IL FAUT malheureusement le déplorer, les personnes âgées de plus de 65 ans, payent chaque année un lourd tribut à l’épidémie saisonnière de grippe. Il s’agit, de fait, du groupe de personnes à risque numériquement le plus exposé (elles sont près de 8 millions en France) aux conséquences les plus graves. C’est ainsi qu’environ 6 000 décès ont été relevés l’année dernière chez les seniors au cours du pic de l’épidémie grippale et de la vague de froid. Pourtant, seulement 6 seniors sur 10, et la moitié de la population à risque, sont aujourd’hui vaccinés contre la grippe, un taux très inférieur aux objectifs de santé publique fixés à 75 %.
Rappelons que le haut risque de complications concerne les femmes enceintes, les plus-de-65-ans et toute personne atteinte d’une maladie chronique respiratoire (BPCO et asthme au premier chef), cardiaque, rénale, hépatique, sanguine, métabolique (diabète), d’une obésité ou d’une diminution des capacités du système immunitaire.
Phénomène aggravant, ainsi qu’il a été récemment indiqué par le GEIG (Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe), la couverture vaccinale des plus-de-65-ans a baissé de près de 10 % au cours des deux dernières années, cette diminution concernant plus particulièrement les 70 à 74 ans (-12 %) et les 65 à 69 ans (-10 %). Cette tendance a aussi affecté les autres groupes de personnes à risque, avec, par exemple, par rapport à 2009-2010, un taux de vaccination passé de 68 à 43 % chez les moins-de-65-ans souffrant de BPCO et de 42 à 36 % chez les personnes en ALD (Affection de Longue Durée).
Une désaffection relative.
Le Pr Bruno Lina (virologue, Lyon) identifie plusieurs causes à ce recul, complexes et intriquées, à bien prendre en compte afin de lutter efficacement contre cette désaffection.
« La première à considérer est sans doute l’existence, à un moment donné, de la volonté de certaines personnes de se « rebeller » contre la vaccination en général ; de ce point de vue, la grippe a pu apparaître comme le meilleur candidat et le fait de ne pas se faire vacciner ou revacciner comme ne pouvant avoir qu’un impact mineur », souligne le Pr Lina.
Il convient aussi d’évoquer une réflexion scientifique datant d’avant la pandémie, qui entretient le doute en bruit de fond : « les vaccins actuels n’auraient qu’une efficacité relative et s’il faut continuer la même politique de protection en attendant mieux, il faut aussi rechercher activement de nouveaux vaccins plus efficaces (rapport du CIDRAP : Center for Infectious Disease Research and Policy) ».
« Une autre considération qui a joué un rôle concerne l’ensemble des débats contradictoires autour de l’intérêt ou du non-intérêt de la vaccination contre la grippe pandémique A(H1N1) et de prises des positions qui, au final, ont desservi la vaccination antigrippale d’une manière générale », poursuit le Pr Lina.
D’autant qu’in fine les faits n’ont pas confirmé la gravité imaginée/anticipée de la pandémie.
Tout cela à contribué à faire passer le message que la grippe en soi n’est pas un problème de santé et encore moins un problème de santé publique.
« Néanmoins, au cours de l’année dernière, la baisse du taux de vaccination conjuguée à l’épidémie de grippe A(H3N2) a entraîné une surmortalité lors du pic de froid », souligne le Pr Lina. Mais au mois de novembre 2012 il semblerait que nous ayons assisté à une remontée du taux de vaccination antigrippale par rapport à l’année précédente, ce qui reste à confirmer.
« Cela est le reflet du fait que les médecins généralistes, et potentiellement les pharmaciens, prennent conscience que la vaccination contre la grippe des personnes fragiles est un acte important et que de ne pas les vacciner représente une vraie prise de risque, alors que le nombre très important de données en notre possession est en faveur d’une excellente tolérance du vaccin contre la grippe saisonnière », remarque le Pr Lina.
Intérêt d’un discours de vérité.
Face à une personne qui s’interroge sur l’intérêt de la vaccination contre la grippe, un discours clair et factuel est sans nul doute la meilleure façon de procéder afin de contrer les propos négatifs et les rumeurs.
Si le vaccin ne protège pas à 100 % les malades, il est prouvé qu’il protège les vaccinés. D’ailleurs, il est bien montré que la mortalité baisse au cours des épidémies lorsqu’on vaccine ! La publication prochaine de travaux d’analyse reprenant l’ensemble des études disponibles devrait conforter l’intérêt des vaccins contre la grippe actuellement disponibles.
« L’efficacité de cette vaccination varie en fonction de l’âge et de l’état physiopathologique, de l’ordre de 85 à 90 % chez l’adulte jeune en bonne santé, 65 à 70 % vers 50 à 60 ans et peut-être environ 40 % chez les personnes de 80 ans et plus », indique le Pr Lina. « Mais, il n’empêche que 40 % est beaucoup mieux que 0 % ! ».
En évitant les formes graves et en diminuant la mortalité, le vaccin antigrippal a donc une efficacité réelle, y compris en ce qui concerne l’impact de la vaccination de l’entourage des personnes particulièrement fragiles ; une efficacité renforcée par la promotion de mesures d’hygiène à effet barrière.
Un rôle pour le pharmacien.
« Le pharmacien a un rôle important à jouer pour argumenter, lever les réticences et tenter de convaincre ceux qui se posent des questions. Tout en étant très objectif, il doit se garder d’embellir la réalité et rester dans la vérité en présentant les choses telles qu’elles sont, en luttant contre une mauvaise perception des dangers, bien réels, auxquels sont exposées les personnes des groupes à risque. Enfin, il peut également rappeler aux personnes potentiellement à risque de forme grave qui ne seraient pas encore vaccinées que, si elles n’ont pas reçu le bon de vaccination de l’Assurance-maladie, elles peuvent demander à leur médecin traitant de leur en éditer un », conclu le Pr Lina.
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