Le Quotidien du pharmacien. — Parmi les données économiques de votre étude statistique, vous analysez l’impact des loyers dans le compte de résultat des officines. Comment ce poste de charge évolue-t-il ?
Philippe Becker.- Selon nos derniers chiffres, la stabilité est revenue après une période de forte pression. Bien évidemment les pharmacies urbaines doivent consacrer une plus large part de leurs ressources au paiement du loyer, soit 1,52 % du CA HT, mais globalement l’écart avec les pharmacies rurales (environ 7 000 euros par an) n’est pas spectaculaire. S’agissant de moyenne, il faut prendre du recul car les pharmacies situées en région parisienne et dans les centres commerciaux payent largement plus.
Dans quelle mesure ?
Christian Nouvel.- Dans les hypercentres des grandes villes, il est courant que l'on recense un pourcentage moyen de loyer supérieur de 1 % à la moyenne, pour une surface moindre. Concernant les pharmacies situées dans l’emprise d’un centre commercial le loyer peut représenter 3 à 4 % du chiffre d’affaires HT. Ceci engendre des coûts fixes importants et bien entendu, si l’activité ne progresse pas rapidement, la situation financière peut vite se dégrader.
De manière générale, il est toujours utile de ramener le loyer à un nombre de jours de marge brute dégagée sur le chiffre d’affaires HT ; en d’autres termes, cela revient à répondre à la question suivante : combien de jours dois-je travailler pour payer mon loyer ?
À titre d’exemple, à combien de jours de marge brute cela revient-il pour une pharmacie « standard » ?
Christian Nouvel.- La pharmacie moyenne, qui réalise dans notre étude un chiffre d’affaires de 1,569 million d’euros et dégage une marge brute égale à 31, 37 % du CA HT, paye un loyer moyen de 22 424 euros.
Dans l'hypothèse d'une ouverture de 300 jours dans l'année, le pharmacien va travailler 13 jours pour couvrir cette charge. Dans l'hypothèse d'une pharmacie de centre commercial, 20 à 30 jours d'activité seront nécessaires pour pouvoir payer le loyer !
Dans ce cas, le pharmacien titulaire ne doit-il envisager au cours de sa carrière de devenir le propriétaire des murs ? Quels seront les critères à prendre en considération ?
Philippe Becker.- C’est un vaste sujet à tiroirs ! Il va de soi que capitaliser sur les murs peut avoir du sens, surtout dans une période très favorable aux emprunteurs. Le vouloir c’est bien, mais le pouvoir c’est mieux ! Lors d’une première acquisition, l’apport personnel est très souvent absorbé par l’achat du fonds officinal ou des parts, et il ne reste en général pas de marge de manœuvre. Ajoutons aussi que les propriétaires des murs ne sont pas toujours enclins à céder à leurs locataires car le pharmacien est un « bon risque ».
C’est donc compliqué ! Combien de pharmaciens sont propriétaires de leurs murs dans votre étude ?
Philippe Becker.- Environ 5 % sont propriétaires, c’est faible ! Cela ne veut pas dire qu’ils n’en ont pas envie, car les relations entre bailleurs et locataires ne sont pas très bonnes, en particulier dans les grandes villes. Les situations se crispent lors des renouvellements à l’échéance des 9 ans, mais aussi lorsque le pharmacien veut faire des travaux importants de rénovation. Souvent les propriétaires utilisent leur droit de véto sur ce point pour négocier une augmentation du loyer. Nous le répétons souvent lors de l’achat d’une pharmacie, un examen du contrat de bail par le notaire ou l’avocat est une nécessité impérative, surtout si l’on envisage une restructuration des locaux.
Christian Nouvel.- De toute manière, acheter les murs fait partie de la stratégie professionnelle. Toutefois cela n’a de sens que dans le cadre d’un projet à long terme et si l’emplacement le justifie pleinement, sinon il vaut mieux louer les murs et chercher à transférer plus tard dans un local mieux situé, à proximité.
Dans l’hypothèse de l’achat des murs, le statut de la société civile immobilière (SCI) s’impose-t-il toujours, selon vous ?
Philippe Becker.- Cela reste le véhicule juridique le plus approprié pour une telle opération sur le long terme en matière de fiscalité car la plus value à la vente est taxée de manière dégressive. Le coût de gestion est faible et la SCI permet aussi d’intégrer les membres de sa famille dans un souci de réduire les droits de succession.
Quel est le surcoût d’un emprunt par rapport à un loyer ?
Christian Nouvel.- Tout va dépendre de la durée du prêt et des conditions financières consenties par le banquier. Prenons l’exemple d’un pharmacien qui paye un loyer de 36 000 euros par an et qui acquiert les murs pour un prix 550 000 euros, acte en main. S’il apporte 50 000 euros, soit environ 10 % de la valeur du bien, il empruntera 500 000 euros sur 15 ans à un taux de 1,5 % par an et le remboursement annuel sera de 37 000 euros environ.
Soit à peine plus que son loyer !
Philippe Becker.- C’est exact ! Il faudrait néanmoins considérer les incidences fiscales et les coûts liés à la possession du bien, mais on peut aussi intégrer, pour être positif, une plus value éventuelle et un complément de retraite après cession de l’officine.
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