Sevrage alcoolique

Selincro prescrit par le généraliste ne sera pas remboursé

Publié le 24/02/2014
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Le nalméfène, médicament visant à la réduction de la consommation d’alcool chez les sujets dépendants, devrait bientôt être commercialisé en France. Toutefois, ses modalités de prise en charge laissent perplexes. Le médicament sera remboursé à 30 % seulement après une prescription par un médecin spécialiste.

LE NALMÉFÈNE (Selincro, des Laboratoires Lündbeck) est un médicament indiqué dans l’aide sevrage alcoolique. Il a obtenu son AMM européenne le 5 mars 2013 mais, à ce jour, il n’est pas encore commercialisé en France. Toutefois, cela ne saurait tarder : les modalités de prise en charge et de prix sont en cours de négociation avec les autorités de santé. La commission de la transparence a d’ores et déjà proposé un remboursement à 30 %, mais seulement en cas de prescription par un médecin spécialisé en addictologie ou alcoologie.

C’est là où le bât blesse, car le médecin généraliste pourrait donc bien prescrire le nalméfène, mais sans que son patient ne soit remboursé par la Sécurité sociale. Un comble pour la Société française d’alcoologie (SFA), qui s’en offusque dans un communiqué : « l’argument avancé par la commission de la transparence est que l’accompagnement psychosocial conjoint à la prescription (du nalméfène) ne serait pas réalisable en pratique de ville par le généraliste. Mais alors pourquoi les généralistes peuvent-ils assurer l’accompagnement psychosocial des autres médicaments de la dépendance alcoolique : disulfirame, acamprosate et naltrexone, pour lesquels il n’y a pas de limitation des conditions de remboursement ? », indique la société savante. De plus, la couverture thérapeutique des sujets dépendants alcooliques est loin d’être optimale : moins de 10 % des personnes dépendantes de l’alcool bénéficieraient d’un traitement chaque année en France. « Il est donc essentiel d’encourager les généralistes à se mobiliser pour repérer les problèmes d’alcool chez leurs patients et de proposer une intervention thérapeutique adaptée. La décision de la commission de la transparence envoie au contraire un message démobilisateur », poursuit la SFA. Le Dr Anne D’andon, chef du service d’évaluation des médicaments, interrogée par le « Quotidien du médecin », s’explique sur la limitation du remboursement : « ce médicament s’adresse aux patients à risque élevés, les très gros buveurs. Il s’agit d’une nouvelle forme de prise en charge qui ne vise pas le sevrage mais la diminution de la consommation. » De plus, le remboursement à 30 % restreint aux prescriptions par le spécialiste sera réévalué au bout de la première année de commercialisation du produit.

Posologie complexe.

En effet, l’AMM stipule que le Selincro est indiqué pour « réduire la consommation d’alcool chez les patients adultes ayant une dépendance à l’alcool avec une consommation d’alcool à risque élevé, ne présentant pas de symptômes physiques et ne nécessitant pas un sevrage immédiat ». La prise du médicament est assez complexe, car la volonté de boire doit être anticipée. En effet, Selincro doit être pris lorsque le patient en ressent le besoin : chaque jour où il perçoit le risque de boire, le patient pourra prendre du Selincro de préférence 1 à 2 heures avant le moment où il anticipe une consommation d’alcool. Et la dose maximale est d’un comprimé par jour. Ce traitement doit également être prescrit en association avec un suivi psychosocial continu axé sur l’observance thérapeutique et la réduction de la consommation d’alcool. Par ailleurs, Selincro apporte une amélioration du service médical rendu mineure par rapport à une prise en charge psychosociale seule dans le traitement de l’alcoolodépendance.

CHARLOTTE DEMARTI

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3071