. « Le financement se passera bien si, au préalable, un audit juridique, fiscal et financier est correctement fait pour lister tous les besoins et pas seulement ceux qui paraissent évidents. L’objectif étant de présenter une demande globale et validée à la banque pour ne plus y revenir. Les taux d’emprunt bancaires étant historiquement bas, la fusion de deux pharmacies est actuellement facilitée », souligne Philippe Becker. Comme pour toutes les opérations lourdes, réalisez un inventaire complet des coûts engendrés s’il y a corrélativement un transfert vers un nouveau lieu. Une des problématiques est les coûts cachés ou mal identifiés : contrats en cours à résilier, bail commercial, informatique, télésurveillance. Prenez en compte également le sureffectif de personnels qui pourra entraîner des ruptures conventionnelles.
« Il ne faut surtout pas se laisser déborder par les conseils des pharmaciens qui risquent de faire un concours de beauté inutile et coûteux. Dans un dossier de regroupement de 3 officines que j’ai suivi, il y avait 3 experts-comptables, 3 avocats et un notaire. Chacun voulait garder son client et ses honoraires. Résultat, cela a bloqué l’opération », relate Philippe Becker. À l’inverse, des fusions se déroulent bien, à l’image de celle de Fabrice Camaioni. « Très sincèrement, je fais partie des nombreux regroupements qui ont débouché sur une qualité de travail meilleure, avec des services que nous pouvons offrir et que nous ne faisions peut-être pas forcément avant. C’est un outil de travail attractif, c’est important… et puis, nous avons une certaine sérénité quant à l’avenir. »
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