LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Le PL37, molécule développée par Pharmaleads est en phase 2 de son développement. Comment peut-on résumer le mécanisme d’action de cet antalgique d’un nouveau type ?
PR BERNARD ROQUES.- Le traitement des douleurs sévères, qu’elles soient aiguës ou chroniques reste loin d’être satisfaisant, en termes d’efficacité, de tolérance ou de sécurité d’emploi. Le PL37, chef de file d’une toute nouvelle classe d’analgésiques, est un inhibiteur double d’enképhalinases (DENKI pour Dual ENKephalinase Inhibitor), les enzymes dégradant les enképhalines. Les enképhalines, ces substances endogènes capables de se lier aux récepteurs opioïdes, sont de véritables morphines internes. Elles sont libérées en grande quantité sous l’effet d’une stimulation intense comme la douleur. Cependant, l’action des enképhalines est très brève (< 1 mn) du fait de leur destruction rapide par les enképhalinases. Le PL37 et les autres DENKIs synthétisés et développés chez Pharmaleads* ont pour effet d’augmenter la concentration et la durée de vie de ces puissants analgésiques naturels, particulièrement dans la zone douloureuse, induisant ainsi une véritable analgésie physiologique.
Cette analgésie produite par les DENKIs représente le premier nouveau concept de traitement de la douleur sévère en développement clinique depuis des décennies. Les résultats obtenus lors des différentes études prouvent que son efficacité serait proche de celle de la morphine sur les douleurs aiguës, sans les effets indésirables de cette dernière : sédation, dépression respiratoire, addiction, accoutumance ou constipation. Dans le cas des douleurs neuropathiques, l’effet des DENKIs apparaît supérieur à celui des médicaments actuels et dépourvus de leurs effets indésirables.
La différence fondamentale entre les enképhalines et les opiacées de type morphine est que cette dernière inonde l’ensemble des récepteurs opioïdes de l’organisme, causant ainsi tous ces effets secondaires. En revanche, les enképhalines protégées par les DENKIs n’agissent (aux niveaux périphérique, spinal et cérébral) que là où le stimulus douloureux provoque une augmentation de leur concentration.
Le PL37 pourra-t-il remplacer les morphiniques dans toutes les situations où le palier 3 est requis ?
Pour répondre à cette question, il faut tenir compte de deux éléments importants. Avant tout, le PL37 est développé sous deux formes, visant des indications très différentes. La voie orale, par laquelle le PL37, qui ne pénètre que très peu dans le système nerveux central, exerce son effet au niveau des nocicepteurs périphériques exclusivement, et vise donc des douleurs dans lesquelles l’hypersensibilisation périphérique prédomine. Il s’agit essentiellement des douleurs neuropathiques, quelle qu’en soit l’origine (diabète, zona, lésions nerveuses post-chirurgicales, médicaments). Et la voie intraveineuse, pour laquelle le PL37 est formulé de manière à franchir la barrière hématoencéphalique ce qui lui permet d’augmenter les concentrations d’enképhalines dans les zones du système nerveux central qui contrôlent la douleur. Il s’agit de toutes les indications de la morphine parentérale (douleur aiguë postopératoire et traumatique, douleurs cancéreuses paroxystiques, infarctus du myocarde hyperalgique, etc..).
Par ailleurs, le mode d’action a du mal à s’accommoder de la classification de l’OMS, dans laquelle, du fait de ses particularités (efficacité des morphiniques sans leurs effets secondaires), le PL37 représente une catégorie à part.
Dans l’administration intraveineuse, l’objectif principal n’est pas nécessairement de se substituer entièrement aux morphiniques parentéraux, mais d’en réduire la consommation en vue de diminuer leurs effets secondaires, ou de les remplacer quand la morphine ne peut être employée sans risque (insuffisance respiratoire, pédiatrie, gériatrie).
Une autre manière d’utiliser le PL37 i.v. avec les morphiniques parentéraux est la rotation, c’est-à-dire en substitut temporaire de la morphine quand les effets de cette dernière deviennent à la longue insupportables (constipation) ou inefficaces (accoutumance), et de reprendre la morphine ensuite.
Dans les douleurs neuropathiques, par voie orale, il est tout aussi difficile de situer le PL37 dans la classification de l’OMS. Il pourra être efficace par lui-même, ou en combinaison avec les traitements standards (antiépileptiques par exemple). La puissante synergie observée chez l’animal entre les DENKIs et les antiépileptiques permet d’envisager pour la combinaison des deux molécules un effet mixte, périphérique et central, capable de venir à bout des douleurs neuropathiques, souvent rebelles, et de réduire considérablement les doses des médicaments actuels pour éviter leurs effets secondaires.
Quel est le profil de tolérance de ce nouveau principe actif ? Est-il dénué de tout risque de dépendance pharmacologique ?
Par voie orale, le PL37 a été administré à 136 sujets sains à des doses allant jusqu’à la très haute dose de 1 g quatre fois par jour pendant 5 jours chez 33 sujets. Les effets secondaires étaient modérés et essentiellement dose-dépendants, ne différant pas de ceux observés sous placebo et surtout sans aucun des effets secondaires des morphiniques (sédation, constipation par exemple). Les doses maximales étudiées chez les volontaires étaient de 4 à 6 fois supérieure aux doses prévues chez les patients des études de Phase 2.
Aucune dépendance n’a été observée dans les tests animaux (ni avec le PL37, ni avec des DENKIs plus anciens entrant dans le cerveau) ni chez les volontaires sains, mais il faudra davantage de patients bien sûr, en particulier par voie i.v. pour le confirmer. Les DENKIs agissent par l’intermédiaire des enképhalines qui agissent sur les récepteurs opioïdes là, et seulement là, où le stimulus douloureux a produit une augmentation de la concentration de ces morphines internes. Cela explique pourquoi la dépendance est improbable.
Quels sont aujourd’hui les principaux résultats des essais cliniques menés sur l’homme ?
La Phase 1 et ses deux essais contre placebo sur 136 sujets ayant effectivement reçu le PL37 montre une grande sécurité d’emploi et une excellente tolérance du produit.
Sur le plan de l’efficacité, il faut bien sûr attendre les résultats des études de Phase 2a. Néanmoins, le test à la capsaïcine, censé mimer les syndromes de la neuropathie, réalisé au cours de la Phase 1b du PL37 (en cross over contre placebo chez 27 sujets) montre un effet significatif de cette molécule à la dose de 1 g sur différents paramètres en particulier l’allodynie et l’hyperalgésie mécanique, alors même que ce test n’est absolument pas adapté à la pharmacologie des DENKIs et à leur mode d’action. En effet, dans l’ensemble des douleurs, c’est essentiellement lorsque le nerf est effectivement lésé que les DENKIs peuvent pleinement exercer leur action de stimulateurs de l’action des enképhalines, ce qui n’est absolument pas le cas dans le test à la capsaïcine. L’effet significatif de la dose unique de 1 g sur la douleur aiguë ressentie par les sujets constitue donc une preuve inattendue, mais très claire, de l’effet analgésique des DENKIs, en dehors de toute lésion nerveuse constituée ce qui, bien sûr, est un argument de plus pour leur développement dans les douleurs aigues et chroniques par excès de nociception.
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