Titulaire dans le Loir-et-Cher, Guy Martineau, 93 ans dont plus des deux-tiers consacrés à l'exercice officinal, alerte sur les périls qui menacent la pharmacie et ne cache pas son pessimisme quant à l'avenir de la profession.
Réagissant à l'interview donnée en septembre par Bruno Belin, titulaire à Monts-sur-Guesnes, sénateur de la Vienne, à la revue de l'Ordre des pharmaciens, « Tous pharmaciens », son confrère Guy Martineau ne peut que rejoindre les inquiétudes de l'élu au sujet des pénuries croissantes de médicaments et de la situation sanitaire de la France. « Je suis confronté quotidiennement au manque de médicaments, Diprostène, Flécaïne, antibiotiques, corticoïdes, abiratérone… », déplore le pharmacien.
Ce constat est partagé par la majorité de la profession, mais Guy Martineau n'est pas n'importe quel pharmacien. À 93 ans, il est le doyen des officinaux en activité. 66 ans qu'il exerce son art à Saint-Aignan-sur-Cher, commune du Loir-et-Cher dont il a été maire pendant 30 ans. « Je n'ai jamais connu un tel phénomène de ruptures. Apparu dans cette densité, il y a environ deux ans, il me laisse sans voix devant mes patients qui m'interrogent sur les causes de ces pénuries et, parfois même, pourraient venir à douter de ma capacité à bien gérer mes stocks », confie-t-il au « Quotidien du pharmacien ». Guy Martineau tient à préciser son analyse de la situation : « Les ruptures de stocks résultent d'une décentralisation des industries du médicament hors de l'Hexagone qui n'ont cure de la volonté de l'État français, et préfèrent vendre leurs produits au plus offrant. Or la France compte parmi les pays où le médicament est le moins cher. »
Le titulaire de Saint-Aignan-sur-Cher pointe le désarroi des pharmaciens qui ne peuvent plus soulager leurs patients, et dont l'arsenal thérapeutique ne cesse de s'appauvrir. « Même pour une rage de dents, je n'ai plus les moyens de soulager mes patients, alors même qu'il n'y a plus de dentistes ! », dénonce-t-il. Guy Martineau s'alarme des déserts médicaux que sa femme, médecin à Saint-Aignan pendant 35 ans, décédée en 1993, « n'a jamais connus ». Selon lui, si on n'y prend garde, les déserts pharmaceutiques gagneront aussi le territoire. Déjà, affirme-t-il, un certain relâchement du maillage territorial se ressent. Dans son département, mais aussi à Saint-Aignan où sur les trois pharmacies, il n'en reste plus que deux aujourd'hui. « Et encore, on voulait aussi racheter mon officine pour effectuer un regroupement », s'emporte-t-il. Mais c'était mal connaître celui dont la devise est « Pour durer, il ne faut jamais s'arrêter ! ».
Fort de sa longue expérience, Guy Martineau a toute légitimité à porter ce regard amer sur l'évolution funeste de la profession. Selon lui, ce déclin des conditions de l'exercice officinal participe d'un anéantissement plus général, celui de notre civilisation, auquel il dit assister, résolument pessimiste quant à l'avenir des jeunes générations.
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