Le Quotidien du pharmacien.- Lors des vœux du LEEM, vous avez exprimé la volonté de renouer le dialogue avec les professionnels de santé, et en premier lieu avec les pharmaciens d’officine. Quelles sont vos motivations ?
Frédéric Collet.- Rendre accessible tous les nouveaux traitements à tous les Français dans un délai court, en ne concédant rien à la qualité de la chaîne du médicament : c’est ce qui doit animer toutes nos réflexions du moment. Or ces nouveaux traitements transforment le parcours de soins, le parcours du médicament et nos métiers. C’est le cas des entreprises du médicament, du médecin, de l’infirmier et bien sûr du pharmacien. L’évolution de son métier a commencé avec la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoire (HPST), en 2009, et se poursuit avec de nouvelles prérogatives comme la vaccination ou la possibilité de prescrire dans certaines situations. Je suis certain que c’est grâce à la cohésion, dans cette chaîne, des acteurs de santé qu’in fine notre mission sera assurée.
Quant à renouer le dialogue avec les pharmaciens, je ne suis pas certain qu’il ait été dénoué. Mais je suis sûr que nous avons besoin d’un dialogue renouvelé, fructueux, nourri et explicite pour que chacun reconnaisse les prérogatives et les attentes de l’autre.
Les ruptures de stock sont une problématique officinale quotidienne. Dernièrement, les entreprises pharmaceutiques ont été assujetties à de nouvelles obligations, assorties de sanctions, notamment de stockage. Sont-elles justifiées ?
C’est un sujet qui nous mobilise aussi au quotidien car tous les adhérents du LEEM sont concernés par la hausse très significative des signalements de ruptures de stock. Dans ce cadre, le LEEM a proposé, il y a un an, un plan pour répondre à ce phénomène mondial et multifactoriel. Les ruptures sont liées à une augmentation de la demande mondiale en médicaments, et notamment en Asie, à la complexification de la chaîne de production, à la concentration de la production des principes actifs autour de quelques pays, à la disponibilité du médicament dans la chaîne d’approvisionnement, et notamment au niveau logistique où il peut exister des fragilités. Lors de l’annonce de nouvelles obligations pour les entreprises du médicament par le Premier ministre, celui-ci a souligné la nécessité de renforcer l’attractivité française. C’est pourquoi j’attends avec impatience le rapport Biot qui pourrait préconiser le rapatriement en France ou en Europe de certaines productions, y compris de principes actifs.
Concernant les nouvelles obligations imposées aux entreprises du médicament, je reste prudent. Comme je l’ai souligné au Premier ministre, il faut faire très attention à ce qu’une application stricte des textes ne conduise pas à un effet contre-productif, en rendant la France moins attractive et en détournant des industriels qui auraient pu investir sur le territoire.
La dispensation à l’unité pour certains médicaments, promise par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, est réapparue dans la loi anti-gaspi votée le 30 janvier. Le LEEM – tout comme les pharmaciens – n’y est pas favorable. Pourquoi ?
Le grand public évoque cette mesure de manière très positive, parce que tout le monde veut éviter le gâchis de médicament. Cependant, je pense que c’est une fausse bonne mesure. D’abord pour des questions de santé publique : ce n’est pas approprié aux traitements longs, cela fait perdre la traçabilité et ce n’est pas adapté au mécanisme que nous venons de mettre en place, à savoir la sérialisation, qui a demandé un investissement massif des entreprises du médicament. De plus, ce dispositif va à l’encontre des objectifs environnementaux qu’il vise, car les entreprises seront amenées à modifier les blisters pour qu’ils soient prédécoupés et donc plus grands. Enfin, je rappelle que les industriels se conforment à l’obligation d’adapter les conditionnements à la recommandation posologique émise par la Haute Autorité de santé. La principale cause des boîtes de médicaments non terminées n’est donc pas liée au conditionnement.
Les pharmaciens ne se sont pas encore investis dans la sérialisation alors que les entreprises de santé ont été prêtes dans les temps. Comment analysez-vous la situation ?
Nos entreprises ont fait ce qu’il fallait, elles ont absorbé les coûts de cette mesure qui sont significatifs puisqu’il a fallu modifier les chaînes de production, elles ont répondu présent et dans les temps. Mais, à l’autre bout de la chaîne du médicament, la mise en œuvre est complexe. Je voudrais saluer l’énorme travail de l’Ordre des pharmaciens et je constate que de plus en plus d’officines déploient le nouveau dispositif.
Avec les nouvelles règles du non substituable, l’alignement des prix de certains princeps sur celui de leurs génériques (tant redouté par les pharmaciens) est devenu une réalité. Les syndicats de pharmaciens accusent le LEEM d’avoir rompu la parole donnée. Que leur répondez-vous ?
Cet article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2019, c'est du « lose-lose » de bout en bout puisqu'il ne satisfait personne : ni les laboratoires, ni les pharmaciens, ni les patients, ni les médecins. Nous ne cessons d’expliquer aux autorités que cette situation ne peut pas durer, il faut absolument modifier cet article pour garantir un écart de prix pour les médicaments génériqués depuis moins de deux ans. En revanche, je suis surpris par certains commentaires, émanant parfois de personnes qui n’étaient pas présentes lors des discussions sur le sujet, discussions d’autant plus délicates que le LEEM doit respecter la voix de chacun de ses adhérents. Mais en aucun cas on ne peut remettre en question notre volonté d’ajuster au plus vite cet article 66 pour sortir de cette situation.
Le droit de substitution biosimilaire, introduit par la LFSS 2014 mais qui n’a jamais pu être appliqué, a été abrogé par la LFSS 2020. Est-ce un problème de compétence ?
C’est un sujet que j’ai vécu d’assez près pour avoir travaillé dans un laboratoire très engagé dans les biosimilaires. Il s’agit d’un médicament qui a la même composition en substance active que le médicament biologique d’origine. Il ne peut être identique de par son procédé de fabrication qui repose sur des cellules vivantes, on parle donc de similarité. Je pense qu’il faut éviter de reproduire ce que nous avons fait avec le générique avec cette nouvelle génération de produits. Pour le générique, nous n’avons pas porté assez d’attention à la confiance de tous les acteurs de santé, en particulier des médecins qui ont été exclus de la politique générique. Les compétences du pharmacien ne sont évidemment pas en cause. Mais il faut, avant toute autre chose, rassurer l’ensemble des acteurs sur ce qu’est un biosimilaire, l’enjeu est donc pédagogique. C’est pourquoi nous envisageons de réaliser une campagne d’information vers tous les acteurs.
Un projet de loi présenté le 5 février en Conseil des ministres vise à assouplir les règles de vente en ligne des médicaments. Le LEEM voit-il ce projet d’un bon œil ?
Notre mission collective est de nous assurer que le patient français bénéficie du médicament dont il a besoin dans de bonnes conditions en termes de qualité et de délais. Face à ces discussions encore récentes, je me pose la question de la qualité de la chaîne du médicament si on se passe de la contribution d’un acteur de santé comme le pharmacien. Il y a quelques années, j’ai été confronté à l’entrée forcée de plateformes Internet sur le marché des dispositifs médicaux en ophtalmologie. De mon expérience, il est alors très difficile d’assurer le même niveau de qualité pour le patient, d’éviter le risque de produits contrefaits sur ces plateformes et d’assurer le conseil nécessaire au patient. Le LEEM est donc très attentif aux assouplissements de règles évoqués dans ce projet de loi.
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