La pharmacie serait-elle plongée dans l’immobilisme ? « Le nombre de mutations de fonds est en décroissance dramatique », signale Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo, qui observe ce phénomène depuis quelques années et l’explique en partie par le manque de mobilité des pharmaciens. « Par ailleurs, il est vrai que, petit à petit, les fonds de commerce des pharmacies disparaissent au profit des pharmacies en sociétés. Un constat qu’il convient de prendre avec précaution, mais qui se vérifie avec le cumul du nombre de mutation de fonds de commerce et le nombre de mutation significative de parts sociales », précise-t-il.
Jusqu’à présent ce processus de vases communicants fonctionnait. Ainsi, en 2014, l’augmentation du nombre de mutations de parts sociales avait compensé la diminution du nombre de cessions de fonds. L’année 2015 a marqué un nouveau tournant. « Le prévisionnel n’est pas bon pour cette année. On est à peu près sûr aujourd’hui qu’il va y avoir une diminution de la mobilité professionnelle, tout scénario confondu », affirme Luc Fialletout. D’où l’urgence de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération. Le directeur d’Interfimo n’en reste pas moins optimiste : « La nature va reprendre ses droits. » Comment pourrait-il en être autrement quand, dans dix ans, le nombre de titulaires âgés de soixante ans et plus aura été multiplié par deux ?
Un nouveau contrat social
Cependant, comment mettre le pied à l’étrier d’adjoints alors que le climat plutôt anxiogène de la pharmacie, est peu incitatif à l’installation ? L’ouverture du capital est une troisième voie qui mérite d’être exploitée. « Il faut pour cela rassurer les adjoints sur la prééminence de leur contrat de travail, même s’ils accèdent au statut d’associé, même s’ils accèdent au statut de mandataire social », conseille Luc Fialletout. Il préconise la créativité pour donner envie aux jeunes de se lancer. Il en va de la tonicité d’une profession. Dans ces conditions, pourquoi ne pas puiser dans la caisse à outils de l’ingénierie sociale, s’intéresser aux ouvertures permises par la loi Macron, penser à la distribution d’actions… « Il y a tant de choses intéressantes sur lesquelles travailler », affirme-t-il. Les pharmaciens sont invités à dépasser leur pré carré et à s’inspirer de modèles en cours dans d’autres professions.
Au rang de ces solutions, l’instauration de holdings, utilisée de temps à autre par les gros cabinets d’experts comptables. Elle n’a pas pour objectif de préparer à terme la sortie d’associés. « On ne crée pas une holding pour financer tout de suite l’entrée ou la sortie d’associés, mais en préventif, en faisant coiffer la SEL par une holding, qui va pendant plusieurs années, aspirer la rentabilité sans frottements fiscaux », expose le directeur général adjoint d’Interfimo. Le montage a pour but de regrouper les dividendes, faisant de la holding une sorte de « cagnotte » qui permettra, le moment venu, de financer tout ou partie de la sortie d’un associé.
Extension du domaine officinal
Ces nouveaux champs du possible supposent cependant une mutation des mentalités. « Il n’est pas dans la culture des titulaires d’associer les jeunes collaborateurs », objecte Luc Fialletout, citant en exemple les cabinets d’avocats. Cette pratique, qui fait partie intégrante de cette profession de juristes, a pour objectif de conserver au sein de la structure des professionnels prometteurs. « Je pense que dans la pharmacie, il y aura à un moment ou un autre une évolution des comportements car c’est de l’intérêt de tous de transformer des collaborateurs de grande qualité en associés, en leur permettant de monter petit à petit au capital, comme cela se fait dans d’autres professions », croit Luc Fialletout.
Cette transition générationnelle ne saurait toutefois faire l’économie de nouveaux montages juridiques « dans un cadre légal » et dans le respect du « monopole de propriété ». Il ne s’agit pas, selon le directeur général adjoint d’Interfimo, de faire émerger des succursales ou des filiales qui créeraient une hiérarchie entre pharmacies mères et pharmacies filles, mais bien de se projeter dans « une seule et même structure juridique qui puisse détenir plusieurs fonds de pharmacie ». Une nouvelle fois il invite les pharmaciens à se tourner vers l’exemple de professions qui fonctionnent déjà avec des structures comportant plusieurs associés. Il cite en référence les cabinets de radiologie. « Il n’y a qu’une seule société, mais plusieurs lieux d’exercice, chacun sous la responsabilité d’un associé », définit-il.
D’après lui, ce modèle de société d’exercice libéral pouvant détenir plusieurs fonds n’a rien de révolutionnaire dans la pratique d’une profession libérale réglementée. Il permet de « dépatrimonialiser plutôt que de mutualiser la patrimonialité des associés, en dehors de la pharmacie dont ils ont la responsabilité ». Cette approche juridique se traduit sur le terrain par une plus grande souplesse, mais aussi davantage d’équité entre les associés. Pourvu que des limites soient posées en terme de nombre de fonds et de zones géographiques. Ainsi, ce modèle permettrait de regrouper, de fermer une officine ou d’en limiter les horaires d’ouvertures, sans pénaliser l’associé qui gère l’officine concernée.
D’après lui, ce modèle de société d’exercice libéral pouvant détenir plusieurs fonds n’a rien de révolutionnaire dans la pratique d’une profession libérale réglementée. Il permet de « dépatrimonialiser plutôt que de mutualiser la patrimonialité des associés, en dehors de la pharmacie dont ils ont la responsabilité ». Cette approche juridique se traduit sur le terrain par une plus grande souplesse, mais aussi davantage d’équité entre les associés. Pourvu que des limites soient posées en terme de nombre de fonds et de zones géographiques. Ainsi, ce modèle permettrait de regrouper, de fermer une officine ou d’en limiter les horaires d’ouvertures, sans pénaliser l’associé qui gère l’officine concernée.
Sans parler des avantages financiers. Car, rappelle Luc Fialletout, « plusieurs fonds sous une seule structure juridique, cela signifie un seul employeur, un seul stock, une seule trésorerie, et quand il y a besoin de restructurer le réseau dans une zone délimitée, cela permet de limiter la casse pour le pharmacien qui a la malchance d’être le titulaire de la mauvaise affaire ». Cette option mérite en tout cas d’être étudiée, alors que différents modèles économiques de la pharmacie de demain font actuellement l’objet de réflexion.
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