Loyauté et solidarité doivent régir les liens entre les pharmaciens, en toutes circonstances. Le pharmacien adjoint ne déroge pas à la règle. Dans ce cadre, il est notamment soumis à une obligation déontologique de non-concurrence limitée à deux ans, à l'égard de confrères qu’il aurait - soit pendant, soit après ses études - remplacés, assistés ou secondés pendant au moins six mois. Cette obligation déontologique - qui trouve sa source dans le Code de la santé publique à l’article R.4235-37 - l'empêche de devenir titulaire d'une officine concurrente pendant deux ans, à compter du terme du contrat de travail.
L'obligation déontologique de non-concurrence doit être distinguée d'une clause de non-concurrence pouvant figurer dans tout contrat de travail. Cette dernière a également pour but de protéger le titulaire d'une officine contre la concurrence qui pourrait lui être faite par l'un de ses anciens collaborateurs. Toutefois, à la différence de l'obligation déontologique qui vise uniquement une activité concurrente en tant que titulaire, la clause peut aussi concerner une activité concurrente en tant que salarié. En effet, un adjoint qui décide de quitter son officine pour s'installer ou devenir adjoint d'une pharmacie proche, pourrait ainsi détourner une partie de la clientèle. Autre différence de taille : la clause est obligatoirement assortie d'une contrepartie financière.
Cinq conditions cumulatives…
Dans un arrêt rendu le 10 juillet 2002, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. Ces cinq conditions étant cumulatives. Comme l'obligation déontologique, la clause de non-concurrence prend effet lors de la rupture du contrat de travail. Elle concerne tout particulièrement le pharmacien adjoint. Compte tenu de ses fonctions et de sa proximité avec la clientèle, il risque de porter préjudice aux titulaires de l'officine qu'il quitte pour exercer dans un périmètre proche. La clause de non-concurrence n'est pas obligatoire. C'est au titulaire de décider s'il souhaite l'intégrer au contrat de travail de son adjoint. Néanmoins, cette clause doit être légitime : elle doit être incluse que s'il existe un réel risque de concurrence déloyale.
...rédigées dans le contrat de travail
Par ailleurs, la clause de non-concurrence doit être rédigée après consultation de l'adjoint : un accord doit être trouvé entre les deux parties. Elle doit comporter l'ensemble des conditions nécessaires pour pouvoir être applicable. « La clause doit, par exemple, préciser si elle vise une activité concurrente en tant que salarié et/ou en tant que titulaire. Elle doit également définir la durée d'application (deux ans maximum) et la limitation géographique. Celle-ci ne doit pas dépasser la zone de clientèle », indique Me Fallourd. La clause doit être rédigée de façon pratique, au cas par cas. « Il faut délimiter la zone géographique en bonne intelligence. Par exemple, il est évident qu'un adjoint travaillant dans un petit village risque de détourner la clientèle du titulaire s'il décide de s'installer à proximité, dans le même village. De même, ce n'est pas parce qu'il s'installe dans le village d'à côté qu'il n'engendre pas de concurrence déloyale. Le risque de détournement de clientèle est, par exemple, important lorsque la pharmacie est située dans un département voisin se trouvant sur la nationale amenant au village dans lequel se trouve son ancienne officine », détaille Me Fallourd.
Négocier la contrepartie financière
Autre élément essentiel : la clause de non-concurrence doit prévoir une juste compensation financière du préjudice subi par l'adjoint qui ne peut travailler pendant deux ans dans une officine proche de celle où il a exercé. « Les titulaires doivent évaluer la contrepartie de la clause de non-concurrence en proportion du préjudice qu'ils causent à l'adjoint en entravant sa liberté fondamentale d'exercice d'une activité professionnelle », explique Me Fallourd. En pratique, dans la mesure où la Convention collective des pharmaciens ne prévoit pas le montant de cette indemnité, titulaires et adjoints doivent le négocier ensemble. Ce montant doit être clairement indiqué dans le contrat de travail de l'adjoint. Il sera versé dans son intégralité lors de la rupture du contrat ou de façon échelonnée (par exemple, sous forme de prime versée au salaire de l'adjoint). « Enfin, à la rupture du contrat, le titulaire peut également décider de délivrer l'adjoint de son obligation de non-concurrence et donc, de ne pas lui verser de contrepartie financière. Attention : si la clause de non-concurrence n'a été assortie d'aucune indemnité, le salarié ayant tout de même respecté cette clause pourra solliciter, outre la nullité de celle-ci, des dommages-intérêts contre son ancien employeur », note Me Fallourd.
Démontrer la faute de concurrence déloyale
Lorsque l'adjoint décide de quitter son officine pour travailler au sein d'une pharmacie située à proximité de cette dernière, il doit toujours en évaluer les risques, pour éviter de commettre un acte de concurrence déloyale. « Lorsqu'un titulaire s'estime lésé, c'est à lui de démontrer que son adjoint a commis une faute de concurrence déloyale en exerçant à proximité de son officine. Il doit notamment démontrer la violation des contraintes de temps ou d’espace de la clause, et l’importance de son préjudice financier (baisse du chiffre d'affaires de l'officine). Dans la plupart des cas, l'adjoint ne crée pas une nouvelle pharmacie : il rachète ou devient salarié d'une pharmacie existante, dans un périmètre proche. Dans ces conditions, le détournement de clientèle est souvent difficile à chiffrer pour le titulaire, lequel renonce dans certaines situations à engager une action contentieuse », confie Me Fallourd.
Enfin, en cas de concurrence déloyale avérée, l'adjoint n'est pas toujours le seul professionnel en cause. L'article R.4235-36 du Code de la santé publique indique qu'« il est interdit aux pharmaciens d’inciter tout collaborateur d’un confrère à rompre son contrat de travail ». Le titulaire de la pharmacie concurrente peut donc être mis en cause en cas de débauchage.
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