Depuis quatre longues semaines désormais, l'Ukraine et sa population sont sous le feu des bombardements russes. Tandis que certaines villes, assiégées, voient leurs habitants pris en otage dans des conditions sanitaires toujours plus dramatiques. Les pharmaciens français ont réagi immédiatement à ce drame qui se nouait aux portes de l'Union européenne. En coopération avec des associations d'Ukrainiens en France, l'ambassade d'Ukraine et des représentants d'ONG sur place, la profession a organisé une aide à la mesure de ses compétences : l'acheminement de produits de santé et de soins.
La partie médicament, impossible à gérer en direct selon les textes réglementaires par des pharmaciens d'officine, a été prise en charge par Tulipe. Plus de 20 tonnes de médicaments ont déjà été envoyées par l'association, créée par l’organisation professionnelle des entreprises du médicament (LEEM). Sirops, antalgiques forts, dont de la morphine, cathéters, antiasthmatiques et anti-inflammatoires, crèmes contre les brûlures ont ainsi été offerts par des laboratoires pharmaceutiques à des établissements de santé en plein désarroi. Des dons des laboratoires ont également été collectés par Sami Tayb-Boulahfa et son association PHARMA Solidaires. « Il y a une très forte mobilisation de la part des industriels, mais aussi des grossistes. Les laboratoires se sont particulièrement investis. J'ai également été contacté directement par deux pharmaciens et par des patients », précise le jeune docteur en pharmacie, aujourd'hui interne en médecine. Avec des bénévoles qui travaillent à ses côtés, il a envoyé par camion pas moins de 32 palettes (soit environ 9 tonnes), distribuées à des hôpitaux et des orphelinats ukrainiens. Des dispositifs médicaux, du matériel d'orthopédie, du lait infantile et des produits d'hygiène de base ont ainsi pu être donnés à des habitants. Pour acheminer des produits sur place, l'association s'est notamment rapprochée des Scouts ukrainiens de France.
Du jamais vu
Les envois de matériel médical et de produits de soins, assurés par diverses organisations d'officinaux, affluent sur le sol ukrainien. Face à la tragédie et au caractère d'urgence, toutes ont dépassé leurs différences pour s'élancer au secours du peuple ukrainien. « Quand nous sommes arrivés sur place, nous avons compris pourquoi nous étions là », lâche sobrement Patrick Angelvy, secrétaire général de Pharmaciens sans frontières 94 (PSF 94). Son organisation a rallié la ville de Lviv au nord-ouest de l’Ukraine avec plusieurs véhicules chargés à ras bord de compresses, de pansements, de bandes Nylex, Velpeau et d'autres dispositifs de soins.
Grâce à la mobilisation de ses antennes départementales, Pharmacie humanitaire internationale (PHI) a organisé le départ d'une dizaine de camions de plusieurs villes de France (Bourges, Lyon, Auch, Carpentras…) pour apporter du matériel médical en Ukraine, mais aussi dans les pays limitrophes où se sont réfugiées des centaines de milliers de civils fuyant la guerre. « Nous n'avions jamais vu une telle mobilisation des pharmaciens pour une cause, On a vraiment le sentiment que tout le monde se sent concerné », souligne Alain Berthon, président de PHI. Depuis que la guerre a éclaté, des hôpitaux ukrainiens et des correspondants de PHI basés en Pologne, en Roumanie ou encore en Moldavie, ont reçu des pansements, des gants, des fils de suture, du matériel de première urgence, des compresses, des seringues, des produits d'hygiène…
Prévoir le long terme
PHI a également mis en place une collecte de fonds, car si la situation de l'Ukraine appelle une réponse urgente, on doit d'ores et déjà réfléchir sur le long terme. « Il ne faut pas se précipiter car ça va durer longtemps. Même si la guerre s'arrêtait aujourd'hui, il y aurait tellement de reconstruction à mener, notamment au niveau des hôpitaux, qu'il y aurait besoin de dons pendant au moins plusieurs mois. L'argent collecté permet d'assurer la suite, c'est ainsi que beaucoup d'associations raisonnent aujourd'hui. Parce qu'on est bien sûr conscient que la mobilisation et la couverture médiatique risquent de s'essouffler au bout d'un certain temps », explique le président de PHI.
Collecter de l'argent permet aussi de mieux calibrer les dons envoyés là-bas. En effet, une fois sur place, il arrive que le matériel envoyé soit inadapté ou en excédent, comme c'est le cas avec les vêtements qui sont désormais refusés par de nombreuses associations. « Que ce soit avec la profession ou avec les particuliers, l'appel au financement est bien passé. En revanche, c'est parfois plus compliqué de faire comprendre pourquoi nous ne pouvons pas récupérer de médicaments, y compris auprès des pharmaciens », explique Alain Berthon. PHI doit organiser dans les prochains jours l'envoi de plusieurs autres camions et bus dans l'est de l'Europe. Des véhicules qui arrivent remplis de matériel et qui, au retour, permettent parfois de transporter des réfugiés ukrainiens vers la France.
Car les populations déplacées ont, elles aussi, besoin d'aide. L'Organisation des Nations unies (ONU) estimait lundi que près de 3,5 millions d'Ukrainiens avaient quitté leur pays. Un exode qui n'a pas échappé au fondateur de PHARMA Solidaires. Pour Sami Tayb-Boulahfa, il n'est désormais plus question seulement d'aider la population restée sur place. « On se reconcentre progressivement sur les centres d'hébergement qui accueillent des réfugiés ukrainiens en France. Nous travaillons déjà avec l'Armée du Salut en Bretagne et avec la mairie de Paris, auxquelles ont pu être donnés des équipements de protection individuels contre le Covid, des masques, du gel hydroalcoolique… détaille Sami Tayb-Boulahfa. Quand on voit le nombre de personnes qui ont quitté l'Ukraine et sont déjà en France, quand on pense à toutes celles et ceux qui vont encore arriver… Ce sera un travail de longue haleine. »
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