La répartition pharmaceutique s’est particulièrement illustrée pendant la crise du Covid-19. Comme à l’officine, les grossistes-répartiteurs ont dû gérer une « incroyable suractivité » suivie d’une « sous-activité chronique », le tout ponctué de missions inhabituelles auxquelles ils ont répondu au pied levé. Premier défi : sécuriser leurs 10 000 salariés par de stricts protocoles sanitaires, non seulement pour les protéger mais aussi pour garantir la continuité de l’activité. « C’est-à-dire qu’on a fait l’inverse de ce qu’a fait Amazon », sourit Hubert Olivier, vice-président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) et président d’OCP.
En contact permanent avec les autorités de santé telles que la Direction générale de la santé (DGS) ou la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et les services du ministère de la Santé, les représentants de la répartition pharmaceutique ont non seulement apporté des solutions à de nombreuses problématiques logistiques, mais ont aussi réussi à se faire connaître et reconnaître en tant que spécialistes de « la logistique de l’immédiateté ». Ils ont ainsi répondu présent aux appels à l’aide des agences régionales de santé (ARS) cherchant à distribuer des équipements de protection dans les établissements de santé, tout comme ils ont su mettre en place un dispositif pour transférer les médicaments hospitaliers des pharmacies à usage intérieur (PUI) vers les pharmacies d’officine choisies par les patients. « Nous avons géré plus de 10 000 situations individuelles », note Hubert Olivier.
Gestion des risques
Ce sont aussi les grossistes-répartiteurs qui ont repris la main sur la distribution des stocks d’État de masques dans les officines après l’échec cuisant de Geodis. « Dès qu’on a suivi le circuit dépositaire-répartition-officines, on n’en a plus entendu parler dans la presse, le sujet était sous contrôle », se souvient Hubert Olivier. À fin septembre, ce sont plus de 600 millions de masques qui sont passés entre les mains des grossistes-répartiteurs. Outre les masques, les grossistes-répartiteurs ont choisi d’aller « au-delà » de leurs obligations de service public, en constituant des stocks pour gérer les risques sur des produits sensibles et en étant en contact permanent avec les laboratoires pour anticiper toute tension ou rupture d’approvisionnement. « Il y a finalement eu assez peu de ruptures de médicaments, alors que c’était l’une des très grandes craintes en début de crise », souligne le vice-président de la CSRP.
Au final, même si rien n’a été simple, les répartiteurs peuvent se targuer d’avoir répondu à toutes les demandes en jouant de leur implantation partout sur le territoire et d’avoir contribué à la mobilisation de toute la chaîne du médicament. Une implication qui n’est pas passée inaperçue aux yeux des pouvoirs publics. Le 17 septembre, un arrêté de marge est paru au « Journal officiel ».
« Une première marge de durée de vie courte, pour octobre, novembre, décembre et janvier, va avoir un impact d’environ 30 millions d’euros dans le but de compenser les pertes dues au Covid-19 pour la répartition », explique Hubert Olivier. Puis une nouvelle marge entrera en vigueur au 1er février prochain, et devrait apporter un ballon d’oxygène de 40 millions d’euros la première année, puis 30 millions d’euros les années suivantes. « C’est un début de bonne nouvelle, une décision qui a probablement été accélérée par ce que la répartition a pu faire pendant la crise, mais c’est notoirement insuffisant », rappelle le président d’OCP. Depuis 2017, en effet, les pertes de la répartition ne font que s’accroître : 23 millions d'euros en 2017, 46 millions en 2018, 65 millions en 2019. Et le prévisionnel pour 2020 était de 100 millions d’euros.
« Avec cette nouvelle marge on reprend un peu d’espoir, mais il serait dramatique que les pouvoirs publics s’arrêtent là. » Hubert Olivier évoque trois mesures pour remettre la répartition pharmaceutique à flots : un forfait pour les produits froids, une révision de la taxe ACOSS* qui s’élève actuellement « à 150 % du résultat d’exploitation » et un relèvement du plafond des produits chers à environ 40 euros. Pour rappel, Hubert Olivier indique qu’en décembre 2019, les pouvoirs publics avaient proposé une nouvelle marge permettant d’apporter 40 millions d’euros à la répartition… mais en prenant au passage 60 millions d'euros sur la marge à l’officine. « On a publiquement dit que c’était hors de question, et cela n’a pas été facile de refuser 40 millions d’euros vu notre résultat d’exploitation. »
Un plan vert pour la distribution du médicament
En attendant, la CSRP appelle ses partenaires à travailler sur les points faibles repérés pendant la crise, à savoir les réponses parfois chaotiques face à l’urgence, le manque de gouvernance et la méconnaissance du travail de logistique par les décideurs dans les ministères et autres autorités.
C’est pourquoi la chambre syndicale propose, à l’instar du plan blanc à l’hôpital et du plan bleu dans les EHPAD, de « construire ensemble un plan vert pour la distribution du médicament et des produits de santé ». Une proposition bien accueillie par les deux syndicats de pharmaciens.
* Taxe prélevée par l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) au titre de la vente en gros de médicaments.
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