Encore une invention administrative ?
L’URPS serait-elle une énième instance qui inonde les pharmaciens d’informations, voire génère de nouvelles paperasseries et tâches administratives ? Les URPS avouent être relativement démunies pour battre en brèche ces idées reçues. Ces institutions jeunes – à peine 12 ans - peinent encore à s’imposer comme troisième pilier de la représentation professionnelle, entre l’Ordre et les syndicats. « Nous manquons de visibilité au niveau hexagonal », explique Christophe Wilcke, président de l’URPS Grand Est, annonçant qu’une assemblée générale le 20 avril devrait conforter l’existence d’une conférence nationale. De son côté, Félicia Ferrera Bibas, présidente de l’URPS PACA, reconnaît que la première mandature des URPS – très institutionnelle - a sans aucun doute contribué à cette réputation. « Peu d’URPS ont, à cette époque, initié des projets de santé. »
Aujourd’hui, plusieurs présidents d’URPS estiment que ce déficit d’image provient d’une communication lacunaire. La faute à un manque de moyens financiers pour convaincre sur le rôle et les fonctions de ces instances régionales dont le budget provient essentiellement des contributions recouvrées par l’Urssaf, les Curps (Contribution aux unions régionales des professionnels de santé). Certaines URPS voient leur budget complété par des fonds dans le cadre d’un Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) avec les ARS. Mais la dotation reste trop modeste, insistent les URPS, pour engager des chargés de mission en nombre suffisant afin d'épauler des élus qui sont, rappelons-le, des titulaires en fonction. À titre d’exemple, l’URPS Bretagne dispose d’un budget de 200 000 euros pour couvrir une région de quatre départements et 1 300 pharmacies, le Grand Est (2 000 pharmacies) reçoit 250 000 euros (hors CPOM) ou encore 560 000 euros (CPOM compris) sont alloués aux Hauts-de-France et ses quelque 2 000 officines. Dans cette région, cependant, son président Grégory Tempremant estime que chaque titulaire devrait avoir aujourd’hui connaissance des fonctions de l’URPS. « Ils se sont vu proposer au moins une action rémunérée et pendant la crise sanitaire, nous leur avons envoyé une newsletter par jour », se souvient celui qui ne ménage pas sa peine pour faire vivre « ce levier dans les territoires destiné à optimiser le rôle du pharmacien pour améliorer les indicateurs de santé ».
Trop dépendante de l’ARS ?
Souvent accusées de n’être qu’une émanation institutionnelle, les URPS ne seraient-elles que les courroies de transmission des ARS ? Grégory Tempremant ne réfute pas ce terme « pourvu que la transmission s’effectue dans les deux sens ! ». Car, assure-t-il, la dynamique s’insuffle aussi à partir du terrain. Il en veut pour preuve le poids des remontées des professionnels. Dernier exemple en date, lors de l’épidémie de variole du singe les observations des pharmaciens ont conduit les pouvoirs publics à étendre la vaccination en officine. « Nous ne sommes pas seulement là pour appliquer les directives de l’ARS », conclut-il. Christophe Wilcke avoue ne pas échapper à l’amalgame entre ARS et URPS parfois fait par des confrères. « A contrario d’autres pharmaciens sont heureux de me rencontrer « en vrai » après m’avoir suivi pendant la crise sanitaire. » La crise sanitaire a en effet mis en lumière le rôle des URPS : distribution de masques dans le Grand Est ou encore comme la fourniture de SHA via les betteraviers, dans les Hauts-de-France.
Fort de cette expérience du Covid, Christophe Wicke est persuadé que les URPS vont surpasser « leur crise d’adolescence » dans de bonnes conditions. Car le lien entre ARS et URPS, somme toute légitime au regard du travail effectué, permet aussi désormais aux URPS pharmaciens de se positionner dans le paysage sanitaire régional. « Avant la crise sanitaire il n’y avait pas de place pour les pharmaciens dans les travaux préfiguratifs des SAS (services d'accès aux soins NDLR). Or dernièrement les schémas d’organisation prévisionnelle ont intégré les pharmaciens au travers de protocoles », se félicite-t-il. De fait, les présidents d’URPS se réjouissent d’être de plus en plus consultés et impliqués dans l’organisation des soins sur le territoire, via notamment le plan régional de santé (PRS).
Pour autant Félicia Ferrera Bibas se défend de faire le jeu des pouvoirs publics, « je ne suis pas un bras armé de l’ARS, mais bien un bras armé de l’avenir de l’officine que je défends de l’intérieur ». Elle affirme ainsi que l’URPS permet, par ses actions, d’anticiper la demande des pouvoirs publics en valorisant le rôle des pharmaciens. « Je leur dis voilà ce que nous pouvons et savons faire et ce que ça coûte ! », résume-t-elle. Quitte à œuvrer souvent dans l’ombre des diverses commissions, comme le rappelle Luc Mougin, président de l’URPS Bretagne. Cette représentation « politique » des pharmaciens est cependant essentielle car elle veille à positionner la profession dans l’offre de soins d’une région. Cette représentation va jusque dans les relations avec la faculté de pharmacie de Rennes. « Face au déficit d’attractivité de la filière nous avons mené une grande campagne d’affichage dans les officines de la région en coopération avec les grossistes répartiteurs », rappelle Luc Mougin.
En Bretagne, où l’expérimentation OSyS a mis l’URPS sous les feux de la rampe, comme dans le Grand Est au détour d’une autre expérimentation sur les soins non programmés, les pharmaciens sont apparus aux yeux des pouvoirs publics comme des acteurs de soins. « Un Français sur cinq choisit son pharmacien pour un soin non programmé. Contrairement à la population, l’ARS n’avait jusqu’ici pas conscience du rôle que pouvait jouer l’officine », observe Christophe Wilcke.
Un porte-voix des syndicats en région ?
Interlocuteurs des pouvoirs publics et politiques sur le terrain, les présidents d’URPS se défendent cependant de mettre en avant leurs couleurs syndicales. Un paradoxe alors que cette instance est, par essence à l’origine, une émanation syndicale. S’ils refusent de transposer au niveau local les combats nationaux, c’est parce qu'ils privilégient la cohésion, par pragmatisme. Les deux syndicats représentatifs de la profession se retrouvent ainsi au sein d’une même et unique entité, « comme effecteurs sur un même terrain de jeu, la région », décrit Félicia Ferrera Bibas. Il n’est ainsi pas rare que la présidence et la vice-présidence soient détenues par des syndicats opposés. Assurant qu’il ne fait pas de syndicalisme au sein de son URPS, Renaud Nadjahi réfute de même le terme d'intersyndicale. Pour s'en expliquer, il use de la métaphore du conseil municipal. « Nous sommes comme une assemblée d’élus qui doit travailler pour l’ensemble des officines de la région. » Son confrère du Grand Est renchérit : « En URPS, nous oublions nos barrières syndicales, nous sommes là pour construire ensemble des relations entre pharmaciens. »
« Même si nous sommes des personnes syndiquées, nous bannissons les schémas syndicaux stériles », poursuit-il. En revanche, il note que les tensions de la vie syndicale au niveau national ont aujourd’hui des répercussions sur les relations entre les URPS de libéraux.
Des expérimentations oui, mais pour quoi faire ?
OSyS, Oncolink, Octave, monpharmacien.fr, PARTAGE, IATROPREV, Optimed, Gecovax… Les expérimentations suscitées ou accompagnées par les URPS sont pléthore. Elles sont la partie visible, souvent médiatisée, de l’aboutissement d’un travail au long cours des URPS. La plupart des expérimentations, qu’elles se réfèrent à l’article 51 ou non, sont en effet le fruit d’une coopération avec les pouvoirs publics, en lien parfois même avec le milieu hospitalo-universitaire, et surtout avec les URPS d’autres libéraux. Elles sont un vecteur d’interprofessionnalité sur les territoires. Les URPS sont en effet le creuset d’innovations valorisant le rôle du pharmacien, le plus souvent en interaction avec d’autres professionnels de santé. « La bonne volonté des URPS fait vivre l’interprofessionnalité », confirme Luc Mougin précisant que l’inter-URPS fonctionne bien en Bretagne, alimentée par des réunions régulières entre professionnels de santé.
Ces modèles d’organisation des soins révèlent les compétences des officinaux dans l’accompagnement des patients, les soins non programmés et les missions de santé publique. Quand ils ne s’appuient pas sur le réseau officinal pour proposer des solutions aux problématiques d’accès aux soins. Cette tendance se dégage depuis plus récemment pour répondre à l’urgence de santé publique que constitue la raréfaction des médecins dans les territoires.
Après évaluation, certaines d’entre elles ont été appelées à être dupliquées sur le territoire. Que l’on songe à la vaccination antigrippale, la remise des kits colorectaux ou encore les TROD angine. Ces missions expérimentales sont aujourd’hui entrées dans le droit commun et bénéficient souvent d’un cadre conventionnel. Mais selon Félicia Ferrera Bibas, les URPS doivent aller plus loin désormais. Les expérimentations doivent toutes s’inscrire dans une seule et même lignée, celle de la transformation du métier de pharmacien. « Une expérimentation n’est pas une énième expérimentation de plus. Mais bien en harmonie avec la volonté de répondre à des besoins concrets, des expérimentations qui, les unes après les autres, déclinent des modèles de pharmacie clinique. » « Reste à le faire savoir, reconnaître et à le structurer, en appui avec la Société française de pharmacie clinique (SFPC) », explique-t-elle. Car, ajoute la présidente de l'URPS Paca, notre profession sait faire beaucoup de choses, mais peine encore à le faire savoir.
* « Pharmaciens, d'officine. Osez la clinique ». Le jeudi 13 avril à la Cité internationale universitaire de Paris.
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