UN JOUR, les patients ayant besoin d’une transfusion sanguine deviendront peut-être leurs propres donneurs. Les résultats de l’étude menée par Luc Douay (directeur de recherche de l’unité « Prolifération et différenciation des cellules souches », unité mixte de recherche Inserm UPMC, hôpital Saint-Antoine) représentent un espoir sensible dans le contexte actuel, où les besoins en sang ne cessent de croître mais pas le nombre des donneurs et où les problèmes de sécurité des produits transfusés se posent (risque d’infection lié aux nouveaux virus émergents par exemple). Ainsi, lorsque tous les progrès techniques auront été réalisés, la production des GR à partir de cellules souches pourrait représenter une alternative aux produits classiques de la transfusion sanguine. Avant ce futur, cette approche pourrait donner une solution aux patients porteurs de groupes rares ou aux sujets polyimmunisés, ce qui représente de 1 à 3 % de la population transfusée.
Maturation complète dans l’organisme.
Les premiers tests ont été réalisés chez la souris. Les chercheurs ont utilisé des cellules souches hématopoïétiques (CSH CD34+) provenant du sang circulant d’un donneur humain. Ils les ont mises en culture avec l’aide de facteurs de croissance spécifiques (SCF ou stem cell factor, epo, hydrocortisone…) qui régulent la prolifération et la maturation vers les GR matures. D’abord, ils obtiennent des milliards de GR. Ensuite, ils observent que les GR obtenus par cette culture (GRc) sont fonctionnels en terme de déformabilité, contenu enzymatique, capacité de leur hémoglobine de fixer/libérer de l’oxygène et, enfin, par l’expression des antigènes de groupe sanguin. La démonstration est ensuite faite, sur quatre modèles de souris, que les GRc peuvent atteindre leur maturation complète dans l’organisme.
Ces données ont fourni la base biologique nécessaire pour passer au test humain, chez un volontaire. Ses propres CSH ont été mises en culture avec les facteurs de croissance, et marquées au chrome radioactif (Cr51). Au bout de 5 jours, le taux de survie des GRc dans la circulation sanguine du sujet se situe entre 94 et 100 %. Après 26 jours, ce taux est compris entre 41 et 63 %, ce qui est comparable à la demi-vie moyenne de 28 jours des globules rouges natifs normaux.
« Compte tenu de la quantité injectée dans notre étude, on ne peut évaluer l’efficacité transfusionnelle des GRc. Toutefois, leur survie in vivo témoigne globalement de leur qualité et de leur fonctionnalité. »
L’un des objectifs est de générer un maximum d’unités cellulaires. Le défi scientifique va consister à exploiter au maximum les capacités de prolifération/différenciation des CSH pour atteindre la maturité aussi vite que possible.
À cet égard, les CSH périphériques peuvent évidemment présenter un intérêt pour la production des GR autologues. Mais, «?dans notre expérience, la meilleure source pour la production des GR est clairement les cellules dérivées du sang de cordon. Ces cellules génèrent de 5 à 10 fois plus de GR que les CSH périphériques et elles ont une capacité à la prolifération supérieure, pour une capacité identique à perdre leur noyau ».
Dans les conditions expérimentales de l’étude, la combinaison de la première phase d’amplification de 50 fois les CSH CD34+ à une seconde phase de différenciation érythroïde pourrait nous permettre de générer de 4 à 30 millions de GR à partir d’une seule CSH, expliquent les auteurs.
Le présent travail établit une preuve de principe pour l’obtention de GR in vitro utilisables pour la transfusion, concluent-ils.
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