LE RAPPORT de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la situation économique des pharmacies devait être remis à Xavier Bertrand ces jours-ci. Or, semble-t-il, les travaux ont pris un peu de retard. Selon les syndicats, sa remise devrait intervenir plutôt vers la fin du mois de mai. Un temps supplémentaire pour poser les bases d’une refonte de la rémunération des pharmaciens. En attendant, aucun consensus ne semble se dégager au sein des organisations professionnelles.
Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), pense ainsi que l’évolution de la rémunération doit concerner trois éléments importants. « Tout d’abord, nous demandons une relinéarisation de la marge, avec une augmentation du plafond de la première tranche », rappelle-t-il. « L’objectif serait d’atteindre au minimum 200 millions d’euros de marge supplémentaire disponible pour l’officine. » Dans un second temps, la FSPF est favorable à une introduction d’honoraires dans le cadre de la dispensation des médicaments. « Cependant, à court terme cette part d’honoraires ne doit pas excéder 25 % de la rémunération, afin d’éviter de trop fortes disparités entre les officines », estime Philippe Gaertner. « À plus long terme, cette part pourrait augmenter, mais dans une proportion raisonnable. Le taux de 90 % d’honoraires proposé par PHR me semble par exemple trop élevé », ajoute-t-il. Dans un troisième temps, la FSPF souhaite que les nouvelles missions viennent compléter la rémunération, sous forme d’honoraires ayant fait l’objet d’une négociation « à part ». « Ces missions doivent être rémunérées dans une perspective de service pharmaceutique rendu, dont il faudra prouver l’intérêt », explique Philippe Gaertner.
Juste rémunération.
Pour Gilles Bonnefond, le président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO), il faut prendre en compte quatre tendances lourdes : les déremboursements, les baisses de prix et l’expansion des génériques, la baisse des prescriptions éligibles au remboursement avec le renforcement du contrôle concernant le hors AMM, et la disparition de la visite médicale. « L’enveloppe de 6 milliards d’euros allouée au médicament remboursé doit être conservée pour faire vivre le marché du médicament, en l’adaptant pour que chacun bénéficie d’une juste rémunération », affirme Gilles Bonnefond. « Les médicaments pas chers et les génériques vont se développer, il faut donc renforcer la marge sur ces médicaments. Toute idée de TFR serait contre-productive. »
L’USPO maintient sa revendication d’une injection en urgence de 300 millions d’euros dans le réseau avant d’envisager sereinement un changement de mode de rémunération. Quant à l’honoraire, l’idée doit encore être travaillée. « Certains proposent un honoraire à la boîte, d’autres un honoraire à l’ordonnance, voire un honoraire à la ligne. Pourquoi pas, cela doit être étudié. Mieux vaut commencer par mieux rémunérer le pharmacien sur la dispensation de médicaments pas chers. »
Dans le cadre des Assises du médicament, l’USPO a d’ailleurs proposé que les médicaments suivis par un plan de gestion de risques (PGR), nécessitant un travail particulier du pharmacien en termes d’information du patient, puissent être source de rémunération supplémentaire. Une rémunération complétée de toute façon par celle liée aux nouvelles missions. « Plus d’honoraire ? Oui. Plus de valorisation de l’acte officinal ? Oui. Mais attention à ne pas faire croire aux pharmaciens que la seule solution c’est l’honoraire », prévient Gilles Bonnefond, qui annonce travailler sur des propositions communes avec l’Union nationale des pharmaciens de France (UNPF).
Complémentarité.
Son nouveau président, Frédéric Laurent, rappelle que « transférer ne serait-ce que quelques centimes de notre marge pour créer une nouvelle rémunération est hors de question. On parle de complémentarité ! » Pour lui aussi, le réseau est actuellement trop déstructuré pour pouvoir passer à un mode de rémunération différent en toute sérénité. Le président s’inquiète de la création des objectifs régionaux de dépenses d’assurance-maladie (ORDAM) qui ne peuvent être, selon lui, que sources de nouvelles disparités d’une région à l’autre. Pour gommer ces distorsions, il demande une relinéarisation de la marge par le relèvement du seuil de la première tranche et une rémunération complémentaire des missions de professionnel de santé du pharmacien. « Le problème de la dépendance pourrait entrer dans nos nouvelles missions, sous la forme de nouveaux services ». L’UNPF veut aussi renégocier la convention pour qu’elle intègre une nomenclature avec une codification permettant de rémunérer les nouveaux services et de revoir les délais de paiement pour améliorer la trésorerie des officines. Quant à l’idée d’un élargissement du TFR, elle n’est pas envisageable. « Nous imposer un TFR généralisé, c’est réduire à néant tout l’effort fourni jusqu’alors, cela veut dire qu’on n’a plus de marge de manœuvre et qu’on perd de la marge… » Par ailleurs, l’UNPF demande la libéralisation des conditions commerciales pour tous les acteurs de la chaîne du médicament, sauf sur le princeps généricable. Le syndicat souhaite également la reprise des travaux sur les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), plaide pour la fin de l’assujettissement à la TVA sur les actes intellectuels des pharmaciens et pour une rémunération à l’acte de non-délivrance.
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