Le Quotidien du Pharmacien. - Très régulièrement, le débat sur la rémunération du pharmacien revient sur le devant de la scène. Cependant, les professionnels et leurs représentants, le ministère de la Santé et les experts-comptables semblent utiliser des concepts bien différents pour déterminer ce que gagne en moyenne un pharmacien d’officine ! Comment appréhendez-vous cette question en tant qu’experts-comptables ?
Philippe Becker. - Il faut reconnaître que le sujet n’est pas simple sur un plan pratique, d’autant qu’il prend rapidement un tour politique. Récemment la question était de savoir à partir de quel niveau de revenu un foyer de citoyens français était riche ! Là aussi de quel revenu parlait-on ? Salaire brut, salaire net, avant ou après impôt ? Outre l’aspect assez tabou de ce type de discussion dans notre pays, la façon dont chacun de nous aborde ce type de question varie beaucoup selon sa sensibilité politique ou simplement du fait qu’il est lui-même questionné sur son propre revenu. Il est probable que la complexité de la mesure du revenu vient du fait que l’on aime évoquer celui des autres mais pas le sien !
En ce qui concerne le pharmacien peut-on dire que l’excédent brut d’exploitation (EBE) est ce qui, en matière de rémunération, se rapproche le plus de la réalité ?
Christian Nouvel. - En effet, tout part de ce concept d’EBE lorsque l’on parle de l’officine ! Disons de manière prosaïque que l’EBE est la gare de départ qui nous amènera à la gare d’arrivée qui est la rémunération. Ce concept n’est pas parfait mais il permet d’expliquer parfaitement ce que peut espérer gagner mensuellement un chef d’entreprise. Rappelons que pour obtenir l’EBE, on soustrait du chiffre d’affaires (ventes et prestations) l’ensemble des charges directes de la pharmacie (les achats, les frais fixes et les frais de personnel). Le montant obtenu donne deux indications importantes : il permet la comparaison de la rentabilité brute entre pharmacies de même type et surtout il indique si les équilibres financiers sont atteints.
Pourriez-vous préciser la nature de ces équilibres ?
Philippe Becker. - L’excédent brut d’exploitation doit assurer le paiement du remboursement des emprunts (capital et intérêts), de l’impôt sur les sociétés et sur le revenu professionnel, de la variation positive des besoins en fonds de roulement (augmentation du stock, par exemple) et enfin le solde dégagé doit être suffisant pour payer chaque mois le ou les titulaires avec leurs charges sociales obligatoires et facultatives. Compte tenu du fait que cet équilibre doit être impérativement réalisé, la rémunération nette perçue par le pharmacien devient par essence le résultat d’une soustraction et non pas d’une décision prise au doigt mouillé à l’avance.
Christian Nouvel. - C’est d’ailleurs ce calcul que tous les experts-comptables font lors de l’élaboration du budget prévisionnel d’acquisition ou d’investissement pour vérifier ce que pourra être la rémunération du titulaire. Le chiffre ainsi déterminé est la clé de la décision finale !
Ce qui veut dire qu’une fois l’emprunt remboursé, le titulaire peut augmenter sa rémunération d’une manière équivalente ?
Philippe Becker.- C’est à peu près cela ! Mais avant ce moment, il doit un peu se serrer la ceinture tout en sachant qu’il capitalise ses efforts puisque chaque mensualité augmente la valeur de son patrimoine professionnel !
Pourquoi la rémunération n’a-t-elle rien à voir avec le bénéfice net !
Christian Nouvel. - Parce qu’il s’agit d’un tout autre concept ! Le bénéfice net comptable peut être calculé à partir de l’EBE. Il est égal à l’EBE auquel on soustrait les intérêts des emprunts, la dotation aux amortissements et aux provisions, ainsi que la rémunération du titulaire s’il est en société à l’impôt sur les sociétés, ses charges sociales personnelles et bien sûr l’impôt sur les sociétés lui-même. Le bénéfice net permet d’arriver au bénéfice fiscal qui sert de base pour le calcul de l’impôt sur les sociétés.
Pourriez-vous revenir sur la différence entre bénéfice fiscal et bénéfice net comptable ?
Philippe Becker. - Certaines charges sont déductibles comptablement mais ne le sont pas fiscalement.- par exemple les amendes ou contraventions, certains frais liés aux véhicules non utilitaires, l’impôt sur les sociétés… Bref il y a quelques distorsions mais, en général, dans une officine le bénéfice net comptable est proche du bénéfice fiscal.
Quel est le mode de calcul adopté pour les dotations aux amortissements et provisions ?
Christian Nouvel. - Pour la dotation aux amortissements, il s’agit de faire une réserve d’argent chaque année qui ne peut être utilisée ni pour la rémunération du ou des titulaires, ni pour une distribution de dividendes. Un investissement s’use dans le temps et il faut le remplacer. D’une certaine manière cette dotation aux amortissements est une épargne forcée puisque calculée sur la valeur d’achat divisée par le nombre prévisionnel d’années d’utilisation, elle permettra le remplacement d’un robot ou d'une croix verte, par exemple !
Philippe Becker. - La dotation aux provisions qui vient en déduction du bénéfice net comptable est là pour anticiper une probable dépense ou une perte : litige avec un salarié ou produits périmés à détruire.
Vous avez évoqué la distribution de dividendes dans les sociétés. Comment est–elle calculée ?
Christian Nouvel. - Pour faire une distribution de dividendes, il faut une première condition, soit un bénéfice net comptable en fin d'exercice, soit des sommes non encore distribuées mises en réserve les années précédentes. Au-delà, il faut une trésorerie suffisante pour ne pas détériorer la situation financière de l’officine. En général, il faut attendre plusieurs années d’exercice pour commencer à distribuer des dividendes compte tenu du poids des emprunts.
À ce terme, les dividendes pourront donc être donc considérés comme une rémunération complémentaire !
Philippe Becker. - C’est la rémunération du capital investi, du risque pris par le ou les pharmaciens qui auraient pu placer leurs apports sur un contrat d’assurance tout en restant adjoint. C’est différent de la rémunération « travail » qu’ils perçoivent tous les mois et qui généralement est basée sur le temps de présence des co-titulaires. Les dividendes sont calculés en tenant compte de la part du capital de chaque associé. Donc, on le voit ici, s’il y a plusieurs approches sur la notion de rémunération, il reste que celle-ci est toujours la résultante des équilibres financiers d’une officine.
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