C’est un acronyme encore peu connu du grand public mais qui parvient peu à peu à s’imposer auprès des différentes professions de santé. Les CPTS sont souvent perçues comme complexes à mettre en place et lourdes en termes d’organisation. Nombreux sont ceux qui voient cette invention bureaucratique comme trop contraignante et au final contre-productive, à la fois pour les soignants mais aussi pour leurs patients. Cette impression, Éric Myon, titulaire et président de la CPTS Paris 8, ne la partage pas. Tous les jours, au sein de cette structure, il peut bénéficier des compétences des médecins, infirmiers, kinés… qui travaillent dans le même secteur que lui et côtoient, souvent, les mêmes patients. Alors, à plusieurs est-on vraiment plus fort ? S’appuyer sur les autres professions de santé permet-il de s’engager plus facilement dans les nouvelles missions, le tout de manière plus rentable sur le plan économique ? « Pour moi la réponse est évidemment oui, assure l’officinal. C’est le meilleur moyen d'avancer pour nos patients, de répondre à leurs besoins en santé. Le pharmacien a des forces mais il a aussi certaines limites et nous avons donc besoin des autres professions de santé pour accompagner les patients le mieux possible », synthétise-t-il.
Je n’aurais jamais fait de dépistage du VIH en officine en étant tout seul, sans un réseau de professionnels pour m’épauler
Des protocoles mis en place en concertation avec les autres professionnels de santé
Principal avantage offert par la CPTS selon Éric Myon, elle permet de créer de la confiance entre les professionnels, qui vont être amenés à échanger et à se fréquenter beaucoup plus souvent. Idéal pour mieux comprendre le point de vue de chacun. « Les protocoles de dispensation sur la cystite et l’angine étaient économiquement plus rentables et pour autant le pharmacien ne volait pas le patient au médecin. La rémunération était partagée et l’on pouvait continuer à avancer ensemble », raconte-t-il à titre d’exemple. Des protocoles sur la cystite et l’angine qui, rappelons-le, ne sont aujourd’hui plus en vigueur depuis que la loi autorise les officinaux à prendre en charge ces deux pathologies, même hors du cadre de l’exercice coordonné. Le travail mené conjointement par médecins et pharmaciens sur le traitement des cystites et des angines dans près d’une centaine de CPTS a été une incontestable réussite pour Éric Myon, tant sur le plan de l’accompagnement des patients que sur le plan économique. « Pourquoi ce modèle est-il intéressant ? Parce que l’on répond aux besoins du territoire et que l’on construit ensemble ces projets », souligne-t-il.
Une CPTS qui fonctionne, occupe au moins deux soirs par semaine, il faut aimer. Cela dit, c’est très valorisant pour les équipes, pour les gens qui se rencontrent.
Sans l’appui d’autres professionnels de santé, Éric Myon ne pourrait tout simplement pas envisager la mise en place de certains services. Il cite ainsi l’exemple du dépistage du diabète. « Pendant une semaine, nous proposons aux patients de tester leur glycémie. Si c’est j'ai juste pour dire à un patient, “vous êtes à tel ou tel niveau”, cela ne sert pas à grand-chose. Là, dans le cadre de la CPTS, je peux contacter directement un spécialiste en diabétologie en cas de besoin. » L’orientation du patient s’en trouve donc simplifiée, ce qui permet ensuite de mettre en place un véritable suivi. « Au sein de la CPTS, tout cela est structuré, coordonné entre nous. Je n’aurais jamais fait de dépistage du VIH en officine en étant tout seul, sans un réseau de professionnels pour m’épauler, raconte-t-il également. On peut vraiment mettre en place des projets incroyables. Je pense aux sages-femmes qui aident des patientes à faire de l'autopalpation pour la prévention du cancer du sein. On veut aussi mettre en place des protocoles de soins de premiers recours pour des gens qui se font mal, en faisant du vélo par exemple, et nécessitent une chirurgie de la main, avec, surtout, l’objectif de pouvoir mieux les orienter », énumère Éric Myon.
Des actes « économiquement intéressants pour l’officine »
Depuis qu’il exerce au sein d’une CPTS, le pharmacien reconnaît avoir beaucoup appris. « On met en place des choses simples, efficaces, cohérentes et qui sont économiquement intéressantes pour l’officine », résume Éric Myon. De plus, cela renforce l’image de la profession et son attractivité selon lui. « Au vu du contexte économique actuel, je ne peux pas forcément très bien payer une nouvelle recrue mais au moins, avec tous ces actes proposés dans le cadre de la CPTS, je l’intéresse intellectuellement. » Attention cependant, s’investir dans, ou encore plus à la tête d’une CPTS, cela nécessite d’y consacrer du temps. « Une CPTS qui fonctionne, ça vous occupe au moins deux soirs par semaine, il faut aimer. Cela dit, c’est très valorisant pour les équipes, pour les gens qui se rencontrent. On a par exemple organisé une soirée sur le thème des biosimilaires, on a fait tomber toutes les difficultés de compréhension qui existaient entre les professionnels sur ce sujet. Cela instaure un climat de confiance, cela rend les échanges plus fluides et c’est très agréable au quotidien. » La CPTS permet aussi aux futurs professionnels de santé, encore étudiants, d’apprendre à travailler avec ceux qui exerceront une autre profession de santé. À titre de preuve, Éric Myon raconte cette anecdote, tirée de son quotidien. « Les stagiaires qui viennent dans la CPTS peuvent passer un jour à la pharmacie, un jour dans le cabinet d’un généraliste, un autre chez un spécialiste… Une fois, un interne en cardiologie a passé une journée dans mon officine, une patiente est venue pour des bas de contention et il a été intrigué par la présence d’un œdème. Cette dame était en situation de décompensation cardiaque, elle a finalement été opérée dès le lendemain grâce à l’intervention de cet interne. » Peut-être la preuve définitive que les professionnels de santé ont tout intérêt à se côtoyer et à apprendre les uns des autres.
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