Une nouvelle fois, l'effet taille s'impose dans l'analyse des niveaux de rémunération nette des gérants*. Alors que les moyennes annuelles se situent entre 59 000 et 62 200 euros, les titulaires de pharmacies d'un chiffre d'affaires inférieur à un million d'euros ne peuvent se rémunérer qu'entre 26 700 et 41 300 euros.
« Dans ces conditions, on peut s'interroger si cela vaut encore le coup d'être titulaire alors qu'un salarié au coefficient 600 gagne 3 500 euros par mois. Il n'y a finalement plus de différence », relève Joël Lecoeur (CGP). « La réponse est dans la fermeture d'officines qui survient chaque année », abonde Philippe Becker (Fiducial). Il soulève par ailleurs la question du niveau de cette rémunération en comparaison à celle d'autres professions moins exposées à une lourde responsabilité. « Entre 30 000 et 40 000 euros par an, ce n'est plus jouable », estime-t-il. Une nouvelle fois apparaît en filigrane la question de l'attractivité d'une profession également mise à mal par la réforme des études, comme le souligne Maxime Delannoy, président de l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF).
Préserver la trésorerie
Un autre constat s'impose, corrélé à la progression des indicateurs économiques de l'officine. Seuls les titulaires qui ont pu s'investir dans les activités liées à la gestion de la crise sanitaire ont pu augmenter leur rémunération au cours de l'année 2021. Cette revalorisation de 10 % est vue comme une juste compensation de leur engagement tout au long de ces douze mois de crise sanitaire. Une situation devenue donc inextricable pour les gérants des petites structures qui n'ont pas eu les capacités de réaliser tests et vaccinations Covid. Pour autant, cette « augmentation » d'environ 6 000 euros, que se sont accordée les titulaires en 2021, est à considérer avec circonspection. Car rien ne laisse présager qu'elle pourra être renouvelée. « Nous conseillons aux titulaires d'être prudents et de conserver la trésorerie. Il va falloir réinvestir dans du matériel, notamment dans la digitalisation de l'officine et dans l'humain pour pallier les difficultés des prochaines années », expose Joël Lecoeur.
Enfin, une troisième disparité surgit au chapitre de la rémunération des gérants d'officine. Elle est liée au niveau d'endettement du titulaire. Une augmentation n'est envisageable qu'une fois le cap des 12 ans passé. Les experts-comptables précisent par ailleurs que la rémunération nette correspond à ce qui a été déduit fiscalement des comptes de résultat. Ce « salaire », que s'octroient les titulaires chaque mois et qui rémunère leur travail, n'intègre pas la somme qui peut être prélevée au titre des dividendes. Ces dernières correspondent à la rémunération du capital et doivent être allouées au remboursement de l'emprunt. C'est dire si la rémunération des titulaires dépend de leur niveau d'endettement. Un critère qui doit entrer en ligne de compte lors de l'acquisition d'une officine. Et par conséquent dans sa valorisation.
*Après cotisations sociales.
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