LES RELATIONS entre la stratification de la population* et les fréquences géniques sont bien comprises lorsque les regroupements de population ont une base géographique ou d’appariement. On connaît mal, en revanche, l’impact, sur la distribution des génotypes, des regroupements en dehors de toute stratégie de reproduction, comme c’est le cas dans les choix qui gouvernent les relations sociales et les amitiés. Des chercheurs américains identifient, pour la première fois, certains génotypes partagés dans ce type de regroupements sociaux. En d’autres termes, les ami(e)s ne présentent pas seulement des traits physiques ou de caractère en commun, mais aussi, semble-t-il, des marqueurs génétiques.
Les relations de parenté ne semblent pas être l’unique support de la sélection naturelle opérant à l’échelle des groupes de population. Des théoriciens de l’évolution pensent ainsi que d’autres formes de relations sociales, en dehors de la parenté, pourraient également intervenir, mais il existe encore peu d’arguments tangibles en faveur de cette hypothèse.
Un processus de sélection naturelle.
Les relations d’amitié représentent souvent une illustration du proverbe : « Qui se ressemble, s’assemblent. » Les auteurs anglo-saxons appellent « homophily » (appariement social sans caractère sexuel d’après des ressemblances) les rapprochements entre individus qui se fondent, comme dans le proverbe, sur des « ressemblances phénotypiques ». Les chercheurs de La Jolla formulent l’hypothèse que si ces personnes présentent aussi des ressemblances génotypiques, celles-ci ne peuvent résulter que d’un processus de sélection naturelle.
Pour rechercher d’éventuelles ressemblances génotypiques parmi des groupes d’amis, l’équipe de Nicholas Christakis a étudié six génotypes au sein de deux cohortes : la National Longitudinal Study of Adolescent Health (Add Health), qui a recueilli des données chez des adolescents appartenant à 142 établissements scolaires, et la Framingham Heart Study Social Network (FSH-Net). Dans la première étude, on demandait à chaque individu de désigner jusqu’à dix amis et dans la seconde jusqu’à deux amis proches.
Dans l’étude Add Health, le génotype des sujets était déterminé en considérant un marqueur parmi
les six gènes suivants : DRD2, DRD4, CYP2A6, MAOA, SLC6A3 et SLC6A4. Les Américains ont délibérément restreint leurs analyses aux amis sans relation de parenté avec les individus testés et conduit, en parallèle, un test sib-TDT (sibling transmission disequilibrium test) comme contrôle de stratification de population. Ils ont ainsi découvert des corrélations significatives pour deux gènes. Il existe, d’une part, une corrélation positive (« homophily ») avec le polymorphisme de longueur de fragments répété Taq1, au niveau du gène DRD2 (p = 0,008), et, d’autre part, une corrélation négative (« heterophily » : les individus choisissent leurs amis d’après des différences de traits) avec le polymorphisme nucléotidique simple (SNP) rs1801272 du gène CYP2A6 (p = 0,000?1). Une étude de réplication conduite sur la cohorte FSH-Net confirme ces associations dans le même sens et avec une magnitude comparable.
Six gènes explorés.
Il est intéressant de noter que les six gènes explorés présentent, à des degrés divers, des associations avec certains traits de personnalité et de comportement social. Le gène DRD2, par exemple, a été associé à l’alcoolisme. Surtout, les résultats de l’équipe américaine indiquent que la distribution des génotypes dans une population n’est pas uniquement influencée par les modes de formation d’unions à visée reproductive, mais qu’elle pourrait également être modulée par la manière dont se nouent les liens d’amitié. L’expression, à l’étage génétique, de « l’homophily » comme de « l’heterophily » qui gouvernent les relations amicales pourrait avoir des implications importantes dans notre compréhension de la manière dont les gènes façonnent l’exposition aux facteurs environnementaux, mais aussi des voies par lesquelles notre environnement social peut influencer nos comportements. D’une manière plus générale, on peut être amené à se demander si l’environnement social ne constitue pas une force évolutive, au même titre que les facteurs biologiques.
* subdivision d’une population en sous-ensembles.
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