ÉTÉ 1906. Charles H. Warren, président de la Lincoln Bank, a loué une villa luxueuse sur Oyster Bay, à Long-Island (état de New York). Ses vacances tournent mal : fin août, sa cadette est atteinte de typhoïde, puis sa femme, puis une autre fille, puis deux servantes, puis le jardinier… Ainsi commence l’histoire de Mary-la-Typhoïde.
Le propriétaire de la maison, George Thompson, ne voulant pas risquer d’en perdre une future location, fit diligenter une enquête par un hygiéniste, George A. Soper (1870-1948), qui soupçonna, après quelques vérifications de routine, que la maladie, dont l’occurrence au sein de cette famille propre et riche avait de quoi surprendre, méritait d’être recherchée non pas dans les coquillages de la baie - un temps sur la sellette -, mais auprès de la cuisinière des Warren, Mary Mallon (1869-1938), une Irlandaise, arrivée aux États-Unis en 1884, taiseuse, négligée, mais fin cordon-bleu, embauchée peu avant l’épidémie et qui avait disparu subitement ! L’enquête auprès des agences de travail ne tarda pas à révéler que de nombreux cas de typhoïde émaillaient son parcours dans les maisons où elle avait exercé ses talents aux fourneaux… Ainsi, en 1900, son passage fut contemporain de l’apparition de la typhoïde dans une famille de Sands Point. Un an plus tard, Mary travailla en plein Manhattan : une collègue lingère décéda, victime de la typhoïde. Trois ans plus tard, une famille entière de New York fut contaminée. À chaque fois Mary officiait en cuisine, et Mary n’entendait pas perdre du temps à se laver les mains !
Soper la retrouva finalement dans l’office d’une riche maison de Park Avenue. La fille de ses employeurs venait de succomber à l’infection mais la cuisinière refusa de lui confier des selles pour analyse et le menaça de sa pique à volaille : pourquoi l’impliquer dans cette affaire, elle qui éclatait de santé ? Soper n’en publia pas moins ses observations en 1907. C’est alors Sara Josephine Baker (1873-1945), un médecin spécialisé en santé publique, qui se frotta à la cuisinière rebelle. Sans succès. Elle ne parvint pas à convaincre Mary qu’elle était à l’origine de l’épidémie, d’autant que l’Irlandaise finit par se croire persécutée et victime d’ostracisme de la part de son pays d’adoption.
23 ans de quarantaine.
Miss Mallon - les tabloïds la surnommèrent immédiatement Typhoid-Mary - fut finalement arrêtée de force par cinq policiers qu’elle agonit d’injures : les examens confirmèrent qu’elle hébergeait de façon chronique le bacille de la typhoïde (identifié en 1884), sans conséquence aucune sur sa santé, et le disséminait au gré de sa créativité culinaire. À une époque où l’antibiothérapie restait inconnue et la typhoïde régulièrement fatale, Mary fut enfermée en 1907 dans un bâtiment isolé, dédié au traitement de la variole et à la mise en quarantaine de patients contagieux, le Riverside Hospital établi sur une île de l’East River (non loin du Bronx). Elle en sortit début 1910, après s’être engagée auprès du médecin responsable de la santé publique dans l’état de New York, Eugene H. Porter (1856-1929), à cesser toute activité à risque de contamination. L’histoire aurait pu s’arrêter là si… Mary Mallon, ne manquant pas de goût pour la cuisine, n’avait pas fini par se présenter comme… Une certaine Mary Brown pour reprendre, incognito, du service dans une maternité de Manhattan… où la typhoïde frappa en 1915 25 patientes dont une décéda. Démasquée, la cuisinière mortifère fut immédiatement renvoyée au Riverside Hospital. Elle y supporta alors avec fatalisme une quarantaine qui dura quelque 23 années : d’abord victime d’un accident vasculaire cérébral en 1932, elle mourut en 1938, des suites d’une… pneumonie.
Typhoid-Mary avait été, au minimum, à l’origine de 57 cas de typhoïde dans l’état de New York et de trois décès. Surtout, elle fut dans l’histoire de l’infectiologie, le premier exemple décrit de porteur sain d’un germe hautement pathogène. D’autres cas similaires furent repérés par la suite : à chaque fois, ils furent la source de dizaines de contaminations et de nombreux décès. Cependant, seule Mary-la-Typhoïde passa à la postérité : son surnom désigne parfois encore aux États-Unis une source de contamination ou de malheur.
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