MOIS APRÈS MOIS, après chaque test de grossesse, les doutes et la désillusion s’installent, comme le résume avec humour un extrait du film québécois « Le bonheur des autres » : « - De toute façon tu disais que tu ne voulais pas un capricorne, c’est quoi le prochain signe ? - Verseau. […] Un verseau j’serai contente… N’importe quoi j’serai contente ». Il est important de savoir écouter et parler à ces couples en détresse. Mais comment le faire bien ? Isabelle Masse, assistante spécialiste en gynécologie médicale au CHU de Brest et Myriam Chastaing, praticien hospitalier responsable de l’unité de psychiatrie de liaison au CHU de Brest, apportent quelques éléments de réponse.
LE QUOTIDIEN DIU PHARMACIEN.- Avant de parler d’infertilité, comment rassurer les couples impatients ?
ISABELLE MASSE.- Les couples sont en effet de plus en plus impatients, et ont tendance à planifier beaucoup leur avenir. Or la fécondabilité est de 25 % par cycle chez la femme de 20 à 30 ans. Ainsi, il faut qu’ils sachent que même si, sans contraception et avec des rapports sexuels réguliers, le délai moyen avant de concevoir un enfant est de 3-4 mois, la loi des probabilités fait qu’il peut aussi se passer un an sans problème sous-jacent. L’infertilité se définit par l’absence de conception après une année de rapports sexuels réguliers non protégés. Demander à un couple depuis combien de temps il essaie d’avoir un enfant et leur donner ces chiffres peut donc suffire à les rassurer.
Comment les couples vivent-ils leur parcours d’assistance médicale à la procréation ?
Au départ, toute une batterie d’examens est proposée aux couples : bilan hormonal pour évaluation de la réserve ovarienne, spermogramme, puis hystérosalpingographie… Puis la femme doit se rendre à l’hôpital régulièrement (injections, échographies, monitorage) alors qu’elle n’est pas malade. Certaines femmes nous disent alors qu’elles n’ont plus l’impression de faire un bébé à deux mais de le faire avec le corps médical.
Les femmes expriment souvent un sentiment d’injustice : pourquoi leurs amies ou leurs sœurs tombent enceintes et pas elles ? Elles ressentent de la rancœur, de l’aigreur à la vue de bébés ou de femmes enceintes. Les échecs des inséminations et FIV sont particulièrement difficiles à accepter chez les femmes pour qui on ne retrouve pas de cause à leur infertilité (ce qui correspond à 1/4 des cas).
Les hommes, quant à eux, expriment le plus souvent de la culpabilité. Ayant une érection et une éjaculation normales, ils ne s’attendent pas à de mauvais résultats de leur spermogramme et le ressentent comme une remise en cause de leur virilité.
MYRIAM CHASTAING.- Les hommes se sentent parfois d’autant plus coupables que c’est la femme qui va subir de nombreux examens pendant leur parcours d’assistance médicale à la procréation. L’équilibre du couple est parfois menacé. Pourtant, il n’y a pas un coupable mais deux « victimes » qui sont deux personnes en souffrance et l’infertilité concerne bien le couple : on ne fait pas un bébé tout seul !
Quelle est la place de la psychologie dans l’infertilité ?
M.C.- La contraception, avec son slogan « un enfant si je veux, quand je veux » a fait croire à tort qu’on pouvait avoir un enfant quand on le désirait. Or la médecine a ses limites et l’infertilité ne trouve pas toujours une explication. Les facteurs psychologiques trouvent diverses origines : pression de la famille, pression de la société, rapport aux parents ou encore rapport au conjoint… Il arrive d’ailleurs qu’après échec de l’AMP, une femme tombe naturellement enceinte.
Quels conseils peut-on apporter aux couples infertiles à l’officine ?
I.M.- Il est toujours utile de rappeler les règles simples d’hygiène de vie, de façon positive et toujours sans les culpabiliser : l’arrêt du tabac et de l’alcool, la perte ou la prise de poids pour atteindre un équilibre acceptable. En effet, le tabac a une influence négative sur le nombre et la mobilité des spermatozoïdes et aurait aussi des conséquences sur l’implantation embryonnaire. Perdre du poids chez une obèse permet d’améliorer l’ovulation et engendrera moins de complications pendant la grossesse. Une insuffisance pondérale (par exemple IMC de 16-17 chez une ancienne anorexique) ne permet pas non plus une ovulation de qualité. Si la sexualité est abordée, leur conseiller d’avoir des rapports réguliers tout au long d’un cycle (2 à 3 fois par semaine) plutôt que se focaliser sur l’ovulation.
M.C.- La souffrance de ces couples est parfois très forte et il est important, comme pour toute maladie, de ne pas banaliser cette souffrance. En en parlant, les couples ne cherchent pas forcément des réponses (il n’y en a pas toujours) ni des conseils (ils en reçoivent déjà beaucoup de leur entourage). Il est en revanche important de les écouter et de leur laisser l’espace de la plainte.
Article précédent
Comment aider les aidants en détresse.
Article suivant
Principes d’hygiène à l’usage de tous
« Ne faîtes pas la morale aux toxicomanes »
10 tabous invités à franchir le comptoir
Comment aider les aidants en détresse.
Le couple infertile face à sa douleur
Principes d’hygiène à l’usage de tous
Les mots pour en parler
Un espace à aménager, une attitude à adopter
Peut-on parler d’argent à l’officine ?
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques