Premier à tirer la sonnette d’alarme, Pierre-Olivier Variot s’inquiétait déjà, tout début novembre, d’une vaccination antigrippale en recul une dizaine de jours après le début de la campagne. Immédiatement, le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) avait appelé à « la mobilisation de l’ensemble des forces de communication institutionnelle » et à « la proactivité de l’ensemble des professionnels de santé pour convaincre ». Face à l’inertie, il était revenu plusieurs fois à la charge. Le 25 novembre, il prévenait : « Ça va flamber ! Mais il n’est pas trop tard pour se faire vacciner. Il faut rattraper le retard sinon ça va être dramatique. J’appelle les pouvoirs publics à relancer une véritable communication en faveur de la vaccination contre la grippe. »
L’appel aurait-il enfin été entendu ? Depuis le 28 novembre, les prises de paroles se succèdent pour relancer les campagnes vaccinales de la grippe et du Covid. Car la situation épidémique se dégrade pour les deux pathologies alors que la bronchiolite sévit toujours, avec une intensité record, chez les moins de 2 ans et pèse fortement sur les services pédiatriques. Les pouvoirs publics ont lancé le mot d’ordre : mobilisation générale !
9e vague de Covid
Concernant le Covid-19, le ministère de la Santé s’inquiète d’une hausse des contaminations sur tout le territoire et dans toutes les tranches d’âge, associée à l’expansion du nouveau sous-variant d’Omicron BQ.1 et de son sous-lignage BQ.1.1 alors même que les hospitalisations, notamment en soins critiques, restent élevées. Or la campagne de rappel vaccinal lancée le 3 octobre, ciblant les plus fragiles (60 ans et plus, immunodéprimés, personnes à risque de Covid grave) et les personnes à leur contact régulièrement, n’a pas eu le succès escompté. Depuis cette date, 2 millions de Français ont reçu un nouveau rappel de vaccin contre le Covid, dont 1,8 million un vaccin bivalent adapté. Le ministère estime que seulement 21 % des 80 ans et plus et 37 % des 60-79 ans sont « suffisamment protégés », grâce à un rappel vaccinal intervenu trois mois après la précédente injection pour les premiers, et six mois après pour les seconds.
Des taux particulièrement bas alors que la 9e vague de Covid s’apprête à déferler. « À l’heure où je vous parle il n’y a que 20 % de la population concernée qui est à jour de ses rappels de vaccination contre le Covid, c’est bien trop peu », déplorait Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres du 29 novembre. Une inquiétude partagée par la Première ministre, Élisabeth Borne, martelant le même jour devant les députés que « l’épidémie n’a pas disparu, le virus tue encore et frappe encore ». Preuve en est, a souligné Brigitte Autran, présidente de Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS), « il y a encore 1 000 personnes en soins critiques pour Covid en France », principalement des personnes fragiles qui auraient dû recevoir un rappel vaccinal. Sans même parler des décès, autour de 350 par semaine.
Épidémie de grippe
Quant à la grippe, deux régions métropolitaines sont officiellement entrées en phase épidémique (Bretagne et Normandie) le 30 novembre. L'épidémie est déjà installée à Mayotte, la Martinique et la Réunion. Et six autres ne devraient pas tarder à les rejoindre (Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur). Le taux d’incidence a bondi la semaine précédente (+51 %), tout comme le taux de passage aux urgences et celui des hospitalisations pour grippe. Une tendance qui touche, là encore, toutes les classes d’âge. Or le retard important de la campagne vaccinale par rapport aux années précédentes pourrait être lourd de conséquences s’il n’est pas rattrapé. Lancée le 18 octobre dernier, la campagne s’était pourtant montrée prometteuse les 5 premiers jours, avec une hausse des doses vaccinales délivrées par rapport à 2021. Mais aujourd’hui, le recul est net : -13 % de doses dispensées, -11 % chez les 65 ans et plus et -20 % chez les moins de 65 ans. Le nombre de vaccins contre la grippe administrés en pharmacie faiblit en revanche beaucoup moins : -1,7 % au 29 novembre.
« Cela montre que les pharmaciens font le job en termes de promotion de la vaccination antigrippale et de recrutement des personnes ciblées ; et que les Français apprécient l’accès facilité à la vaccination en pharmacie », remarque Pierre-Olivier Variot. Ce sont près de 16 500 pharmacies qui vaccinent contre la grippe sur les 20 300 officines françaises. Des chiffres que saura apprécier Agnès Firmin-Le Bodo, pharmacienne et ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé. Lors de la cérémonie célébant les 100 ans de la Maison des pharmaciens, le 29 novembre dernier, elle a rappelé aux confrères leur rôle essentiel pour convaincre les plus fragiles de l’importance de se faire vacciner contre la grippe et contre le Covid. Pour améliorer la couverture de la vaccination contre la grippe, Pierre-Olivier Variot propose de diminuer l’intervalle de temps entre l’envoi des bons de vaccination à la population cible et le début de la campagne. « C’est dommage de refuser un vaccin à quelqu’un qui vient de recevoir son bon, au risque qu’il oublie ensuite de se faire vacciner. » Il aimerait également que la campagne soit lancée plus tôt à l’automne et que la priorisation aux seules personnes ciblées le premier mois de la campagne soit levée. « Parce que là encore, c'est dommage de refuser de délivrer un vaccin. »
2e, 3e ou 4e rappel anti-Covid
La menace d’une triple épidémie bronchiolite-grippe-Covid est donc réelle. Au point d’inciter le ministère de la Santé à battre le rappel pour une mobilisation générale et maximale avant les fêtes de fin d’année et la multiplication des rencontres intergénérationnelles. La population ciblée par la vaccination antigrippale et par le rappel vaccinal contre le Covid-19 est appelée à prendre rendez-vous au plus vite. Le gouvernement compte également sur leur entourage pour les convaincre, ainsi que sur leurs professionnels de santé. « À ce titre nous rappelons que toute personne dans la cible dont l’injection précédente date de 6 mois ou plus (ou 3 mois pour les 80 ans et plus) est concernée par un rappel, peu importe qu’il s’agisse d’un 2e, d’un 3e ou d’un 4e rappel, car la protection conférée par le vaccin baisse avec le temps. »
D’autant, insiste le ministère, qu’il n’y a aucun problème en termes de disponibilité des vaccins contre le Covid. Les stocks de l’État comptent 15,7 millions de doses de vaccins bivalents de Moderna et Pfizer-BioNTech, « largement assez pour la campagne de rappel », sans compter les doses « prépositionnées dans les établissements congélo-porteurs ». À cela s’ajoutent 30,3 millions de doses de vaccin à ARN monovalent, 7,2 millions de doses de Pfizer pédiatrique et 27 000 doses du vaccin de Novavax. Un autre vaccin sera proposé vers la mi-décembre : le Vidprevtyn Beta de Sanofi-GSK, dont la France a sécurisé un stock de 2,7 millions de doses (sur une commande totale de 19,6 millions de doses).
Disponibilité de l'offre
« La grande majorité de la campagne de rappel se déroule en ville (95 %), surtout en officine, mais aussi par le biais des médecins et des infirmiers. Sur un total de 2 millions de rappels effectués depuis le 3 octobre, 1,6 million d’injections ont été réalisées en pharmacie (80 %). Depuis la fermeture de la plupart des centres de vaccination, nous mesurons en permanence la disponibilité de l’offre : 95 % des Français ont une offre de vaccination à moins de 5 km de chez eux. Les professionnels de santé sont mobilisés, ils passent des commandes régulières sur le portail dédié et ils sont désormais livrés rapidement », ajoute le ministère de la Santé.
Les populations ciblées par les vaccinations grippe et Covid étant sensiblement les mêmes, il leur est proposé de réaliser les deux injections en même temps, une dans chaque bras. Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la question sont souples : il est possible de faire ces vaccinations de manière concomitante ou avec un écart de quelques jours, selon les préférences de la personne concernée, sans conséquence en termes d'efficacité ou de sécurité. Au 29 novembre, 337 000 Français ont fait ce choix (contre 284 000 sur la même période l’an dernier). Écartant toute obligation à ce stade, les autorités appellent par ailleurs à la responsabilité de chacun dans l’usage des gestes barrières et notamment l’utilisation des masques de protection en population générale.
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