Si le seul chiffre d’affaires permettait de déterminer la bonne santé d’un secteur, on pourrait aisément parler d’une forme resplendissante pour la pharmacie d’officine. Après des années à plafonner à plus ou moins 36 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le secteur a bondi à 38 milliards d’euros en 2021. Et le cumul mobile annuel arrêté à fin août 2022 confirme la tendance : 41 milliards d’euros (hors produits à TVA 0 %). Un chiffre d’affaires qui provient principalement de la délivrance sur prescription de ville bien que celle-ci soit en recul, passant de 53,4 % des parts de marché en 2020 à 50,5 % en 2022 (-2,9 points), au profit de la délivrance sur prescription hospitalière qui elle gagne 2,8 points pour s’établir à 29,5 %. La part du conseil reste stable à 20 % (+ 0,1 point).
Le marché global du médicament remboursable se porte très bien, avec une progression de 11 % sur les huit premiers mois de l’année (achats par les officines), en augmentation de 20 % depuis 2019 (comparaison des cumuls fixes à fin août 2019-2022). Une hausse que Patrick Oscar, délégué général du GIE GERS et directeur général du GERS Data, attribue en grande partie à « la sortie de nouveaux produits chers » et aux « médicaments prescrits à l’hôpital et délivrés en ville qui sont eux aussi chers ». De fait, entre 2017 et aujourd’hui, le nombre de médicaments chers (PFHT supérieur à 1930 euros) délivrés à l’officine a explosé, passant de 65 à 181 présentations (+ 231 % des unités délivrées). Si le volume dispensé reste marginal (moins de 0,1 % des délivrances à l’officine), leur part dans le chiffre d’affaires est loin de l’être (22 %). Le chiffre d’affaires de ces médicaments a ainsi été multiplié par quatre, passant de 1,16 million d’euros en 2017 à 4,51 millions d’euros en 2022 (cumul mobile annuel à fin juillet). Or, rappelle David Syr, la marge sur les médicaments onéreux « est plafonnée à 97,60 euros », donc avec un poids de 22 % sur le chiffre d’affaires, « le taux de marge sur le remboursable va avoir tendance à diminuer ». C’est pourquoi, « il est vital pour le réseau de raisonner autrement que par le chiffre d’affaires ».
Retour des pathologies et des moustiques
Sur les huit premiers mois de l’année, le chiffre d’affaires global progresse de 9 % par rapport à la même période l’an dernier (de 15 % vs 2020 et de 14 % vs 2019), porté en particulier par la prescription hospitalière (+ 14 %), par les produits conseil (+ 12 %) et dans une moindre mesure par la prescription en ville (+ 4 %). Néanmoins, note David Syr, directeur général adjoint de GERS Data, la croissance de la part du conseil a fortement ralenti cet été, en particulier depuis la mi-août, tombant à + 1 %. Parmi les hypothèses envisagées, « l’inflation et les hausses de prix » occupent une place de choix.
Pourtant, face à une marge grignotée par la place gagnée par les médicaments chers, « l’enjeu est de trouver comment faire le relais sur le conseil et en particulier sur la santé familiale et la nutrition », ce segment affichant « une très forte croissance cette année » : + 15 % en cumul fixe à fin août après deux années à + 1 %. Un résultat soutenu par le retour des pathologies hivernales, les allergies et… les moustiques. Ainsi, les deux premières classes de produits contribuant à la croissance cet été sont les répulsifs (+ 34 %) et les soins des piqûres (+ 28 %).
Envolée de prix
Cependant, le GERS ne cache pas son inquiétude face à l’inflation. En partant d’une base 100 en janvier 2020, il remarque que les prix de ce segment ont gagné deux points en début d’année et note surtout « une envolée depuis l’été », avec une augmentation de trois points au mois d’août. « Il y a encore un effet stock avec les achats réalisés avant la hausse des prix, mais nous allons suivre l’évolution pour évaluer l’impact sur le patient et sur son accompagnement dans la prise en charge de sa santé au quotidien », promet David Syr. D’autant que cette envolée est particulièrement marquée sur les laits infantiles, « un bien de première nécessité qui subit le fort impact de l’inflation sur les matières premières ».
L’inflation n’épargne pas le segment de la dermocosmétique. « Le gros enjeu de la rentrée c’est de savoir comment juguler cette augmentation des prix. D’autant que la pharmacie va devoir raisonner sa marge du fait de la baisse du taux de marge sur le médicament remboursable et utiliser le conseil comme relais de croissance », insiste David Syr. Mais entre l’augmentation des prix annoncés par les industriels et la hausse de la main-d’œuvre, il se demande « comment les répercuter sur le prix de vente et quel sera l’impact sur les volumes ? » Pour l’heure, le marché de la dermocosmétique affiche une progression de 13 % sur 2022, en partie grâce aux solaires qui enregistrent « une année magique » à + 38 %.
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